L'été 1936, la parenthèse enchantée
23.05.2017

"Brouillon" de Michèle

En 1936, pour une majorité d’ouvriers c’est la première fois, la toute première fois qu’ils peuvent s’arrêter de travailler tout en continuant à être payés !

·         Après une longue période de grèves pour demander « du travail et du pain !», c’est une explosion joyeuse et populaire après une longue attente dans un tunnel ! Une explosion, c'est-à-dire qui claque et qui… surprend !

 

Au début des années 1930 a belle machine du capitalisme s’est cassée !

 

25 millions de chômeurs dans toute l’Europe organisent d’interminables marches à travers les villes et les campagnes.

 

La révolte gronde, les pierres volent, les matraques s’abattent sur les têtes, les balles sifflent : il y a des morts, des blessés.

 

Cette gangrène nous vient de l’Amérique où à éclaté, un certain jeudi noir d’octobre 1929 : au pays de l’opulence on ne récolte plus que la misère !

 

Pour sauver le capitalisme du naufrage, le Président Roosevelt invente un nouveau contrat social : le New deal (la nouvelle donne[1]).

 

La grande crise de 1929 a mis deux ans pour traverser l’Atlantique et envahir l’Europe où on ne lui trouvera pas d’autres remèdes que la guerre.

 

En attendant le chômage tue lentement.

 

En France, l’horloge est arrêtée au 1er novembre 1918.

Une République fantôme, troisième du nom, expédie mal  les affaires courantes.

Depuis 60 ans la France n’a pas changé de constitution : elle se contente de changer de gouvernement tous les 6 mois.

 

Le préfet de police, monsieur Jean Chiappe  qui aime l’ordre en toute chose introduit

·         les premiers feux rouges

·         et les passages cloutés.

 

Personne ne croit plus en la République actuelle : ni à droite, ni à gauche.

Parti radical et parlementarisme sont les deux mamelles de la France.

 

Dans la ronde du système, les ministres sont tous de futurs présidents du conseil, les présidents du conseil de futurs ministres.

 

 

·         République et Franc Maçons s’indigne la droite !

·         République des 200 familles accuse la gauche !

·         République des notables répond fièrement le centre !

 

« Pourquoi la France est-elle gouvernée par des hommes de plus de 75 ans ? » Demande le Canard Enchaîné. « Parce que ceux de 80 ans sont morts ! »

·         Il y a 50 ans que ça dure.

 

La France Paysanne radicale conserve pieusement ses vieillards qui n’en finissent pas de célébrer la victoire de 14/18, une victoire usée jusqu’à la corde.

·         Ils ont gagné la « der des der » mais les civils ont perdu la paix.

·         Quand les choses vont mal, l’armée est le dernier recours.

 

La droite cherche parmi les militaires un général  ou plutôt… un maréchal Président.

 

Casimir de La Rocque, le chef des anciens combattants,  son programme : « Travail, Famille, Patrie », enfant du général Boulanger défile le 1er mai.  Pour eux c’est la fête de Jeanne d’Arc et non celle du travail, en bataillons…. de plus en plus serrés !

D’abord

·         les anciens combattants,

·         puis les croix de feu,

·         les ligues patriotiques enfin,

nostalgiques de la grandeur perdue ils ont ressortis les uniformes de la Marne ou de Verdun. Bérets, décorations, godillots….

 

1934, depuis 2 ans l’extrême droite entretient une atmosphère de guerre civile, dans le centre de Paris elle tâte les défenses du régime.

Dans les banlieues ouvrières elle lance des expéditions punitives,

·         la police met tout le monde d’accord en distribuant à droite et à gauche des coups de pèlerines dont les doublures sont lestées de plomb.

 

Pendant ce temps les jeunesses patriotes paradent au grand jour : désormais on ne cache plus son jeu.

On jure d’abattre la République et d’exterminer la « peste rouge ».

 

En Allemagne le fascisme a déjà triomphé :

·         on a trouvé un maréchal Président, un chef, Adolphe Hitler,

·         une mystique, le nazisme. En 1933,

·         à la mort de Paul von Hindenburg, Hitler enfin seul, prend possession de l’Allemagne.

·         Il rêve de posséder le Monde.

·         10 ans avant Hitler, Mussolini a inventé le fascisme en Italie.

·         Pourtant les Français n’arrivent pas à le prendre au sérieux, ils l’ont baptisé le « César de carnaval ».

Le fascisme c’est la guerre.

 

Les premiers les intellectuels le comprennent.

·         En 1934 un comité anti-fascisme, le Comité de Vigilence des Intellectuels anti-fascites (CVIA) est créé à Paris,

président les professeurs :

·         l’ethnologue Paul Rivet,

·         le physicien  Paul  Langevin,

·         l’écrivain Alain,

·         et André Gide qui n’a pas encore visité le « paradis soviétique » lève le point avec une ferveur intacte.

Les jeunes, Aragon, Nizan, Malraux brûlent d’un romantisme révolutionnaire.

 

Malraux qui vient d’obtenir le prix concours pour « La condition humaine » qui sera le bréviaire de toute une génération.

Barbusse, Soustelle, Picasso, André Breton, Eluard, et 100 autres en font parti.

Le mouvement est lancé, jusqu’au Front Populaire.

 

1932/1934, 5 ministères en 18 mois.

 

La mécanique s’affole.

·         Un chauffeur de taxis est condamné pour en avoir traité un autre « d’espèce de député ».

·         Même pour la justice c’est une insulte.

 

Le scandale Stavisky sonne l’Hallali :

·         au départ une sombre affaire d’escroquerie, 500 millions de faux bons de caisse.

·         Le coupable un certain Sacha Stavisky est en fuite et le scandale éclate.

·         L’escroc bénéficiait d’incroyables protections au Parlement et dans le gouvernement.

·          Deux députés sont arrêtés, deux ministres sont compromis.

·         Le 8 janvier 1934, coup de théâtre on annonce le suicide de Stavisky juste au moment où les policiers venaient l’arrêter.

·         « Curieuse coïncidance ironise le Canard Enchaîné, il s’est suicidé d’une balle qui lui a été tirée à bout portant ».

 

C’est le « sauve qui peut ».

Dans un climat d’émeute, le Président du Conseil Edouard Daladier éloigne le préfet de Police, Monsieur Chiappe, enfant chéri de la Droite.

 

Le 6 février 1934. C’est le prétexte ! Au cri de « Vive Chiappe », « Daladier démission », les ligues patriotes s’ébranlent pour descendre les Champs Elysées.

·         Objectif le Parlement.

·         Cette fois c’est promis, c’est le « coup de torchon, on va fesser les députés ».

 

En fin de journée, place de la Concorde c’est l’affrontement inévitable avec le service d’ordre.

30 morts, 1600 blessés.

·         Toute la nuit les hommes de l’escadron de la garde républicaine ont chargés.

·         Les manifestants ont tranchés les jarrets des chevaux à coup de rasoirs

·         Au Parlement les députés affolés se sont enfuis en province.

Aux portes du Palais Boubon, le colonel de La Rocque a regardé sa montre : il est minuit, tout le monde rentre à la maison.

 

Cette nuit là la France pantouflarde a échappé au fascisme.

 

Les ligues pouvaient abattre le régime, elles se sont contentées de renverser le gouvernement.

·         Un de plus !

 

Une fois de plus, la France cherche un homme providentiel.

Elle en trouve un à la mesure du moment : Gaston Doumergue, dit Gastounet,

·         ancien Président de la République qu’on ramène en triomphe de sa retraite de Tournefeuille en province.

·         Il forme un gouvernement d’Union Nationale avec 7 anciens présidents du conseil et le maréchal Pétain à la guerre.

·         Tous les records d’âge sont battus !

 

Alors… le peuple se met en marche et déferle dans la rue.

Depuis la scission de Tours en 1920 la classe ouvrière est déchirée, socialistes et communistes sont des frères ennemis.

Leurs dirigeants ont refusés de se rencontrer pour diriger  un cause commune.

 

Le 12 février les socialistes défilent de Vincennes à la Nation.

·         Le parti socialiste SFIO est alors le premier parti ouvrier de France.

·         Héritier du vieux romantisme révolutionnaire Français il a ses gauchistes et ses trotskistes.

·         En débouchant sur la place ils voient s’avancer devant eux une autre colonne, ce sont les communistes qui se sont décidés à la dernière minute.

·         Que va-t-il se passer ?

·         Va-t-on se battre devant le service d’ordre comme on le fait depuis 15 ans ?

 

Les dirigeants s’avancent pour parlementer mais de la foule déjà s’élève un seul cri :

« Unité ».

Ce jour là est né le Front Populaire, là, dans la rue.

« Paris rassemblé dans cette manifestation signifie aux hommes du fascisme et du royalisme qu’ils ne passeront pas.

Vive la République des travailleurs. 

Vive la Liberté.

Vive l’unité prolétarienne, vive le peuple ouvrier » !

 

A ces cris, ce jour là, Léon Blum a rendez-vous avec son destin.

·         « Ce grand bourgeois, normalien, conseiller d’Etat, critique littéraire à la silhouette alanguie, à la voix chantante, ce contemporain de Gide et de Proust », dira un jour :

« je me demande parfois si j’étais fait pour être un homme politique ».

·         Venu à la politique à 47 ans,

·         il est surtout un homme de parlement,

·         il est marxiste mais « il se méfie des masses et de leur violence moutonnière, il faut d’abord les organiser, les éduquer, quand tout le monde sera prêt on pourra faire une révolution, une révolution pure comme le diamant ».

·         Pour ce moraliste tourmenté, la fin ne justifie jamais les moyens, il ne se salira jamais les mains.

 

La grande vague populaire du 12 février emporte tout avec elle.

 

D’abord, surtout le parti communiste qui jusque là

·         est un petit parti,

·         pur et dur,

·         semi clandestin avec comme politique la lutte des classes.

·         Un slogan,  « des soviets partout, une seule patrie : l’union soviétique ».

 

A cette époque le chef du parti est Maurice Thorez,

·         le fils du peuple pour les militants.

·         L’homme au couteau entre les dents pour les autres.

·         A 30 ans il a pris le contrôle du parti avec son ami Jacques Duclos, le petit pâtissier.

Duclos c’est la faucille, Thorez c’est le marteau.

 

Pour Staline tous les partis communistes sont des soldats au service de la troisième internationale.

Il avait tout misé sur le parti communiste allemand, il s’est trompé, Hitler a triomphé.

Alors il a décidé de changer de tactique.

Fini les soviets partout et  gare à ceux qui ne sont pas d’accord,

la larme à l’œil il assiste à l’enterrement de tous ses vieux camarades de la révolution d’octobre : Serguei Kirov, Grigory Ordjonikidzé

·         c’est lui qui les a fait assassiner.

 

Premier indice du changement, la visite à Moscou de Pierre Laval, ministre des affaires des affaires étrangères et à l’époque socialiste indépendant.

L’URSS signe un pacte d’amitié avec la France,

République bourgeoise et à l’issue de la visite le Kremlin publie le communiqué qui stupéfie les chancelleries :

« Monsieur Staline approuve pleinement la politique de défense nationale de la France ».

 

Le virage est pris mais il y en a qui ne sont toujours pas d’accord, alors Staline réveille le peuple de Moscou au milieu de la nuit et l’appelle dans la rue « Alerte, un immense complot a été découvert ».

Les procès commencent : ils ne cesseront jamais.

Devant le procureur général, tous les vieux compagnons de Lénine vont défiler : Radek, Kamenev, Boukharine, Zinoviev, Domski, gauchistes, déviationnistes, révisionnistes, réformistes,

ils sont tous liquidés, (La Grande Terreur, 2 millions de victimes - 11 personnalités, membres du gouvernement).

 

Maintenant c’est officiel le Comminterne est dissous, fini la lutte des classes, vive le Front Populaire.

 

Le PC Français a reçu la consigne.

Jacques Duclos  en duo avec Maurice Thorez dans un discours,

-          JD : « Le Drapeau tricolore, symbole glorieux des luttes de nos peines est désormais réconcilié avec le Drapeau rouge qui symbolise à la fois les sacrifices et l’espérance du peuple, l’Internationale a désormais retrouvé dans les cortèges populaires sa sœur aînée, la Marseillaise »,

-          MT « La Marseillaise a jailli des entrailles révolutionnaires de 1792, elle est l’expression ardente et passionnée de la volonté révolutionnaire du peuple de France… » 

-          JD « Le parti communiste de France est fier d’avoir pris l’initiative d’avoir célébré la mémoire de Rouget de L’Isle, immortel auteur du chant immortel des soldats de l’an II ».

 

La France découvre alors un Thorez nouvelle manière, déguisé en bourgeois avec son gilet, sa chaîne de montre en or, et son chapeau mou.

·         Le « Thorez la main tendue ».

·         Aux socialistes d’abord qu’il faut ramener au bercail, au parti radical, le plus grand des partis, aux Croix de Feu, même autorisés à se repentir.

 

Tous les matins l’Humanité entonne le même refrain : « Nous te tendons la main catholiques parce que tu es notre frère ».

 

Et en avant pour le Front Populaire.

 

Première étape les deux centrales syndicales la CGT de Léon Jouhaux et la CGT communiste de Benoit Frachon fusionnent au congrès de Toulouse.

·         Thorez applaudit Jouhaux qu’il traitait la veille de « traite à la classe ouvrière ».

 

Emportés par le mouvement, Daladier et le parti radical, adhèrent au rassemblement du parti populaire, comme on souscrit une police d’assurance « Entre les blancs et le rouges, nous voulons demeurer les bleus, ni  radiques ni marxistes, ni conservateurs radicaux socialistes et c’est assez ! ».

 

14 juillet 1935 ils étaient là pour la journée du serment :

·         socialistes, communistes, radicaux, intellectuels de gauche et ils jurent de rester unis pour défendre la démocratie.

 

La droite commence a avoir peur et la peur nourrit la haine, on accule l’étranger !

Mais cela ne suffit plus, il faut des boucs émissaires sur place, les juifs pardi !

Au quartier Latin, tenu par des groupuscules d’extrême droite on commence à  lyncher des étudiants juifs.

·         « La France aux Français ! La France aux Français ! »…. (manifestations)

 

·         Dans l’Action Française, Charles Maurras s’acharne sur Léon Blum, haine hideuse, hystérique « Ce Juif Allemand, naturalisé au tout du moins, fils de naturalisé est un monstre de la République Démocratique, un détritus humain à traiter comme tel, c’est un homme à fusiller, mais dans le dos ! ».

 

Boulevard Saint Germain les Camelots du roi[2] attaquent la voiture de Léon Blum et le rouent de coups

·         « Si vous n’avez pas la guillotine, leur avait dit Maurras, vous avez bien un vieux couteau de cuisine ».

 

L’Abyssinie (ancienne Ethiopie) a été envahie par les troupes de Mussolini, aucune grande puissance n’a levé le petit doigt.

Dans son beau palais à Genève la Société des Nations sacrifie au culte de la Paix.

·         LA PAIX à n’importe quel prix.

Les dictateurs peuvent faire ce qu’ils veulent, là on fait de beaux discours et on ferme pudiquement les yeux.

·         Le Négus qui vient chercher de l’aide est accueilli par les sifflets des journalistes italiens… « Nous sommes tous d’accord pour servir la cause de la paix ». 

 

Mussolini annonce que l’Ethiopie est Italienne, ni la France, ni l’Angleterre ne bronchent.

 

Elles ne bronchent pas nom plus quand Hitler occupe la Sarre et la Rhénanie.

·         Pourtant n’avait-on pas dit qu’on ne permettrait pas que Strasbourg soit à la portée des canons Allemands.

·         Elle l’est et il ne se passe rien !

·         Le Canard Enchaîné a simplement titré « l’Allemagne envahit l’Allemagne ! ».

 

1936

Parc des Princes février  1936, les partisans d’Hitler (Tchécoslovaquie)  contre la Marseillaise !

·         La France est battue 3 à 1, mauvais présage.

 

Front Populaire contre Front National, gauche contre droite, le choix est simple pour l’électeur de 1936.

 

La France va se fracturer en deux.

·         Le drapeau rouge contre le drapeau tricolore.

 

 Les français sont très circonspects 

·         « le suffrage universel a en face de lui, des Réformistes sans réformes,  des révolutionnaires sans révolution et des conservateurs qui ne conservent rien ».

 

Depuis 10 ans les femmes veulent voter.

 

Le 03 mai 1936 c’est la victoire.

·         La France a voté Front Populaire.

·         Pourtant ce n’est pas une grande victoire, seulement 1.3 % de partisans supplémentaires, C’est le désistement au second tour qui a fait gagner 40 siège de plus au Front Populaire.

·         L’unité a payé.

·         La gauche fête joyeusement sa victoire « Avez-vous des nouvelles ? Il paraît que le monde va changer ! Il y aura beaucoup de soleil et personne ne sera humilié ». 

 

Bientôt le peuple aura son gouvernement.

 

Bientôt ?

Non.

·         Léon Blum toujours respectueux des règles ne veut pas former son ministère avant la rentrée du Parlement.

·         Il faut attendre un mois.

« Citoyens, camarades et amis. Nous étions tous ici il y a un an. Tous ensemble nous avons prêté le même serment, le serment a été tenu ».

·         Un mois a attendre c’est trop long, les ouvriers n’ont pas confiance, ils veulent des gages.

 

Renault, Citroën, Fiat, toutes les usines sont occupées dans la région parisienne.

Bientôt c’est un raz de marée,

·         2 millions de grévistes, 9000 entreprises occupées dans toute la France.

 

Les partis et les syndicats sont débordés.

·         La droite accuse les communistes,

·         les communistes accusent les trotskistes.

 

Pendant ce temps les ouvriers, eux  s’organisent.

·         Et, au lieu de quitter l’usine les ouvriers y restent, s’y installent, ils l’occupent : c’est une nouvelle formule, la grève sur le tas ! 

·         Peu à peu l’événement gagne les autres régions, les autres secteurs et il s’étend là où la grève n’avait jamais été, ou très rarement :

·         les grands magasins, les assurances, l’hôtellerie….

 

 

 

L’Action Francaise affole les beaux quartiers :

« Les soviets sont là, le pavillon rouge flotte à Marseille, c’est la révolution, la preuve les 24 h du Mans sont annulés, ah oui, du beau travail à l’actif du Front Populaire. Le grand soir est pour demain ou qui sait, pour ce soir».

 

En Avril, Léon Blum, Président du Conseil forme enfin son gouvernement.

·         Moitié socialistes, moitié radicaux.

·         Le parti communiste et la CGT on refusé de participer « pour ne pas effrayer les bourgeois »  a dit Maurice Thorez.

·         Léon Blum aurait pu constituer un gouvernement socialiste homogène, il n’a pas voulu ou… il n’a pas osé.

·         Les radicaux contrôlent la guerre et les affaires étrangères.

·          Il va bientôt le regretter.

 

Première innovation qui fait scandale : 3 femmes ministres dont Irène Joliot Curie.

Seconde innovation qui fait ricaner : un ministère des Loisirs,

 

Léo Lagrange.

·         « Dans le sport, nous devons choisir entre deux conceptions :

·         - la première se résume dans le sport spectacle et la pratique restreinte à un nombre relativement petit de privilégiés,

·         - selon la seconde conception, tout en ne négligeant pas le côté spectacle et la création du champion, c’est du côté des grandes masses qu’il faut porter le plus grand effort.Nous voulons que l’ouvrier, le paysan et le chômeur trouvent dans le loisir la joie de vivre et le sens de leur dignité ».Léo Lagrange, discours du 10 juin 1936.

 

Dès le départ Léon Blum annonce la couleur

·         « Le gouvernement du Front Populaire agira dans le cadre de la Société actuelle, mais avec la volonté délibérée d’en extraire tout ce qu’elle peut comporter d’ordre, de sécurité, de bien être et de justice ».

Il restera le gérant loyal de la société capitaliste.

Au nom d’une subtile distinction entre l’exercice du pouvoir et la conquête du pouvoir.

 Cette fois-ci explique-t-il « nous exerçons le pouvoir, nous ne l’avons pas conquis, ce serait malhonnête d’en profiter, révolution oui, coup d’état non ».

 

Le premier geste du gouvernement est de demander aux travailleurs d’évacuer les usines et de s’en remettre à la loi.

 

Enfin les difficultés commencent note le socialiste Braque,

·         à Paris les cafés et les restaurants sont fermés,

·         on fait la queue devant les rares magasins d’alimentation ouverts, du réflexe pour  ceux qui ont les moyens : on stocke l’huile et le beurre,

·         on envoie les femmes et les enfants à la campagne et les capitaux en Suisse.

·         Demain les boulangeries n’auront plus de pain. L

·         es grands magasins aussi sont occupés (un vieux compte à régler pour le sous prolétariat des vendeurs et des vendeuses. 3 fois une minute de retard et c’était le renvoi ! Défense de bavarder, défense de s’asseoir, pour les femmes robes noires obligatoires, pour les hommes pantalons à rayures. On affirmait que deux employés avaient été renvoyés pour avoir enrobés leurs sandwichs dans un numéro du « Populaire »).

Aujourd’hui on se venge !

·         On chante et on danse.

 

Le patronat désemparé accepte de négocier

 

Le 07 juin les négociations s’engagent entre patrons et ouvriers sous la Présidence de Léon Blum.

 

·         A une heure du matin les accords de Matignon sont signés.

·         Les patrons déclarent « la discussion a été courtoise, difficile et douloureuse ».

 

« Ce n’est pas une victoire, c’est un triomphe » titre le « Populaire ».

·         12 % d’augmentation de salaire (15 % pour les salaires les moins élevés, 7 % pour les salaires + élevés).

·         La semaine de 40 h (sauf pour les paysans).

·         15 jours de congés payés.

·         Le droit syndical reconnu.

·         L’école obligatoire jusqu’à 14 ans.

 

Des cortèges partent à travers la ville annoncer la bonne nouvelle.

·         Bien sûr il y en a qui trouvent que ce n’est pas assez.

·         Pourquoi pas la révolution, tout de suite !

·         Depuis le mois de mai une minorité de socialistes et de communistes ne cessent de proclamer « Tout est possible , maintenant et à toute vitesse, nous sommes à une heure qui ne repassera pas de sitôt au cadran de notre histoire, alors droit devant nous. En avant Camarades ! ».

 

« Mais non Messieurs, tout n’est pas possible, il n’est pas question de chambardement ni d’anarchie » répond ainsi l’Humanité.

Maurice Thorez lui-même intervient,

·         « le grand soir ce n’est pas pour ce soir ni pour demain, ni même après-demain ».

·         Il brandit un télégramme qu’il vient de recevoir de petits paysans qui ne sont pas contents de la grève des camionneurs -Nos cerises vont se gâter- disent-ils dans ce télégramme.

·         « Vous voyez, nous n’avons pas derrière nous la population des campagnes ni les classes moyennes alors il faut savoir terminer une grève ».

 

Les délégués syndicaux vont d’usines en usines donner la consigne : « Discipline Camarade ! Discipline».

·         « L’ordre nous l’assurerons en amenant la classe ouvrière à comprendre que son devoir commence quand on l’appelle à nous éviter d’avoir recours à des moyens de contrainte. Non le Front Populaire ne sera pas l’anarchie. Le Front Populaire ne vivra, le Front Populaire ne vaincra que dans la mesure où il sera capable de gouverner». RS

 

 Roger Salengro ministre socialiste de l’intérieur promet au Sénat d’évacuer les usines par tous les moyens.

·         Il annonce sous les applaudissements que les agitateurs, des étrangers suspects et 500 ouvriers ont été arrêtés.

 

Lentement, et comme à regret le travail reprend.

 

Pourtant fin juillet 300 usines sont encore occupées.

·         Chez Peugeot à Montbélliard les ouvriers dressent des barricades…. 

·         Sont-ils déçus ?

·         Ils n’ont pas le temps de l’être.

 

Après la fête des grèves, c’est la fête des congés payés.

 

Ceux qui n’ont pas vécus avant 1936 ne pourront jamais comprendre ce qu’a été ce premier départ en vacances !

 

Un vieil ouvrier a écrit à Léon Blum « Merci, grâce à vous j’ai vu la mer avant de mourir ».

 

Une petite fille sur une carte postale de Bretagne « Merci, grâce à vous je connais mes Grands-Parents »

 

A Matignon un communiste avait dit aux patrons

·         « vous comprenez, c’est comme s’ils avaient été au tombeau jusqu’à aujourd’hui , ils ont soulevé la pierre tombale et maintenant ils voient la lumière. Des familles qui habitaient St-Denis et qui rêvaient depuis des années de la Marne à Joinville. Pour elles c’était l’autre bout du monde !».

 

En juillet-août  560 000 personnes profitent du tarif réduit de Léo Lagrange et prennent d’assaut les gares parisiennes. 

On renforce les trains, le nombre de wagons… «

·         Les hommes qui descendaient du train portaient un bleu tout neuf acheté pour l’occasion » …

·         « Pour la première fois ces ouvriers s’arrêtaient de travailler sans perte de salaire…

·         « Je revois mon oncle ivre de joie levant le poing en criant : Vive Blum ! »….

 

Il y a aussi ces images, celles de familles assises, parfois inconfortablement, sur le pas de la porte :

·         « ils ne faisaient rien ! Ils savouraient simplement le moment… en discutant ».

 

Les gens aussi se rendaient visite

·         « on mangeait des gâteaux, c’était une fête permanente ».

 

Les actualités dans les cinémas

·         « on y voyait des ruées de gens qui allaient à la mer »…

·          

Ceux qui ne partaient pas

·         « allaient pique-niquer tous les jours dans les bois autour de Paris »

 

Il y a quelques récalcitrants :

·         « moi je ne part pas, il n’y a que les fainéants qui vont en vacances »

·         et le contremaître répond « Si tu viens lundi, je te sors à coup de pied au derrière »…

 

Beaucoup partent au grand air, à pied, à bicyclette, en tandem…  

 

Certains campent dans les dunes, dorment sous une falaise, dans une grange mais tout le monde est heureux !

 

Les premières auberges de jeunesse ouvrent leur porte… (les municipalités aménagent  des écoles en dortoirs…)

 

Beaucoup n’avaient jamais vu la mer.

·         Les plages sont noires de monde !

·         On respire le bon air de la mer.

 

Certains osent même aller à Deauville

·         « Mais alors pardon ! C’était réservé à ces messieurs-dames. On en a entendu des réflexions vexantes, surtout pour notre habillement. Vous pensez, avec nos petites robes en coton de Boussac, à côté de ces femmes qui mettaient des fortunes dans leurs toilettes… ».

« Ils vont salir nos plages ! »,

·         s’écrient les commerçants et des bourgeois scandalisés…  

·         On mange des sandwichs enveloppés dans « l’Huma ou le Populaire ». 

·         On les appelait « Salopards en casquettes ».

 

Tous les témoignages insistaient sur cette sensation nouvelle :

·         « le temps leur appartenait ! ».

 

Mais on fera une parenthèse dans ce bonheur ! Il y a des ouvriers peu scrupuleux qui profitaient de ce temps libre pour « travailler au noir ».

Sur un journal normand on peut lire

·         « Vous ne devez, sous aucun prétexte, vous faire embaucher chez autrui pendant la durée de vos vacances. Ce serait manquer à l’un de vos devoirs les plus élémentaires de syndiqué, trahir la CGT, qui défend pied à pied vos intérêts, et faire preuve d’un manque de cœur à l’égard des pauvres bougres qui n’ont pas d’ouvrage. Car il ne faut pas oublier que vous prenez la place d’un chômeur si vous vous faites engager par quelqu’un. Il ne faut pas perdre de vue que les congés payés sont l’un des facteurs qui avec la semaine des 40 heures, doivent contribuer à résorber le chômage ».

 

Et oui ce bonheur populaire ne faisait pas l’unanimité.

·         Pour les aristocrates et les bourgeois, accoutumés à vivre entre eux les débarquements des ouvriers a été difficile à vivre.

·         Une séparation naturelle s’est vite organisée.

·         Lorsque les prolétaires empiétaient sur leur espace, les bourgeoises disaient à leurs enfants « Ne t’approche pas des congés-payés ! ».

 

Mais les Bourgeois devront s’y faire…

·         Il n’y aura pas de retour en arrière. L’été suivant ils seront près de 2 millions à partir !


En Espagne aussi le Front Populaire a triomphé cette année là.

·         En Espagne aussi les ouvriers ont défilés dans les rues pour fêter leur victoire.

Pas pour longtemps.

·         Une rébellion militaire partie du Maroc Espagnol et dirigée par un certain Général Franco décide d’étouffer cette république trop à gauche.

·         C’est la guerre civile.

·         Une guerre atroce.

·         « J’aurais la victoire, même si la moitié de l’Espagne doit y périr » lance le Général Mola

·         « Viva la Muerte, Vive la mort » lance le général Minalastral.

 

La guerre d’Espagne casse la France en deux.

·         On dit à Blum « Mon grand ne te mêle pas de cette affaire, c’est trop dangereux ».

 

La droite agite l’épouvantail de la guerre.

·         Les catholiques sont déchirés.

L’Humanité écrit « Français, ceux qui meurent là-bas meurent pour vous ! ». Q

·         uelques volontaires partent à travers les cols des Pyrénées  au secours de la République espagnole.

·         Ils fondent les brigades internationales.

 

André Malraux, aidé en secret par le ministre de l’air, le socialiste Pierre Cote, rassemble 50 vieux coucous et fonde l’escadrille Espagna.

 

Pour Staline cette révolution espagnole fait désordre avec ses partis et ses syndicats anarchistes, ils lui envoient des tanks, des canons et quelques spécialistes de l’armée rouge.

·         C’est tout.

·         Il soutient l’escadrille Espagna mais du bout des doigts.

 

 

 

Que va faire le gouvernement du Front Populaire ?

 

L’Echos de Paris révèle qu’il s’apprête à livrer en secret des armes aux Espagnols.

C’est un tôlé général.

 

Monsieur Stanley Baldwin,  premier ministre anglais téléphone directement au Président de la République Monsieur Le Brun

·         « Si Hitler saisit ce prétexte pour déclencher la guerre, l’Angleterre restera neutre ».

·         Les ministres radicaux menacent de quitter le gouvernement.

·         La livraison d’armes est annulée.

 

Le martyre de Léon Blum commence « je n’en vis plus », dit-il.

·         Il court à Londres, à Genève.

·         Propose un pacte de non intervention en Espagne.

·         Les Russes disent d’accord.

·         Hitler et Mussolini signent tous les papiers qu’on  voudra et se frottent les mains.

·         Cela ne les empêche pas d’aider ouvertement  et massivement Franco.

 

Mussolini envoie 120 000 Italiens se battre en Espagne,

Salazar 20 000 Portugais,

quant à Hitler il offre l’arme qui donnera la victoire aux franquistes  l’aviation.

·         Les pilotes Allemands de la Légion Condor qui bombarderons plus tard Varsovie, Londres et Amsterdam se font la main sur Madrid.

·         Le 26 avril, sur la petite ville de Guernica, ils inaugurent la tactique du tapis de bombe.

·         Ce jour là, la 2ème guerre mondiale a commencé, ici, en Espagne.

 

Dans Irun encerclé les miliciens républicains ont tiré à blanc toute la journée et toute la nuit jusqu’à épuisement des munitions pour être arrêtés à la frontière par les douaniers français. Au matin Irun est tombé.

·         A Lunaparc, devant 20 000 militants socialistes, Léon Blum vient se justifier des sanglots dans la voix.

 

La rentrée d’automne est mélancolique, le franc est dévalué de 25 %.

·         Les ouvriers perdent en septembre ce qu’ils avaient gagné en juin.

De toute façon c’était trop tard.

·         La semaine de 40 h appliquée trop brutalement casse la reprise.

·          

Pour le Front Populaire c’est le coup de grâce :

·         c’est la défaite économique,

·         l’Espagne abandonnée,

·         le Franc dévalué,

·         que d’illusions perdues en trois mois.

·          

Ils vont tous se retrouver une dernière fois pour l’enterrement de Roger Salengro, le ministre socialiste de l’intérieur.

·         Une campagne de presse l’a accusé d’avoir déserté son poste pendant la guerre de 14/18, ses nerfs ont lâchés il s’est suicidé…

·         Mais ce sont leurs illusions qu’ils enterrent ce jour là (22 nov 1936) Conséquence : loi contre la diffamation.

 

Avant 1 an Maurice Thorez traitera Léon Blum d’Assassin de la classe ouvrière.

 

Avant 2 ans, Daladier jettera les communistes en prison.

 

Avant 4 ans, la chambre du Front Populaire votera à Vichy les pleins pouvoirs à Pétain.

 

Et pourtant…

·         Quelque chose a changé pour toujours au cours de ces chaudes de l’été 1936.

·         En 73 jours 135 lois ont été votées.

·         Elles n’ont pas changé la société.

·         Les patrons sont toujours les patrons,

·         les ouvriers sont toujours les ouvriers mais…

·         elles ont transformé la condition des travailleurs :

jadis ils n’avaient que des devoirs, depuis juin 1936 ils ont aussi des droits.

 

1941 : sous le régime de Vichy est mis en place le régime de retraite par répartition, le minimum vieillesse (loi du 14 mars 1941), la charte du travail (4 octobre 1941) où est mis en place le Salaire minimum.

1945 : mise en place de la Sécurité Sociale (droit de vote pour les femmes).

1946 : droit à l’emploi « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. »  - droit de grève.

1950 : Instauration du salaire minimum interprofessionnel garanti  (SMIG) – 1970 : SMIC

1956 : troisième semaine de congés payés.

1963 : quatrième semaine de congés payés.

1982 : cinquième semaine de congés payés et semaine de 39 h.

1999 : CMU (couverture maladie universelle).

 

 

 



[1] -réforme des banques, programme d’assistance sociale d’urgence, programmes d’aide par le travail, des programmes agricoles. La situation s’améliore mais la situation économique est catastrophique et le second New deal  creuse un très important déficit public

[2] La Fédération nationale des Camelots du roi est un réseau de vendeurs du journal L'Action française et de militants royalistes qui constituent le service d'ordre et de protection du mouvement de l'Action Française. Ils sont actifs entre 1908 et 1936.