Le Canal.

Un canal est une rivière artificielle, construit par l’homme pour différentes raisons : besoins de transport de l’eau d’un point à un autre, besoin de transport de marchandises, besoin d’irrigation.

L’homme pour construire un canal doit maîtriser, dompter, apprivoiser l’eau.

Construire un canal nécessite de nombreux travaux de construction : terrassement, étanchéité, maçonnerie…  Il faut aussi construire des écluses, des ponts-canaux, des aqueducs, des tunnels, des déversoirs et concevoir aussi des dispositifs hydrauliques.

Les romains ont été les premiers à réaliser ce genre de travaux pour assécher les marais et les zones humides en créant des « fossés ». Les spécialistes au Moyen Age sont les Hollandais qui ensuite transmettent leur savoir-faire… En France les premiers canaux endigués ont été les Marais Poitevins.

Il a fallu aussi songer aux inondations, aux crues et donc penser aux berges. Il a fallu les aménager, les rectifier, les stabiliser. On a ensuite pensé à la traction des bateaux, à l’accostage aussi : chemins de halages, quais ont été construits.

Il y a des canaux à niveau (comme le Canal de Suez ou de Corinthe), à pente peu variable (comme le canal latéral à la Loire, le canal latéral à la Garonne) ou à… seuil comme le canal du Midi.

En général d’eau douce (Canal de Corinthe ou de Suez qui ne quittent pas le niveau de la mer, bien sûr, sont d’eau salée).

Le Canal du Midi

Ou Canal des Deux Mers et d’abord… canal royal du Languedoc. Il est donc un canal français qui relie la Garonne à la Mer Méditerranée. Complété par le canal latéral à la Garonne, il offre une voie navigable de l’Atlantique à la Méditerranée.  Au sens strict le canal du Midi désigne la partie initialement  réalisée de Toulouse à la Méditerranée.

Construction :

Le canal a été construit de 1666 à 1681, donc sous le règne de Louis XIV.

Les travaux ont été supervisés par Pierre-Paul Riquet.

Il est l’un des plus anciens canaux d’Europe encore en fonctionnement. Il a été construit sur l’exemple du canal de Briare, remplacé aujourd’hui par le Canal Latéral  à la Loire.

Sa construction a été motivée pour le transport du Blé, mais aussi pour éviter aux bateaux de marchandises de prendre la mer et de contourner la péninsule ibérique qui comportait de nombreux dangers comme le brigandage et le piratage.

De tout temps il y a eu des projets pour créer cette jonction…  Les Romains déjà avaient envisagés cette jonction… En 1539, 1598, 1617, 1650 des projets sont déposés mais aucun réalisable.

Louis XIV à la réception du projet de Pierre Paul Riquet, voit là l’occasion de marquer son règne d’une œuvre impérissable mais aussi de priver l’Espagne d’une partie de ses ressources.

Pierre Paul Riquet.

Pierre Paul Riquet, Baron de Bonrepos, Comte de Caraman est probablement né  en 1609( ?) à Béziers dans une famille de notables et de commerçants. Il mène carrière dans l’administration des gabelles. En 1637 il se marie avec Catherine de Milhau. Son père était un homme d’affaires qui avait accumulé une grande fortune qu’il lègue à son fils.  Il avait acheté la propriété de Bonrepos près de Verfeil au nord-est de Toulouse et Pierre-Paul Riquet rêvait d’un titre de noblesse.

Une légende dit que son père, François-Guillaume Riquet, s’était opposé dans les années 1600 à la construction d’un canal qui devait relier  l’Atlantique à la Méditerranée. Comme toujours  le problème était l’approvisionnement de l’eau du canal.

Pierre-Paul Riquet qui  connaissait parfaitement la Montagne Noire avait repéré un point de partage où un cours d’eau se scinde en deux, s’écoulant soit vers l’océan Atlantique, soit vers la mer Méditerranée. C’est le seuil de Naurouze. Il applique les théories déjà appliquées par Adam de Craponne et donc y positionne le point culminant du canal, à 48 m au dessus du niveau de la Garonne.

Le 16 novembre 1662, Pierre-Paul Riquet propose son projet à Colbert… Une étude de faisabilité est étudiée avec l’édification d’une rigole d’essai entre le lac de Saint-Ferréol et le Seuil de Naurouze. Cette étude se solde par un succès. Colbert confie donc une première tranche de travaux à l’ingénieur PP Riquet le 14 octobre 1666.

Pierre-Paul Riquet, durant la durée des travaux, profite de sa fonction de fermier des gabelles pour investir les fonds… qui seront complétés sur ses fonds propres (deux millions de livres – projet estimé à quinze millions). En contrepartie il reçoit les droits de péage du canal.

La Construction.

A cette époque le contexte économique du sud de la France est très difficile. Le prix des céréales baisse beaucoup et la production du vin chute. Cette crise provoque la dépréciation des terres et les petites exploitations agricoles font faillite. De plus de nombreux troubles religieux créent  une grande difficulté d’instaurer des taxes. Pierre Paul Riquet voit dans la construction du canal une façon de mener une politique d’expansion économique en Languedoc… Le Lauragais et le Minervois disposent, eux, de ressources mais difficilement exportables faute de moyens de commerce.

D’autre part, Pierre-Paul Riquet décrit la possibilité de créer des moulins, des entrepôts et des habitations pour le fonctionnement du canal. Il forme un « fief » exempt d’impôt dont le propriétaire aura les droits de pêche, chasse. Il décrit aussi les modalités de fonctionnement de péages. En fait  dans son projet il prend totalement en charge l’exploitation de l’ouvrage sans participation de l’Etat…

La construction est prévue en deux « entreprises ».

La première débute le 1^er janvier 1667 avec la rigole de la plaine. En 1673, le tronçon Naurouze-Trèves est achevé.

La deuxième entreprise  débute en 1671 avec le problème au niveau de la jonction de l’étang de Thau à Trèbes car le canal doit traverser le cours de l’Hérault et celui du Libron. Pour contourner le problème, Riquet met en place un système de vannes et de caissons pour Libron ainsi qu’une écluse ronde à trois portes pour l’étang de Thau et l’Hérault.  Un autre problème se présente du seuil d’Ensérune et de la descente vers Béziers dans la vallée de l’Orb. Il creuse le tunnel de Malpas et construit à Fonséranes une enfilade de 8 écluses jusqu’à l’Orb.

Les travaux se terminent à Béziers en mai 1681. Pierre Paul Riquet était mort en octobre 1680. Il n’avait pas vu la fin de son projet.

Après des vérifications concernant la bonne étanchéité, il est officiellement ouvert à la navigation  le 15 mai 1682. L’intendant du roi et le président des Etats du Languedoc voyagent les premiers sur le canal, suivis par de nombreuses barques qui transportent du blé. Il ne sera ouvert au trafic qu’en mai 1683 et l’arrêté de réception des travaux sera publié en mars 1685.

Les ouvriers…

Pendant 15 ans près de 12 000 ouvriers travaillent à la réalisation du canal. La condition pour être embauché : avoir entre 20 et 50 ans, homme ou femme. Des sections formant des ateliers sont dirigées par un contrôleur général. Cette rationalisation du travail permet d’optimiser au maximum les travaux et de réaliser plusieurs chantiers à la fois. Le canal est creusé à la pelle et à la pioche. Pierre-Paul Riquet paye bien ses ouvriers, le double d’un salaire agricole (il est obligé de baisser le salaire car il y a un grand mécontentement des propriétaires agricoles). Les dimanches et les jours de fêtes sont payés et… aussi un congé de maladie. Le recrutement est libre.

Plusieurs métiers se rencontrent sur le canal : les ouvriers saisonniers (agriculteurs), les maçons, les tailleurs de pierre, les forgerons, les voituriers, les maréchaux-ferrants, des scieurs (scies actionnées par des moulins). Aux périodes de travaux agricoles c’est l’armée qui prend le relais.

Les autres aménagements.

Le canal du Midi ne passe pas par Carcassonne ni Narbonne. Il ne rejoint pas le Rhône et, pour rejoindre Bordeaux il faut emprunter la Garonne avec des débits variables et des crues violentes. On construit une jonction appelée canal latéral de la Garonne (achevé  en 1857). On édifie le canal de Jonction qui permet de rejoindre Narbonne via le canal de la Robine de Narbonne (1776). La même année un gué sur la Garonne à Toulouse est contourné par le canal de Brienne.

C’est en 1808 que la jonction entre l’étang de Thau et le Rhône est achevée, deux ans plus tard un canal permet de relier Carcassonne. 

Gestion du canal

Elle a été assurée dans un premier temps par les deux fils de Riquet, d’abord l’aîné Jean-Mathias puis Victor-Pierre-François, Victor Maurice et enfin Jean-Gabriel. Une organisation est mise en place afin de permettre la gestion par des directeurs responsables des travaux d’entretien de 7 zones  géographique du canal. Plusieurs centaines d’éclusiers ont la charge des écluses du parcours.

L’organisation permet la gestion du canal dont la moitié des recettes des diverses taxes revient au paiement de toute la hiérarchie du personnel  et de l’entretien et l’autre moitié pour les bénéfices ou fond pour des travaux exceptionnels.

Les  problèmes…

Malgré de nombreuses précautions le canal s’ensable et s’envase avec l’eau d’alimentation… De plus les branches et les feuilles des arbres  le comblent. Chaque année il faut nettoyer et recreuser le lit du canal pendant deux mois.

Aujourd’hui ces travaux sont mécanisés et il y a environ 350 employés mis à la disposition pour l’entretien du canal par le gestionnaire : les Voies Navigables de France (subventionné par les ministères de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du territoire).

Utilisation du canal.

Dès sa construction il a été utilisé pour le transport des marchandises mais aussi pour le transport des voyageurs et du courrier. Il y avait un service de « malle-poste ». Les bateaux étaient tirés par des chevaux sur les chemins de halage qui était considéré comme moderne à l’époque car apportait une régularité, un confort, une sécurité et une rapidité par rapport à la route. On pouvait aussi voyager toute l’année. De 4 jours pour rejoindre Toulouse à Sète, la durée a été réduite à 32 h en 1855.

Le canal a rempli sa mission car il a relancé le commerce du blé et du vin en Languedoc mais il ne sera jamais la grande voie internationale ambitionnée de tout temps par les rois de France… Son trafic se limite seulement à des échanges nationaux, voire locaux.

La fin du trafic

Vers 1859 c’est la fin du trafic du canal : il est concurrencé par le chemin de fer, ensuite par le transport routier. En 1980 il ne reste plus que deux bateaux qui assurent un trafic régulier entre Toulouse et Sète

Aujourd’hui le canal est essentiellement utilisé par le tourisme, les loisirs. Ce tourisme s’est développé dans les années 1960 par les Anglais. Actuellement il est fréquenté par 80% de passagers étrangers. Ces retombées économiques annuelles sont d’environ 122 million d’euros.

Il permet aussi de pratiquer d’autres activités : la randonnée pédestre, le cyclotourisme, le patin à roulettes sur les berges et aussi l’aviron.

Il sert aussi de logements  familiaux, salles de spectacles, lieux d’expositions ou salles de restaurant.

Le canal patrimoine.

Il est considéré aujourd’hui comme patrimoine architectural et technique, ses 2000 Km² sont inscrits au Patrimoine de l’UNESCO et en France il est classé « grand site ».

L’entretien reste toujours difficile. Il est à la charge de trois régions, six départements et collectivités locales et ont du mal à supporter le coût de travaux de restauration.

Aujourd’hui ce sont les platanes qui posent problème : ils abiment  les berges, les pistes cyclables et leurs feuilles mortes envahissent le canal.

De plus, du fait de sa vétusté, l’exploitation ne génère pas de bénéfice.