REJOINDRE COMPOSTELLE PAR LA VIA TOLOSANA
31.01.2017 - la Xacobeo 93 ! 

 Résumé de la Conférence de Janice :

La Via Tolosana est un des 4 chemins traversant la France pour rejoindre la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle en Galicie, au nord-ouest de l’Espagne.  Ces chemins ont été définis dans un texte du XIIe siècle, « Le Guide du Pèlerin de Saint-Jacques », écrit par un moine, Aimery Picaud, et conservé dans les archives de la Cathédrale de Saint-Jacques. Aujourd’hui ce chemin correspond au GR 653, chemin de grande randonnée.

Les historiens ne sont pas tous d’accord sur l’importance des pèlerinages au Moyen-Age, néanmoins depuis la célébration de la « Xacobeo 93 » en 1993 (célébrant la 12ème centenaire de la consécration de la première église sur l’emplacement de l’actuelle cathédrale de Saint-Jacques érigée en 893), le chemin de Saint-Jacques a repris du service.  Grâce à la fois à l’engouement pour la randonnée, et également au renouveau de la foi du début du XXIe siècle, ce trajet est devenu très populaire aujourd’hui.

L’origine du mot « pèlerinage » remonte à deux mots latins « per » et « ager », « à travers champs », qui a pu s’appliquer à l’origine à un simple voyageur.  L’idée de quête spirituelle viendra peut-être plus tard.  Les chemins utilisés par les voyageurs du Moyen-Age étaient essentiellement les mêmes que les Romains avaient établis, et les moyens de déplacement également.  Ainsi on voyage essentiellement à pied, à cheval ou en carrosse.  On pourra couvrir plus ou moins la même distance qu’à l’époque romaine, entre 20 et 30 km par jour.

Les romains avaient établi des relais le long de leurs routes pour permettre aux voyageurs en temps de paix de se restaurer, se reposer, changer de chevaux.  Ces lieux d’hospitalité deviendront au Moyen-Age des « hôpitaux », souvent gérés par des ordres religieux.  Ils s’établiront près des sites vénérés par les chrétiens : lieux de martyre, de tombeaux de saints hommes, où il y avait des reliques.  Et bientôt une rivalité s’installe entre ces différentes congrégations pour attirer les pèlerins et leurs oboles qui permettaient parfois à ces différentes communautés religieuses de survivre. 

Deux ordres religieux s’illustrent particulièrement pendant cette période, les Templiers et les Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, deux ordres issus des croisades et qui se sont mis à l’accueil des pèlerins en France et en Espagne Ces ordres sont de grands propriétaires terriens en France, mais les pèlerins peuvent aussi être reçus par d’autres monastères, par des chanoines des chapitres cathédrales, et, bien sûr, dans des auberges et d’autres établissements publics.

Le Guide du Pèlerin en vérité ne privilégie aucun itinéraire spécifique.  Aimery Picaud a visité beaucoup de sites, et son Guide, écrit en latin, semble avoir été destiné plus au clergé qu’aux voyageurs.  Aujourd’hui on pense que son but était peut-être de démontrer que les sites de vénération des saints pouvaient être complémentaires et non pas concurrents.  Il commence son quatrième chemin, la Via Tolosana, à Arles, puisque c’est dans cette ville que les pèlerins venant de la Provence et de l’Italie se regroupaient avant de traverser le Rhône.  Mais on trouve des références à Jacques à l’Est d’Arles : l’hôpital Saint-Jacques de St. Rémy, l’église St. Jacques de Mouriès, etc.

On parcourt le chemin en deux parties : une première partie d’Arles à Puenta-la-Reina en Espagne, 830 km avec une trentaine d’étapes, et une deuxième partie de Puenta-la-Reina à Compostelle de 750 km avec à peu près autant d’étapes.  C’est à Puenta-la-Reina que le chemin d’Arles rejoint les trois autres chemins traversant la France, et les pèlerins français avancent tous ensemble à partir de cette ville sur le Camino francès. Notre but sera de suivre cette Via Tolosana ou Via Arelatensis dans les pas de tous ceux qui nous ont précédés.  En route nous raconterons quelques légendes venant du Moyen Age qui permettaient autrefois de chasser l’ennui de cette longue marche.

Ainsi à Arles c’est la légende de St. Genest, martyr du 3e siècle, un fonctionnaire romain converti au christianisme, arrêté par les Romains et décapité à Trinquetaille.  Un mûrier miraculeux a poussé à l’endroit où son sang avait souillé le sol et les pèlerins voulaient emporter une feuille ou un morceau d’écorce de cet arbre.  A Saint-Gilles c’est ce saint du 7e siècle, d’origine grecque, qui est vénéré.  A Saint-Guilhem-du-Désert il s’agit des exploits de Guilhem, devenu Guillaume d’Orange, cousin de Charlemagne.  A Toulouse les pèlerins se recueilleront sur le tombeau de Saturnin, martyrisé attaché à un taureau.

A partir de Puenta-la-Reina, la deuxième partie du voyage, jusqu’à Santiago de Compostela en Galice, commence. Ici encore on chemine au rythme des contes, dont, par exemple, la légende du pendu-dépendu.  Il s’agit d’un touriste (ou pèlerin) allemand accusé par un aubergiste d’avoir volé une coupe en argent, et pendu.  Mais sur le gibet il fut sauvé par Saint Jacques lui-même après être resté pendu pendant environ un mois. Son innocence est prouvée, et l’aubergiste est pendu à sa place.  Cette histoire, racontée dans le Guide du Pèlerin, aurait pu avoir comme but de mettre en garde les pèlerins contre les pratiques des aubergistes, et par là les encourager à passer la nuit plutôt dans les « hôpitaux » gérés par le clergé. 

Le camino francès fut aménagé par les princes des différentes provinces espagnoles dans le but surtout de favoriser le commerce, et des français, membres du clergé ou simples commerçants, furent encouragés à venir occuper les sites le long du chemin.  Il ne suit pas la côte, mais suit un tracé est-ouest à environ 100 km à l’intérieur des terres, passant dans les grandes villes de Burgos, Léon et Astorga avant d’arriver finalement à St. Jacques de Compostelle après une traversée de terres hostiles, la Maragateria. 

A St. Jacques nous admirons l’Obradoiro, la façade Ouest scintillante de la cathédrale, et assistons à la botafumeiro, la cérémonie de l’encensoir géant.  Nous obtenons notre certificat prouvant que nous avons fait le chemin, et nous réfléchissons au sens de notre voyage, dont la dimension spirituelle, essentielle, dépend finalement de chacun.  Même si nous sommes partis seuls, nous n’avons pas voyagé seuls. Selon nos sensibilités nos « partenaires » peuvent être des biens et/ou des services obtenus contre paiement (GPS, taxi dans les villes, service de transport des bagages, etc. – l’Internet regorge de possibilités) ou des accompagnants, soit des personnes physiques (guides, rencontres) soit, pour les croyants, St. Jacques ou Dieu.