CHAMPOLLION
14.04.2015 - L'inventeur des hiéroglyphes.

CHAMPOLLION

La Culturothèque – 14.04.2015 – Michèle

 

 


Hérodote[1]  disait qu’en Egypte tout était le contraire que ce qui se faisait dans le reste de l’univers « Les Égyptiens qui vivent sous un climat unique, qui possèdent un fleuve unique en son genre, ont adopté en toutes choses ou presque des coutumes et des principes inverses de ceux des autres hommes. » À sa suite, les auteurs de l’Antiquité gréco-romaine ont été frappés par cette écriture qui différait de la leur : la représentation figurée, la présence de figures d’êtres animés. Ils ont ainsi presque totalement négligé d’en mentionner la partie phonétique et ainsi l’écriture des hiéroglyphes avait disparu et personne de savait rien de l’Egypte. Après eux et jusqu’à Champollion, les savants occidentaux, parce qu’ils ne parvenaient pas à penser le phonétisme d’une écriture en dehors de l’alphabet, n’ont pas pu voir que les idéogrammes hiéroglyphiques étaient susceptibles d’être aussi des phonogrammes (ce qu’ils étaient dès l’origine). La première « invention » de l’écriture hiéroglyphique est venue d’un Jésuite, Anastase Kircher (XVIIe sicèle), qui a dit que ce n’est pas parce que l’écriture hiéroglyphique a disparu que cela veut dire que la langue ait disparu, et pour lui, le copte[2] c’est de l’égyptien ancien.

(Explication image)

Mais pour déchiffrer l’écriture sacrée des égyptiens il faudra s’en remettre à Jean-François Champollion (dit Champollion le Jeune)  qui  a démontré que le principe phonétique constituait l’âme du système d’écriture tout entier. Il s’appuie, pour sa découverte, sur l’examen comparé de noms propres, ceux-ci étant souvent dans toutes les écritures logosyllabiques[3]. Champollion réalise une première identification du nom de Ptolémée sur la pierre de Rosette puis, sur l’obélisque de Philae, qui servit de base solide pour la suite du déchiffrement. Ainsi est née, ce que l’on appelle maintenant, « L’égyptologie ».  

Donc, on peut dire que le déchiffrement des hiéroglyphes est marqué par la personnalité  de Jean-François Champollion archéologue, historien, philologue[4], mais surtout connu comme celui qui a sorti du silence 3 millénaires d’histoire pharaonique.

Avant d’arpenter la grande vallée du Nil, JF Champollion a grandi à Figeac. Son père était issu d’une famille paysanne de Valjouffrey (Isère) qui, comme les autres paysans du village, parcouraient la région comme colporteurs durant l’hiver.

David, libraire à présent à la foire de Beaucaire, raconte « Plus de 200 montagnards du Dauphiné () descendent à l’entrée de l’hiver dans le Comtat, y font des levées considérables de livres et les versent dans la Provence, le Languedoc et autres provinces adjacentes ».

On sait que les grands-parents de JF Champollion ne savent même pas signer de leur nom et, leur fils, Jacques a probablement été expulsé de son hameau natal pour des raisons politiques et c’est donc mis à sillonner la France comme colporteur.  Se déplaçant avec une balle portée au col, Jacques Champollion père a parcouru les chemins de Provence et d’Auvergne jusqu’en 1770 où il s’installe définitivement à Figeac à la demande de la municipalité qui voulait créer une librairie. En 1772 il a acheté une maison et en 1779 une boutique de libraire ainsi qu’une nouvelle maison, celle ou a été créé le Musée Champollion que nous avons visité.

Il avait épousé Jeanne-Françoise Gualieu, fille d’une famille de marchand bourgeois de Figeac. Il a eu 7 enfants : Guillaume (mort à la naisance) en 1773, Thérèse (1774), Pétronille (1776), Jacques-Joseph (8.10.1778), Jean-Baptiste (mort à 3 ans), Marie-Jeanne (1782) et Jean-François né le 23 décembre 1790.

Une légende entoure la naissance de Jean-François : - sa mère, affectée de rhumatisme au point de ne plus pouvoir bouger, aurait été complètement guérie par un paysan qui lui promet, en plus, qu’elle donnera naissance à un garçon, alors qu’elle a déjà 48 ans.

Jean-François, en tout cas, naît dans l’époque troublée de la révolution ce qui entraîne la fermeture des écoles à Figeac, comme partout d’ailleurs, son frère est privé d’Ecole et suit les cours que donne l’abbé Calmel, curé de la paroisse de l’église du Puy.  Jean François, lui fréquente l’école de Figeac où  il s’y est fait une solide réputation de « mauvais élève ».

C’est son frère qui s’occupait de lui, mais il doit partir à Grenoble en 1798. Jean-François écrira, plus tard,  à son frère ainsi « Montreser frère, je vous prie demefere savoir de tes nouvelles eje te prie». Mais malgré sa mauvaise orthographe et sa nullité en mathématiques il avait appris tout seul à lire à l’âge de 5 ans et son frère lui avait fait donner des cours par l’abbé Jean-Joseph Calmels qui l’avait ouvert à la culture et lui avait enseigné les rudiments de latin, de grec ancien et d’histoire naturelle.

Jacques, son frère ainé et parrain travaillait comme commis au bureau de la correspondance générale du district de Figeac mais en 1798 quitte la ville pour s’installer à Grenoble où ses cousins lui avaient trouvé une place de commis dans leurs affaires. Jacques va se lier d’amitié avec le mathématicien Joseph Fourier[5]  qui vient d’être nommé préfet du département de l’Isère et qui l’associe à partir de 1804 aux travaux qui aboutissent à la Description de l’Egypte. Jacques fréquente beaucoup la bibliothèque municipale de Grenoble et manifeste son amour des livres, il va lui-même se constituer une bibliothèque-musée et va avoir des contacts avec la bibliothèque nationale…

Jacques va faire  retirer de l’école son jeune frère et  le faire venir à Grenoble. Il va se charger entièrement de son éducation en le confiant à l’abbé Dussert. L’abbé Dussert est un pédagogue réputé à Grenoble qui va se charger de lui donner des cours magistraux, mais surtout lui enseigner le latin, le grec, aborder l’étude de l’hébreu, acquérir des rudiments d’arabe, de syriaque et  de chaldéen. JF Champollion va tout de même rentrer au lycée Impérial de Grenoble (actuellement le lycée Stendhal)  grâce à une bourse d’études et surtout grâce au fait qu’il a passé brillamment le concours d’entrée. Mais.. Jean-François ne supporte pas plus qu’à Figeac la discipline « Ne pourrais-tu pas me retirer du Lycée ?.... Les langues orientales, ma passion favorite, je n’y travaille qu’une fois par jour.. Si je reste longtemps ici, je ne te promets pas de vivre Envoie moi un livre, je ne sais que faire après avoir fait mes devoirs de latin et étudié l’hébreu, le syriaque et le chaldéen ». Son frère va donc s’arranger pour qu’il suive des cours particuliers, en plus du Lycée avec l’abbé Dussert.

Certains nous précisent que c'est à 17 ans, que Jean-François aurait déjà décidé qu’il déchiffrerait les hiéroglyphes, mais on peut penser que cette idée le taraude depuis son enfance... En effet, n'a-t-il pas eu l'occasion de lire dans le journal d'Egypte que recevait son père dans la librairie qu'un officier de l'armée de Napoléon en Egypte, Pierre-François Bouchard, a trouvé en 1799, c'est à dire lorsque JF Champollion avait 9 ans une stèle couverte d'inscriptions au fort de Rosette, près d'Alexandrie ? N'a-t-il pas suivi jusqu'à sa venue a Grenoble le feuilleton de cette stèle qui présente trois parties, les unes en dessous des autres et de trois écritures différentes. Il sait effectivement que celle du haut porte des hiéroglyphes, celle du milieu une écriture inconnue, le démotique et la dernière en grec. Dès le début les savants vont se mettre d'accord sur le fait qu'il s'agit du même texte écrit en trois langues différentes. Voilà donc une occasion pour percer enfin le mystère des hiéroglyphes. Mais... le dire c'est une chose, le réaliser c'est une autre affaire.

De plus, la « pierre de Rosette », est saisie par les Anglais en 1801 lors de la capitulation française comme butin de guerre et, bien que les français en avaient pris des copies qu'ils ont envoyé à tous les savants européens, l'écriture de l'Egypte antique restait toujours un mystère... Il est évident donc que ce challenge intéresse Jean-François, d'autant que Jacques, son frère, fait en 1804 fait une communication à l'Académie de Grenoble sur la pierre de Rosette et publie en 1806 un communiqué sur une inscription grecque du temple de Denderah.

Jean-François Champollion a toujours des difficultés au lycée de Grenoble d'autant qu'on le sépare de force de son seul ami. Il se passionne toutefois pour les langues anciennes et lit beaucoup de livres. Il crée une « Académie des Muses » avec d'autres élèves pour débattre de littérature et commente un passage de la Génèse en hébreu. On pense qu'il a rencontré le moine Dom Raphaël de Monachis, un grec qui était proche de Bonaparte et qui a participé à l'expédition d'Egypte et ce serait lui qui l’aurait informé que la langue copte viendrait du l'Egyptien ancien. « Le copte, rien que le copte… »

Jacques, va aller à Paris en 1806 pour essayer d'obtenir l'admission de son frère dans un collège spécialisé et Jean-François présentera le 1er septembre 1807 à l'Académie des Arts de Grenoble un essai de descriptions géographique de l'  « Egypte avant la conquête de Cambyse » qui lui vaudra un grand succès et qui lui permettra d'obtenir une bourse pour suivre les cours de langues orientales au Collège de France (la bourse n'étant pas suffisante, Jacques lui paye le loyer d'une chambre ainsi que sa nourriture). Jean François se passionne pour l'arabe, le persan et l'hébreu. En plus de ses cours au Collège de France il assiste aussi au cours de l'Ecole des langues orientales et fréquente assidûment la Bibliothèque impériale. Il se passionne aussi pour la numismatique (collection de médailles) et apprend le copte avec un prêtre égyptien, Geh Cheftitchi.

Dans un courrier il donne à son frère son emploi du temps « Le lundi, à huit heures et quart, je pars pour le Collège de France, où j'arrive à neuf heures : tu sais qu'il y a beaucoup de chemin : c'est place Cambrai, près le Panthéon. A neuf heures, je suis le cours de persan de M. de Sacy, jusqu'à dix. En sortant du cours de Persan, comme celui d'hébreu, de syriaque et de chaldéen se fait à midi, je vais de suite chez M. Audran qui m'a proposé de me garder chez lui les lundis, mercredis et vendredis depuis dix heures jusqu'à midi. Il reste dans l'intérieur du Collège de France. Nous passons ces deux heures à causer langues orientales, a traduire de l'hébreu, du syriaque, du chaldéen ou de l'arabe. Nous consacrons toujours une demi-heure à travailler à sa « grammaire chaldéenne et syriaque ». A midi, nous descendons il fait son cours d'hébreu. Il m'appelle « le patriarche de la classe » parce que je suis le plus fort. En sortant de ce cours, à une heure, je traverse tout Paris, et je vais à l'école spéciale suivre à deux heures le cours de M. Langlès, qui me donne des soins particuliers. Le mardi je vais au cours de M. de Sacy à une heure de l'Ecole Spéciale ; Le mercredi je vais au Collège de France à neuf heures. A dix heures je monte chez M. Audran. A midi je vais à son cours. A une heure, je vais à l'Ecole spéciale pour (2 h) le cours de M. Langlès ; et le soir à cinq heures je suis celui de Dom Raphaël qui nous fait traduire les fables de La Fontaine en arabe. Le jeudi à une heure, le cours de M. de Sacy. Le vendredi je vais comme le lundi au Collège de France et chez M. Audran. Le samedi chez M. Langlès à deux heures. Je voulais aussi suivre le cours de turc chez M. Jaubert qui est excellant ; mais comme cela me fatiguait trop de courir tant, j'ai remis cette fatigue à l'année prochaine. »

Un jour, sur le chemin du Collège de France, il rencontre un de ses camarades qui lui annonce qu'une publication a été effectuée par Alexandre Lenoir sur le déchiffrement complet des hiéroglyphes égyptiens. Cette publication est assez fantasque mais c'est ce qui le décide à porter une partie de ses études sur le déchiffrement des hiéroglyphes.

Il se fait procurer une copie de la pierre de Rosette par l'Abbé de Tersan, collectionneur, mais préfère étudier d'abord des papyrus en écriture cursives. Le 15 août 1808 il écrit une lettre à son frère dans laquelle il précise 1 - qu'il a fait de grands pas dans cette étude. 2 - qu'il prouve que tous les papyrus appartiennent à un même système d'écriture – 3 - la valeur de toutes les lettes de la stèle de Rosette sont absolument les mêmes. - 4 qu'il a commencé à déchiffrer le commencement d'un papyrus qui en copte veut dire mot pour mot « Dis : repose en paix : ô Egyptien, remplis ta dernière destination, échappe aux Ténèbres du tombeau et de la mort... ».

Toutefois son frère va le rappeler à l'ordre car il va s'attarder sur l'histoire étrusque... « Les étrusques m'occupent en ce moment, langue, médailles, pierres gravées... ». « Etudie donc une chose au lieu de divaguer dans tous les coins du monde et d'effleurer la matière ». Jean-Francois se remet donc à l'étude mais surtout c'est qu'il a peur qu'on arrive à déchiffrer les hiéroglyphes avant lui. Il va travailler sur le texte démotique de la pierre de Rosette mais le déchiffrement va être difficile.

En 1808 il retourne à Grenoble et sera nommé en juillet 1809 professeur-adjoint d'histoire à l'université de Grenoble. En 1810, en même temps que son frère, il sera nommé docteur ès lettres par décret impérial.

Le 7 aout 1810 il fait une communication à l'Académie de Grenoble où il décrète que « la démotique est une simplification des hiéroglyphes ce qui prouve que le démotique est une écriture alphabétique de 25 lettres et les hiéroglyphes une écriture pouvant soit exprimer des sons ou syllabes (phonogrammes), soit des symboles ou des idées (idéogrammes).... toutes les monosyllabes ont une valeur déterminée ». Cette hypothèse s'avèrera erronée. Il continue inlassablement le défrichement et arrive à établir une chronologie des écritures cursives en confirmant qu'elles sont une version simplifiée et postérieures aux hiéroglyphes.

Les frères Champollion vivent bien la première Restauration, Jacques reçoit même l'ordre du Lys et Jean-François publie « l'Egypte sous les pharaons » qu'il dédicace à Louis XVIII en 1814. La même année il tombe amoureux de Rosine Blanc, fille d'une riche famille de gantiers de Grenoble.

Lors du retour de Napoléon, Jacques deviendra son secrétaire ce qui permettra à Jean-François de faire imprimer son Dictionnaire de la langue copte aux frais du gouvernement. Jacques suit Napoléon à Paris où il reçoit la légion d'honneur et Jean-François prend la direction des « Annales de l'Isère » où il proclame le 18 juin 1815 « Napoléon est notre seul prince légitime ».... A la chute de Napoléon, son dictionnaire est refusé par l'Académie et les deux frères doivent être « placés sous surveillance » et tous deux doivent partir à Figeac en exil le 18 mars 1816.

Arrivés à Figeac ils s'établissent dans la maison de leur père où es affaires périclitaient sérieusement, leur mère était morte et leur père était devenu alcoolique. Ils s'ennuient à Figeac, tandis que Jacques essaie d'obtenir leur amnistie, Jean-François fouille le site de l'oppidum d'Uxellodunom (actuel Capdenac) et s'investit pour soutenir l'implantation à Figeac d'une Ecole Mutuelle.

Le 29 novembre 1816 les deux frères peuvent rentrer à Grenoble où ils sont accueillis chaleureusement, la répression étant terminée. Jean-Francois devient « homme de confiance » du préfet François Chopin d'Arnouville, essaie d'implanter une Ecole Mutuelle à Grenoble au grand dam du clergé local et continue son travail de déchiffreur des hiéroglyphes.

Le 18 juin 1818 il réintègre sa fonction de bibliothécaire et communique son mémoire un mois après sur « Quelques hiéroglyphes de la Pierre de Rosette » qui n'obtient aucun succès. Il épouse à la fin de l'Année Rosine malgré l'opposition de son frère.

Les « ultras » sont à Grenoble en 1819, Jean-François écrit une brochure intitulée « Attention » contre ces derniers et en même temps essaie de persuader que le hiératique est une simplification des hiéroglyphes. Le 20 mars 1821 il prend part à une insurrection à Grenoble en remplaçant le drapeau blanc du fort Rabot par un drapeau tricolore. Il évite, grâce à des amis, la cour martiale et est acquitté par le tribunal mais il quitte Grenoble le 11 juillet 1821.

A Paris il déchiffre les premiers cartouches royaux de Ptolémée V sur la pierre de Rosette et de Cléopâtre sur la base d'un obélisque ainsi que sur un Papyrus bilingue. Un ami lui envoie des reproductions de détails issus des temples d'Abou Simbel qui venaient d'être découverts et il y repère le signe solaire de Râ + un autre signe qu'il savait être M et deux S, ce qui donne RâMSS donc Ramsès.... Le 14 septembre 1822 il peut lire les noms égyptiens et dire « Je tiens mon affaire ». Cette nouvelle, d'après une communication du fils de son frère, l'aurait fait tomber dans le coma durant quelques jours.

Une petite parenthèse sur sa vie… Jean-François Champollion aimait les femmes. Il a  aimé passionnément, la belle-sœur de son frère à l’âge de 16 ans, Pauline Berriat, qui ne l’a pas pris au sérieux d’autant qu’il ne lui a avoué son amour que bien plus tard,  puis tombe amoureux à Paris de Louise Deschamps femme d'un fonctionnaire  « l’aimable et modeste Louise », aussi plus âgée que lui à qui il dédie un poème intitulé « La Loterie de l’amour », et à Figeac il offrira un poème à Madame Adèle....  Lorsqu’il épouse Rose Blanc, son frère est furieux car il projetait un mariage plus brillant pour son frère.  Jacques n’assiste pas au mariage ce qui le rend très malheureux « Personne ne s’est trouvé dans une position aussi pénible que la mienne (…). Je souffre et je préférerais n’avoir jamais vécu puisqu’il m’est si difficile de contenter toutes à la fois les personnes que j’aime le plus ». On pense qu’il a beaucoup d’estime pour Rosine mais il semble qu’il l’a épousé plutôt par devoir à l’issue de longues fiançailles. C’est une jeune italienne, Angelica Palli, d’origine grecque et… membre de l’académie de Livourne et très liée aux hommes politiques et savants de son temps qu’elle entre, le 2 avril 1826 dans la vie de Jean-François Champollion lors d’une séance de l’Académie au cours de laquelle elle déclame un poème en hommage à JF. Une admiration réciproque suivie d’une amitié amoureuse naît entre eux. « Le jour où je vous vis pour la première fois, un sentiment inconnu m’attira vers vous ; et lorsqu’ensuite vous daignâtes parler de mes travaux, j’éprouvais la plus forte émotion que j’aye reçue de ma vie ».          Jean-François lui a envoyé 30 lettres…. Signées Zeid, il les a envoyées à Zelmire (Angelica) entre 1826 et 1829 laissant transparaître l’admiration qu’il lui voue   « … Je prie Zelmire de se rappeler que loin d’elle il existe un homme qui lui a voué bien plus que de l’admiration ». Il ne semble pas recevoir en retour les sentiments qu’il espère de sa part et proteste contre le silence ou le mauvais caractère de son amie de cœur « Vous êtes toujours prompte à payer d’un sarcasme les jolies choses qu’on vous adresse… () Vous tenez de la nature un bien mauvais caractère… () On ne sait sur quel ton vous parler ».

Pour en revenir aux découvertes de Champollion, celles-ci suscitent toutefois des controverses et des critiques, mais il obtient de nombreux soutien, notamment de royalistes.

Il est appelé à se prononcer sur la datation du « zodiaque de Dendérah » acheté par le Louvre très cher pour en déterminer la date, son frère et d'autres spécialistes le datent de – 716, d'autres de plus vieux encore, même à plusieurs milliers d'années. Ceci pose un grand problème au Vatican qui fixe la création du monde à l'an -3259 selon la Bible. Jean-François confirme la date du IIème siècle de notre ère prétextant que certains hiéroglyphes dataient de l'époque romaine. Le Pape l'invite à Rome pour le féliciter et lui propose le chapeau de Cardinal que Jean-François refuse car il serait alors exclu du milieu égyptologique. Le Pape demande au roi de lui donner la Légion d'honneur.

Jean-François va passer plusieurs mois à Turin où le roi de France vient d'acquérir la collection égyptienne de l'aventurier Bernardino Drovetti. C'est lui qui est chargé d'en établir le catalogue.

Le 1er mars 1824 nait sa fille Zoraïde.

Jean-François Champollion est nommé conservateur chargé des collections égyptienne au musée du Louvre (1826) et il arrive à convaincre Charles X d'acheter la collection d'Henri Salt ainsi que d'autres collections contenant des pièces majeures après un séjour à Livourne.

Enfin... il va enfin réaliser son voyage. Il a 37 ans, après avoir réuni une équipe franco-toscane constituée d'architectes, d'archéologues, de peintres et de dessinateurs il entreprend la grande aventure de sa vie. Il remonte la vallée du Nil pour explorer les monuments élevés le long du fleuve et valider son déchiffrement des hiéroglyphes.

A son arrivée en Egypte il va être reçu par le Pacha Mehemet-Ali qui lui accorde les fimans nécessaires pour circuler dans le pays et « se faire respecter en tout ». Il le recevra à nouveau à son retour de Haute Egypte et lui offre un sabre d'apparat orné de pierres précieuses pour le remercier « d'avoir ressucité l'antique gloire de (son) pays ».

Durant l'expédition, Jean-François est éblouis, comme les autres membres de l'expédition, par leurs découvertes. Ils vont vivre ce voyage à l'Egyptienne, mais ce ne sera pas une « croisière » de tout repos « Nous arrivâmes harassés de fatigue » - « ce sera une rude campagne ». Ils souffrent de la chaleur « je crus me présenter à la bouche d'un four et, me glissant entièrement dans le temple, je me trouvai dans une atmosphère chauffée à 52° » dit Champollion en entrant dans le temple d'Abou-Simbel. Ils doivent aussi souvent déblayer les murs recouverts depuis des siècles par les sables.

Il rapportera de très beaux objets « je me suis fait un devoir de consacrer toutes les économies... à des fouilles pour enrichir le musée Charles X de nouveaux monuments » écrit-il. Le sarcophage de Tamoutnofret, la statue en bronze doré de Karomama sont aujourd'hui encore les fleurons du Musée du Louvre.

Mais surtout, toute l'équipe va faire des milliers de relevés de scènes et d'inscriptions hiéroglyphiques qui seront rassemblés dans les 4 volumes in-folio des Monuments d'Egypte et de Nubie.

A son retour, Jean-François Champollion écrit au baron de la Bouillerie, intendant de la maison du Roi, le 26 décembre 1926 depuis Toulon « l'Egypte a été parcourue pas à pas, et j'ai séjourné partout où le temps avait laissé subsister quelques restes de la splendeur antique : chaque monument est devenu l'objet d'une étude spéciale ; j'ai fait dessiner tous les bas-reliefs et copier toutes les inscriptions.... Les matériaux que j'ai recueillis ont surpassé mon attente. Mes portefeuilles sont de la plus grande richesse et je me crois permis de dire que l'histoire de l'Egypte, celle de son culte et des arts qu'elle a cultivés, ne sera bien connue et justement appréciée qu'après la publication des dessins qui sont le fruit de mon voyage ».

Méhemet Ali à l'issue de cette expédition accepte de céder les deux obélisques du temple de Louxor au roi de France afin de resserrer les liens entre leur deux pays. Un seul sera transporté et installé à Paris place de La Concorde en 1936.

Jean François est de retour en décembre 1929 à Toulon mais doit subir une quarantaine dans le lazaret très humide. Il aurait eu une bilharzioze contractée en buvant l'eau du Nil et contracté une tuberculose durant sa quarantaine.

Il est élu à l'Académie des inscriptions et belles lettres après la chute de Charles X et obtient la chaire d'Antiquité égyptienne au Collège de France où il donne sa leçon inaugurale en 1831. Cependant il meurt le 4 mars 1832 à l'âge de 41 ans. Son frère s'est refusé à l'autopsie et il est enterré selon sa volonté auprès de son ami Joseph Fourier au cimetière du Père Lachaise à Paris.

En 1970 un cratère lunaire est nommé Champollion par l'Union astronomique internationale..., en 1905 le sculpteur Bartholdi a fait don à la ville de Grenoble d'une statue en plâtre d'une hauteur de 2 m (depuis 1994 à la salle 17 du musée de Grenoble) qui a servi de modèle à la sculpture en marbre du Collège de France à Paris.

Deux musées, celui de Figeac et celui de Vif et surtout... de nombreux Lycée et rues portent son nom....


 



[1] - historien grec.

[2] - Le copte est une langue afro-asiatique descendant de l’égyptien ancien. C’est la langue liturgique des chrétiens d’Egypte : les coptes.

[3] - qui comporte à la fois des logogrammes et des symboles représentant des syllabes.

[4] - un philologue est celui qui étudie un langage d’après un document écrit.

[5] - Grand mathématicien, connu pour différents travaux et qui aurait, le premier, décrit la notion de l’effet de serre.