GRANDS ESPIONS DU XXe SIECLE
22.03.2016 : Vrais espions et... espions d'opérette !

Grands espions du XXe siècle

La Culturothèque – 22 mars 2016 – Michèle

 

L’espionnage a toujours existé. Aussi loin que l’on remonte dans l’Histoire, il n’a cessé de se perfectionner.

Lors des deux dernières guerres européennes et des conquêtes coloniales, puis dans la grande Guerre Froide les services d’espionnages ont fait l’objet d’administrations de l’Etat avec en plus un budget très  considérable.  S’il joue un rôle important dans la sécurité de nos Etats, il est souvent méconnu, des fois présenté comme une activité inavouable, ne l’appelle-t-on pas «l’autre plus vieux métier du monde » ! Mais bien sûr on ignore le plus souvent le rôle que des hommes et des femmes de l’ombre ont pu y tenir…

En France, c’est après la défaite de 1870 que l’état major de l’armée française se dote du 2ème Bureau. C’est un renseignement moderne (surnommé « Moustaches ») qui infiltre des agents, quasi exclusivement en  Allemagne. Jusqu’en 1894 il compte trois officiers, un interprète et un archiviste. Etoffé, il sera divisé en trois unités : renseignement, topographie et affaires politiques. Il est aussi chargé du chiffrage des télégrammes politiques. Le 2ème Bureau a existé jusqu’à la deuxième guerre mondiale où il est dissout, mais il continue de fonctionner officieusement pour la France Libre. Aujourd’hui c’est la  « DGSE » (Direction Générale de la Sécurité extérieure) qui est chargée de ce service. Elle est accompagnée de la DCRI, service de renseignement intérieur et de la DRM, service de renseignement militaire. Officiellement elle comprend 5000 emplois à temps pleins. 

Chaque pays a son service de renseignement, le plus connu est la CIA  (Central Intelligence Agency)  des Etats Unis, le MI 6 (Secret Intelligence Service), le Service fédéral de renseignement ou BND  (en Allemagne) etc…

La mémoire collective s’attache à se rappeler des poilus de la guerre de 14/18, les bombardements des villes ou toutes les atrocités indénombrables de la seconde guerre mondiale,   mais on trouve peu d’informations sur l’autre guerre qui s’est jouée, parfois loin de l’Europe, et aussi le rôle surprenant des femmes qui ont été des agents « très spéciales » et remarquables (Réseaux)…  Il y a eu aussi du matériel qui s’est perfectionné, qui a été inventé, malgré l’utilisation d’outils simples comme l’encre sympathique, les pigeons voyageurs mais aussi les avions de reconnaissance, les transmissions radio…

Aujourd’hui j’ai choisi de vous parler de quelques hommes et femmes très célèbres, ou pas, qui ont joué un rôle important….  

Mata Hari (Margaretha Geertruida « Grietje » Zelle ) était une danseuse et courtisane néerlandaise, née le 7 août 1876 et fusillée pour espionnage pendant la première guerre mondiale,  le 15 octobre 1917 à Vincennes.

Elle est l’espionne la plus célèbre !

Pourtant, ce titre est bien exagéré, en fait elle n’a été qu’une espionne d’opérette, une poule naïve et maladroite, tombée dans les filets et des Allemands et, des Français qui l’ont manipulée chacun à leur tour et… qu’elle croyait rouler !

Mais si elle était si nulle, pourquoi l’as-ton fusillée ?

Magaretha en 1914, a déjà une carrière de danseuse exotique derrière elle.  Sous les traits d’une danseuse javanaise revêtue d’un collant couleur chair, pratiquant « l’effeuillage », elle s’est bâtie une réputation érotique qui affole de nombreux hommes de la « bonne société ».

Entretenue par une liste d’amants longue comme le bottin des PTT, elle est approchée en 1915 par Carl Kramer, consul d’Allemagne à Amsterdam : cette « cocotte » est apte à recueillir des secrets sur les oreillers. De plus, elle est neutre, elle peut donc circuler librement de Paris à Amsterdam. Lors d’un de ses  déplacements elle attire l’attention des services secrets britanniques. Ils l’arrêtent, l’interrogent et la relâchent en prévenant les Français qu’il serait bon de la surveiller.  Georges Ladoux, du 2ème bureau, l’a à l’œil, mais elle ne reste que très peu de temps en France, s’en retourne à Amsterdam avec très peu de renseignements, comme on s’en doute, pour Kramer.

En 1916 elle retourne en France, mais plutôt que de la surveiller, Ladoux l’a contacte et lui propose de devenir un agent double. Aussi vénale qu’inconsciente, elle accepte en demandant qu’on lui verse un million de francs, somme qui lui est promise par le contre-espionnage… mais qui ne sera jamais donnée comme vous pouvez le supposer.

Elle se rend en Espagne, où elle contacte Arnold Kalle, attaché militaire de l’ambassade d’Allemagne, pour lui tirer des informations en… payant de sa personne. Elle lui a probablement avoué son double jeu avec les Français. Elle séduit aussi le général  Denvignes, attaché militaire, et lui révèle deux ou trois informations périmées cédées par Arnold Kalle.

Kalle n’ayant aucune confiance en cet agent, l’expose dans une série de télégrammes adressés à Berlin où il parle du « merveilleux agent H21 ». Ces télégrammes sont codés, mais il sait que les Français savent le déchiffrer. Il y donne le nom de la gouvernante de Margaretha, son adresse au Pays-Bas. Bien sûr les Français ont vite fait de savoir qui est cet agent.

En janvier 1917 elle revient en France, et elle est aussitôt arrêtée, traduite en conseil de guerre. Dans le rapport de police on peut lire : « elle est féline, souple et artificieuse, habituée à se jouer de tout et tous sans scrupules ». Elle est vite qualifiée « d’espionne née ». Et, même si l’on sait qu’elle n’a pu transmettre que des informations peu importantes elle est jugée en juillet et condamnée à mort.

Son procès est étonnant : déjà le procureur (André Mornet) et l’avocat (Edouard Clunet) font partie tous les deux de ses anciens  amants. Les témoins de moralité cités par la défense se défaussent un à un. On peut citer par exemple la lettre de l’épouse de l’ancien ministre de la Guerre, Adolphe Messimy, qui écrit à la cour pour excuser son mari qui souffre de rhumatismes et, elle ajoute que de toute façon son témoignage n’aurait aucun intérêt puisqu’il ne connaît pas l’inculpée. A la lecture de la lettre Mata Hari éclate de rire et… le tribunal avec elle.

Son avocat va essayer par tous les moyens de la sauver, il ira même prétendre qu’elle est enceinte  (des ses œuvres) pour lui éviter le peloton d’exécution.

En fait si l’affaire Mata Hari a été plus médiatisée que d’autres histoires d’espionnes fusillées en toute discrétion, c’est pour des raisons politiques. Cette histoire venait à point pour les nationalistes et puis c’était le bouc émissaire idéal pour expliquer la crise, les échecs militaires, les mutineries, les grèves et les appels à la paix qui ne pouvaient aboutir à cause des trahisons. Elle a permis aussi à Clémenceau de revenir sur le devant de la scène, et également aux nationalistes de remobiliser le pays face à cette étrangère, femme libre et de mœurs légère, vénale et surtout sans aucune conviction patriotique ! Elle a été une merveilleuse victime expiatoire.

A la fin de la guerre, pourtant, on a reconnu qu’il n’y avait pas dans cette « affaire » de quoi fouetter un chat.

Mata Hari était entrée dans la légende, comme Dalila qui a séduit Samson, ou Eve la première tentatrice… Mythe qui a mêlé la sensualité et la perdition, la sexualité et la trahison… ce qui a été repris par les « James Bond Girls » pour en faire un fantasme !

 

James Bond. En parlant de « James Bond Girls », savez vous comment Ian Flemming s’est inspiré du personnage de James Bond ?

Il raconte, qu’un jour, alors qu’il était à l’hôtel Palacio à Lisbonne, pendant la seconde guerre mondiale, il  y rencontre Dusan « Dusko » Popov (appelé Tricycle par les Anglais, Ivan par les nazis), Serbe. C’était un agent double (anglais-allemand) qui a surtout travaillé en Europe.

Ce jour là, Ian Flemming le voit miser, sur une seule donne, 38 000 dollars (qu’il venait de recevoir en frais de mission), sur une table de baccara et… a remporté le coup au bluff !  Ce coup de bluff est immortalisé dans « Casino Royale », premier roman de James Bond écrit par Ian Flemming.

Dusko Popov a publié ses mémoires « Tricycle ». Les Etats Unis et le FBI ont fait interdire sa publication pour protéger l’ancien chef de Dusko, J. Edgar Hoover, qui n’avait pas  pris en compte ses avertissements  concernant Pearl Harbor, avertissement qui se sont révélés fondés.

 

HANS-Thilo Schmidt - Enigma . Maurice Dejean[1], « moustache[2] » à l’époque mais officiellement chef du service de presse, reçoit un Allemand qui souhaite lui parler du service de cryptologie allemand. Il s’agit de  Hans-Thilo Schmidt, nom de code « HE » ou «Asché » (cendres),  un noceur, coureur de jupons qui a d’énormes besoins d’argent, qui fait une offre. Maurice Dejean contacte  « Monsieur Rex » (Rodolphe Lemoine) pour traiter cette affaire.

« Rex » rencontre Asché au Grand Hôtel de Verviers en Belgique en novembre 1931 et contre 10 000 marks, Asché lui remet  des  documents concernant le nouveau joyau du codage allemand : la première machine à crypter Enigma. Les documents sont validés par le 2ème Bureau.

Le traitement de cet agent double peut se poursuivre sous la tutelle du commandant André Perruche, alias « Alison ».

Les nazis s’emparent du pouvoir, l’usage de la machine Enigma s’étend, se perfectionne. Plus Asché est en danger, plus il fournit des renseignements précieux pour les Français et surtout sur les codes secrets.

Les services français communiquent  les informations sur Enigma à leurs alliés, le MI 6, qui considère cette affaire tout à fait négligeable, au contraire les polonais s’attachent à ces informations.

Un génie des Mathématiques, Marian Rejewski comprend, dès 1932, qu’il peut reconstituer la machine Enigma. Bon an, mal an il y arrive et livre l’appareil aux alliés le 25 juin 1940. Trop tard c’est la défaite française (24 juin 1940[3]) !

Mais Enigma va changer la physionomie de la guerre, les Anglo-Saxons vont lire en clair toutes les communications  des nazis. En plus ils vont pouvoir « intoxiquer » leur armée par de faux renseignements. C’est ce qui sera appelé la source « Ultra ».

Les Allemands ne savent pas que la sécurité de leurs communications a été compromise, pourtant ils ont identifié un traite. C’est « Monsieur Rex » qui est en cause il est arrêté en mars 1943. Il va livrer Hans-Thilo Shmidt (Asché) aux allemands qui vont l’arrêter.

Il meurt à la prison de Moabit à Berlin en septembre 1943. Sa fille appelée pour reconnaître le corps dira qu’il s’est suicidé. A-t-il parlé sous la torture ? Les services secrets français ne le sauront jamais.

Mais ce qui est sûr, c’est que la possession d’Enigma par les Anglais n’a pas été trahie. Le IIIe Reich va en subir de nombreux revers jusqu’à être extrêmement intoxiqué pour… favoriser le débarquement en Normandie !

 

 

Joséphine Baker : Elle a parcouru l’Europe et l’Afrique du nord. Dans les soirées données en son honneur elle a récolté des renseignements précieux…

Nous sommes en 1939, Joséphine Baker est en tête d’affiche de la Revue « Paris-London ». Un soir, dans sa loge, elle reçoit la visite d’un certain « Monsieur Fox » qui est en fait un officier du 2ème Bureau. Les services secrets savent que Joséphine Baker est une Américaine mais qui aime la France !

« Monsieur Fox »  lui demande tout simplement si elle ne veut pas rendre des services à son pays d’adoption. Elle donne aussitôt son accord, en précisant toutefois qu’en aucun cas, à aucun moment on ne doit dire qu’elle joue les espionnes. D’ailleurs le mot « espionne » ne lui plait pas et, elle préfère devenir une « honorable correspondante ».  

Le cadre de sa mission est immédiatement fixé car Joséphine Baker se rend fréquemment chez les « grands de ce monde », dans les réceptions des diplomates ou des ambassadeurs. Elle devra écouter les conversations, recueillir toutes sortes d’informations qu’elle devra transmettre aux services secrets.

Jusqu’en 1940, elle adresse régulièrement des notes aux services des renseignements, mais à l’entrée des nazis dans Paris elle part s’installer à Milandes, en Dordogne, où elle attend  les ordres et où elle entre dans le réseau pour héberger les résistants.

Jacques Abtey, allias « Monsieur Fox », se rend à Agen, se fait passer pour un citoyen Américain « Monsieur Sanders », reprend contact avec elle. Il lui apprend que De Gaulle a passé « l’appel du 18 juin ». Joséphine n’a jamais entendu parler de De Gaulle et encore moins du 18 juin 1940. Une fois informée elle décide de rejoindre Londres. « Monsieur Sanders » interroge « la France Libre » et la réponse arrive au début du mois d’octobre 1940. Il doit se faire passer pour le manager de Joséphine Baker « Jacques Hébert »  et organiser une fausse tournée en Amérique du Sud.

Avant de partir elle chante à Vichy où un agent de renseignement lui remet  des rapports et des clichés sur la position de l’armée allemande en France. Elle en épingle quelques uns sous sa robe et fait transcrire les autres à l’encre sympathique sur les partitions de ses chansons. Puis, avec « Jacques Hébert »  caché sous une perruque et une fausse moustache qu’elle présente comme son chorégraphe, elle monte dans le train pour Madrid. A la frontière les douaniers la reconnaissent et se bousculent pour lui demander… des autographes au lieu de ses papiers. Une fois arrivée à Lisbonne ils reçoivent un contre-ordre de ne pas rejoindre Londres car Joséphine sera plus utilise  aux Alliés en effectuant d’autres mission, en France ou ailleurs.

C’est ainsi qu’elle va voyager, toujours en mission, au Maroc, au Portugal avec dans ses valises des partitions sur lesquelles figurent toujours des renseignements et plans de la plupart des installations allemandes dans le sud-ouest de la France qui lui sont transmis par des réseaux de résistance. Une fois arrivée au point de rendez-vous, elle les remet contre un code convenu.

Une fois, à Casablanca, par un informateur local, elle apprend qu’Hitler a donné l’ordre d’envahir le Maroc et pour cela passerait par l’Espagne. Elle s’arrange aussitôt pour trouver des engagements à Madrid, Barcelone et Séville où elle rencontre Ambassadeurs et fonctionnaires bien informés sur le sujet qui, fiers de côtoyer une star oublient toute retenue et répondent à toutes ses questions en donnant tous les petits détails de l’opération. Elle les écoute du plus air naïf qu’elle peut et de retour à l’hôtel, prend des notes qu’elle accroche à son corsage.

Sur le retour, encore une fois, les douaniers, encore et toujours,  ne l’inquiètent pas plus que de lui demander des autographes… Elle transmet à Washington ces informations cruciales. Son action a fait déjouer les projets de l’Axe…

En juin 1942 elle tombe malade et doit interrompre ses voyages, après une année de souffrance et de convalescence (19 mois d’hospitalisation) elle fait sa rentrée à Alger (1943) dans un gala au profit de la France Libre. En guise de décor, elle fait installer un drapeau tricolore de six mètres de haut, orné d’une croix de Lorraine. Ce soir-là le général de Galle est dans la salle, il demande à la rencontrer. Pour la remercier de son action, il lui remet un petit bijou en or en forme de croix de Lorraine, elle dira que c’est le plus beau diamant qu’on ne lui a jamais offert de toute sa vie…. mais elle la revendra pour la somme de 350 000 Frs aux enchères, somme  qui est remise à la Résistance.

Elle soutient ensuite le « moral des troupes » en organisant des spectacles et en remettant à l’armée française l’intégralité de ses cachets : entre 1943 et 1944 elle aurait mis à disposition des œuvres sociales de l’armée de l’air plus de 10 millions de francs.

Un Américain lui propose de signer un contrat pour la durée de la guerre, elle refuse en soulignant qu’elle est un soldat de la France Libre et qu’elle chante bénévolement pour l’armée. Elle finance elle-même ses tournées et parcourt des dizaines de milliers de km…

Le 23 mai 1944 elle est officiellement engagée pour la durée de la guerre à Alger, dans l’armée de l’air et devient sous-lieutenant. Elle a la fonction de rédactrice première classe, échelon officier de propagande. Elle débarque à Marseille en octobre 1944 avec son corps d’armée.

Elle continue sa vie d’artiste, elle engage une lutte contre le racisme, mais… cette histoire là vous la connaissez.

Elle meurt le 12 avril 1975 lors d’un concert au théâtre de Bobino, elle est enterrée à Monaco où elle bénéficiait d’un logement « à vie » octroyée par Grâce de Monaco.

Son cercueil est drapé du drapeau tricolore rappelant qu’elle n’était pas seulement une artiste mais une grande résistante, derrière un ancien combattant porte sur un coussin les décorations de la chanteuse : Chevalier de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939/1945 avec palme, médaille de la Résistance avec rosette, médaille commémorative des services volontaires dans la France Libre.

Elle a été la première femme d’origine américaine à recevoir les honneurs militaires à ses funérailles.

Je vous invite à découvrir l’extrait du JO du 14/12/1957 a l’occasion de la remise des médailles de chevalier de la Légion d’Honneur et de la Croix de Guerre avec palme. 

" Dès 1939, se met en rapport avec les services du contre espionnage, fournissant de précieux renseignements, notamment sur  l'éventualité de l'entrée en guerre de l'Italie, sur la politique du Japon et sur certains agents allemands à Paris. En octobre 1940, se met en rapport avec un officier du 2e Bureau. D'un courage et d'un sang-froid remarquables, transporte des messages secrets et continue à fournir des renseignements très utiles aux services alliés de l'intelligence service. Mobilisée pour la Croix Rouge, se dépense sans compter.

Quitte Paris pour la Dordogne, soupçonnée par les allemands de cacher des armes, une perquisition est opérée dans sa propriété, fait preuve d'un courage et d'un sang-froid remarquables. Afin de faciliter le départ d'agents de renseignements pour l'Angleterre, monte une troupe artistique composée uniquement de gens désireux de rallier les F.F.L. ; passe en Espagne, soi-disant à destination du Brésil. A Lisbonne, reçoit un télégramme de Londres lui demandant d'organiser en France un nouveau service de renseignements. Rejoignant Marseille, mise en rapport avec un agent de renseignements est obligée de reprendre son activité artistique. Voulant quitter le sol de France part au Maroc en 1941, collabore avec les mouvements de résistance Française.

Invitée dans les Ambassades et les Consulats lors d'une tournée en Espagne, recueille de précieux renseignements. Dès le débarquement allié en Afrique du Nord, à peine remise d'une longue maladie, s'engage dans les Formations Féminines des F.A.F.L. - Envoyée au Moyen-Orient, met son talent, son énergie au service des Combattants Français et alliés. Suit le corps Expéditionnaire Français en Italie. Belle figure de la femme française au service de la Résistance"

 

 

Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie, était un archéologue, ancien étudiant d’Oxford et… le meilleur espion des services britanniques du Proche-Orient.

On l’a connu par le film qui a été tourné par David Lean, mais sa légende n’est pas seulement attribuée à ce film.

Etudiant en architecture,  il se rend au Proche Orient et en 1909 obtient un doctorat avec sa thèse « l’influence des croisades sur l’architecture européenne à la fin du XIIe siècle » et de ce fait est affecté deux ans plus tard au site archéologique syrien de Karkemish, près d’Alep, par le British Museum. Il y fait des croquis, des photos et, surtout, apprends la cartographie. Son séjour lui permet de découvrir la région de Beyrouth, au sud, à Alexandrette, au nord, et même aux confins du Kurdistan.

La situation politique : L’Empire Ottoman signe un accord avec l’Allemagne pour la construction d’un chemin de fer en partance de Berlin à destination de Bagdad passant par Istanbul et la construction avait commencée en 1904. Bien sûr ce projet est vu comme une menace pour l’Empire Britannique : le déplacement des troupes Ottomanes est beaucoup plus rapide et met en danger les colonies anglaises d’Inde et du Golfe Persique. De plus, l’avancée des soldats Ottomans vers le Sinaï, frontière  du  Canal de Suez, c’est une menace importante pour importante pour l’Angleterre. Cette zone, très importante, n’est pas cartographiée. On  décide donc d’envoyer des hommes en mission urgente et Lawrence y est envoyé sous le commandement de Wolley. Tout d’abord ils ne comprennent pas leur mission, ils recensent dans un premier temps de nombreux sites archéologiques, puis, grâce aux talents de photographe de  Lawrence, ils réalisent des cartes et des plans d’une grande précision.  Des hommes leur sont envoyés comme main d’œuvre. Ils peuvent peaufiner leurs cartes en y rajoutant des cotes, précisant les puits et les passages où peuvent passer des véhicules à moteur ou des troupes. Les Ottomans ne les soupçonnent pas et leur travail est un véritable trésor pour les troupes Anglaises.

Il va intervenir dans une affaire qui fera la une du Time en 1914. En effet, les ouvriers arabes du chemin de fer (Berlin-Bagdad) sont mécontents de leur salaire et demandent plus, mais les allemands ne veulent pas les augmenter. Les ouvriers des archéologues sont solidaires des ouvriers du chemin de fer, la tension monte et un ouvrier est tué par balle et un ingénieur allemand manque de se faire tuer. Lawrence intervient en évitant des émeutes terribles.

Quelques temps après la guerre éclate avec, comme vous le savez, d’un côté l’Angleterre, la France et la Russie et, de l’autre, l’Allemagne, l’Autriche et l’Empire Ottoman. En apparence le Proche Orient est neutre mais il n’en est rien car les chefs des tribus arabes avec à leur tête, Shérif Hussein ibn Ali, préparent un soulèvement contre les Ottomans. Ils ont dans l’espoir de créer un royaume indépendant avec pour capitale Damas. Bien sûr les Ottomans sont déjà sur le front contre les Russes et les Anglais !

Lawrence se porte volontaire dans l’armée puis est intégré au bureau arabe en tant qu’officier de renseignements en 1916. Son travail est d’analyser certains rapports secrets des Ottomans, il interroge des prisonniers arabes enrôlés dans l’armée ottomane et établit des cartes géographiques.

Mais surtout il va rencontrer les chefs des tribus arabes en vue de relancer la révolte arabe. Pour cela il va traverser des déserts hostiles, des montagnes sans noms, des vallées sans route et des étendues sans fin. Il essaie de trouver leur campement  et les chefs du soulèvement. Fin juin 1916 il parvient au fief de Fayçal, fils d’Hussein ibn Ali. C’est Fayçal qui

mène la révolte arabe. L’appât du gain est aussi un moyen de mobiliser les autres princes des tribus. Les Anglais apportent l’argent, les armes, les provisions et du matériel militaire. Il est important que les armées ottomanes soient  aux prises des arabes et ne viennent pas renforcer les Allemands.

Lawrence accepte de porter la tunique qui lui a été offerte en signe d’amitié par les arabes. Il dirige, aux côté, de Fayçal l’armée arabe qui doit prendre de surprise les ottomans. En effet ils avaient dirigés les canons vers la mer en pensant que les Anglais attaqueraient de ce côté, mais les arabes attaquent de l’intérieur et prennent Aqaba et les ottomans, pris de cours, rendent les armes. Le plan était ambitieux d’autant que Lawrence a agi contre les ordres de ses supérieurs, mais le succès est important, les Anglais peuvent maintenant ravitailler la région depuis Aqaba pour la poursuite de la lutte.

On est au début de la guerre, la ligne de chemin de fer permet aux ottomans de transporter soldats et munitions, Lawrence, avec le soutien des généraux du Caire, fait adopter la stratégie dite de « mirage ». Les arabes sabotent la voie ferrée avec de la dynamite, ils apparaissent, agissent en un éclair et disparaissent aussitôt ce qui fait penser à un « mirage ». Ce harcèlement est une bonne méthode car les ottomans sont débordés et bien sûr le ravitaillement sur le front  ne se fait pas correctement.

Les bédouins appellent Lawrence Al Lawrence. Il se bat pour une nation arabe, mais Lawrence reçoit un message annonçant un accord entre l’Angleterre et la France qui se partageraient l’Empire Ottoman du Moyen Orient et surtout l’Arabie indépendante n’est donc plus d’actualité.

Lawrence est pris entre deux positions : prévenir les arabes de cette décision ou ne pas trahir son pays ?

Il ne dit rien aux arabes et continue sa mission de recherche de renseignements sur le terrain.

Un jour il est arrêté par les ottomans qui, ne le connaissant pas, pensent que c’est un déserteur.  Ils l’emprisonnent, le battent, le violent et le mettent au cachot. Le soldat qui doit l’enfermer lui fait comprendre que la porte restera ouverte. Lawrence peut ainsi s’échapper, mais bien sûr, il est sérieusement bouleversé par ce qui s’est passé. Il continue quand même son combat avec les arabes.

Jérusalem[4] est libérée par l’armée britannique en décembre 1917[5]. C’est une victoire symbolique, et Damas est libérée le 1er octobre 1918.

Lawrence redoute la fin de la parade de victoire, les négociations devront se dérouler autour d’une table le 18 janvier 1919  où les chefs de tribus n’auront aucune influence, bien que Lawrence apporte son soutien à Fayçal.

La guerre se termine  aussi en Europe, les vainqueurs, la France et l’Angleterre se partagent le Moyen-Orient et le Proche Orient[6]. La France récupère la Syrie et le Liban, tandis que l’Angleterre s’octroie la Jordanie, l’Irak et la Palestine et définissent les frontières de ces pays qui sont les mêmes qu’aujourd’hui.

Lawrence, au côté de Fayçal n’ayant eu aucune influence dans les négociations, c’est la fin  leur amitié.

Lawrence retourne en Angleterre : il reste celui qui a abusé des idéaux des arabes, de leur confiance pour sauvegarder les intérêts de la Grande Bretagne !  

Lawrence est considéré comme un héros national, surtout qu’il fait l’objet d’articles d’actualités  au cinéma et les journalistes en feront des histoires sensationnelles à raconter…

En 1922 il devient le conseiller de Winston Churchill. Puis il va quitter ses fonctions  de conseiller pour les affaires arabes et entre dans l’armée comme simple soldat sous le nom de John Hume Ross. Il est reconnu en février 1923, il change donc d’affectation et rejoint un régiment de tanks sous le pseudonyme de T.E. Shaw avant d’âtre réadmis dans la Royal Air Force en août 1925.

Il s’isole dans une maisonnette au sud de l’Angleterre, il refuse tout honneur, promotion et médaille. Son plus grand bonheur aurait été de poursuivre sa carrière d’archéologue au Moyen-Orient, mais cela ne lui est plus possible, il commence à écrire un livre.

Après la publication de son récit de la révolte arabe « Les Sept Pilliers de la sagesse » en 1935 et, deux mois plus tard il décède dans un accident de moto…



[1] - qui sera plus tard ambassadeur du général De Gaulle et disgracié suite à une infiltration du KGB par des « Hirondelles » dans les années 1960…,

[2] - correspondant du service de renseignement français

[3] - France coupée en deux, Zone Occupée et  France Libre.

[4] - ville sainte des trois religions monothéistes

[5] - elle va rester sous mandat britannique jusqu’en 1948

[6] - confirmé par le traité de Versailles du 28 juin 1919