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LA REVOLTE DES VIGNERONS DANS LE MIDI - 1907

VOIR ICI LA VIDEO D'UN EXTRAIT DU SPECTACLE PRODUIT PAR LA Cie DU BEAU PARLEUR POUR ILLUSTRER LE THEME DES JEUDIS DE LA CULTUROTHEQUE : LA REVOLTE DES VIGNERONS DANS LE MIDI.

LA REVOLTE DES VIGNERONS DANS LE MIDI DE 1907

 

LA VITICULTURE EN LANGUEDOC

 

La vigne est cultivée dans le Languedoc depuis très longtemps… depuis les Romains.

Au Moyen Âge elle est maintenue grâce aux Moines.

Jusqu’au 18ème siècle en Languedoc l’activité agricole était essentiellement basée sur les Céréales, l’élevage (ovins)  et la culture de l’Olivier. La vigne est cultivée surtout pour la consommation familiale….

Au 18ème siècle, l’achèvement du Canal du Midi, la création du port de Sète permet le transport du vin vers de nouveaux marchés.

On améliore aussi les techniques de conservations du vin.

Vers la fin du 18ème siècle environ 50 % des terres sont couvertes de vigne autour de Béziers.

En 1853 le chemin de Fer arrive en Languedoc et permet à la viticulture d’étendre son commerce, surtout dans le Nord et l’Est de la France mais aussi dans les grandes agglomérations françaises (Paris, Lyon….).

 

Au XIXe siècle, plusieurs crises touchent la viticulture française : l’oïdium (1850 qui touche les feuilles et les fruits de la vigne), le Phylloxéra* en 1877 et le mildiou (champignon qui se fixe sur le dos des feuilles qui produit des reflex huileux entraînant leur chute et entraînant l’affaiblissement du cep).

Les Viticulteurs doivent faire face à une dépense pour les traitements et de plus, les ressources des viticulteurs sont affaiblies suite aux ravages du Phylloxéra : ils doivent régénérer la vigne par l’introduction de plants américains utilisés comme porte-greffes. 

 

Alors que partout ailleurs la surface plantée des vignes régresse, elle augmente dans les départements de l’Aude, du Gard, de l’Hérault et des Pyrénées Orientales.

A eux quatre ils fournissent 40 % de la production française de vin.

Le Haut Languedoc et surtout le Bitterois est proclamé « Capitale mondiale du vin ».

Les viticulteurs s’enrichissent rapidement.

De Grandes fortunes se forment et des propriétaires issus de l’industrie, de la finance ou des professions libérales possèdent d’immenses domaines.

 

*Phylloxéra : Le phylloxéra, originaire de l'est des Etats-Unis a provoqué une grave crise du vignoble européen à partir de 1863. Il a en effet fallu plus de trente ans pour la surmonter, en utilisant des porte-greffes issus de plants américains naturellement résistants au phylloxéra.

 

 

LE « MIDI ROUGE » :

La viticulture profite à de nombreux petits propriétaires. Leur revenu augmente régulièrement.

La viticulture procure de nombreux emplois : tonneliers, fabricants d’engrais, outils, machines, transport, négoce.

Les petits propriétaires s’organisent pour écouler leur production. En 1905 création de la première cave coopérative de Maraussan. D’abord coopérative de vente elle devient ensuite coopérative de vinification. Elle reçoit la visite de Jean-Jaurès*. D’autres caves coopératives se construisent.

Les Vignerons mettent en commun les outils, les bénéfices des ventes et sont ainsi de « sensibilité socialiste » voire communiste ». Ils forment ainsi un « Midi Rouge ».

La majorité des élus locaux issus de communes rurales ou viticoles sont les représentants politiques de ce « Midi Rouge ».

 

LES DEBUTS DE LA CRISE

CRISE de SURPRODUCTION :

Les années 1902 et 1903 avaient connu des conditions météorologiques qui avaient entraîné de faibles récoltes. Les cours sont de 16 Frs puis de 24 Frs l’Hectolitre.

En 1904 et 1905, toujours à cause du temps les récoltes sont importantes dans toute l’Europe : + 96 % en France, 48 % en Espagne et 16 % en Italie 

Alors que la limite de la mévente se situe à 50 millions d’hectolitres, la production atteint 69 millions. Elle se maintient à un niveau élevé les années suivantes (58 en 1905, 52 en 1906 et 66 en 1907).

Le prix de l’Hectolitre passe à 6 ou 7 Frs.        

Le vin Languedocien se vend de plus en plus mal.

Les stocks sont devenus impossibles à écouler.

Dans les cafés on vend même le vin « à l’heure » : on boit tout le vin que l’on veut… ou que l’on peut boire !

Dès 1905 une manifestation rassemble 15 000 personnes à Béziers.

 

CONCURRENCE DES VINS FRELATES .

A cette crise de surproduction s’ajoute la concurrence étrangère –Italie, Espagne qui ont aussi des excédents à écouler- et celle des vins Algériens.

D’autre part sur le marché on trouve des vins élaborés à partir de raisins séchés importés (type raisins secs), de vins dits « mouillés » (allongés d’eau), de vin *chaptalisés  et… il y a même des vins élaborés sans raisins !

Cette concurrence déloyale existe bien sûr, mais elle ne représente pas plus de 5 % du marché.

  • La Chaptalisation consiste à ajouter du sucre au moût pour augmenter le degré d’alcool final du vin.
  • L’ajour de 17 g de sucre par litre conduit à la production d’un degré d’alcool supplémentaire ;
  • C’est Jean Antoine Chaptal qui a inventé ce procédé en 1801 pour augmenter le degré alcoolique des vins et en même temps améliorer leur conservation.
  • Il l’a décrit dans un livre publié en 1801 : « L’art de faire gouverner et de perfectionner les vins ».

 

 

LA LUTTE CONTRE LES FRAUDEURS

Déjà en 1903, année ou la Récolte s’annonçait très mauvaise, Marcelin Albert avait exposé avec clarté que la suspension de la loi sur les Alcools permettrait de distiller la moitié des récoltes et ainsi de relever les cours.

Pour ceux d’Argeliers, il était clair également que le régime des sucres inonderait le marché de vins artificiels.

Il est donc normal qu’à l’unanimité, les Vignerons d’Argeliers votent un ordre du jour réclamant

- l’abrogation de la loi sur le sucrage

- le rétablissement du privilège des bouilleurs de cru.

Enfin ils demandent aussi qu’une

- nouvelle loi soit votée pour interdire « la fabrication et la mise en vente de tout ce qui n’est pas vin naturel ».

Et ils invitent les Viticulteurs à

- s’unir à eux pour « protester et lutter de toutes leurs forces pour le salut de la viticulture ».

Le comité désigne une commission communale de surveillance chargée de dénoncer les opérations clandestines.

 

Quelques jours après la marche des « 87 fous d’Argeliers », un des parlementaires qui avaient Reçu la Délégation, tire les premières conclusions : « Ce qui domine aujourd’hui et qui m’a personnellement le plus frappé durant cette enquête, c’est l’accord à l’unanimité de tous sur les origines de la crise qui remonte à 1903, et sur ses causes, que l’on attribue ou non seulement à la fabrication artificielle du vin, mais aussi et surtout à l’utilisation de vins mauvais… La Crise est si Grave qu’il faut absolument obtenir, à tout prix, une solution prochaine…. »

Et un autre d’ajouter :

« Si la crise dure un an de plus, nous assisterons aux pires catastrophes, à de terribles révoltes, dont nul ne peut prévoir les conséquences ».

 

Quelques exemples de fraude :

-      Un négocient récupère 400 000 litres à 5 Frs l’hectolitre pour les livrer à la marine ( !).

-      L’Assistance Publique ( !) aurait acheté 15 000 hectolitres de vin avarié.

-      La découverte d’une très grosse affaire de mouillage de vins blancs s’est soldée par la condamnation du trafiquant à… 50 Frs d’amende et 15 jours de prison avec sursis…

-      Une S.A. jugée pour trafic de mouillage constatant « Le Directeur ne peut être poursuivi car il ne peut être accusé d’avoir lui-même mouillé son vin … »

L’avilissement des cours est dû à un commerce interlope de vin avariés, tournés, piqués, cassés que des négociants peu scrupuleux achètent à vil prix, retapent avec de l’acide sulfurique et jettent sur le marché….

 

LE COMITE D’ARGELIERS

 

Ø  En 1907 les petits viticulteurs sont ruinés.

Ø  Les ouvriers agricoles sont au chômage.

Ø  La ruine des Vignerons entraîne celle des commerçants et des autres corps de métiers.

Ø  La misère règne sur tout le Languedoc.

Ø  Les vendanges de 1906 ne se vendent pas.

Ø  Le Gouvernement a accordé aux Betteraviers du Nord un prix minimum à appliquer sur le sucre pour concurrencer les produits de la Canne à sucre…

 

En février 1907 commence une grève fiscale à Baixas.

Le 3 mars, une Commission d’Enquête arrive à Nîmes.
Le 5 mars les Viticulteurs d’Argeliers se réunissent.

Le 10 mars, Marcelin ALBERT propose d’aller remettre à la Commission d’Enquête la pétition des 400 signatures de 1905.

Le 11 mars, une marche est organisée par les « 87 d’Argeliers » qui se rendent à pied à Narbonne avec drapeaux et clairons pour une Audition de la Délégation par la Commission.  Marcelin ALBERT remet la pétition et prend la parole avec force « Tous nos élus nous ont bernés, joués, roulés. Il est temps qu’ils viennent aux actes, s’ils ne veulent pas que ce  soit nous qui nous y livrions ». En remettant la pétition à la Commission, il ajoute « Nous avons allumé notre dernière chandelle. Si vous attendez encore nous n’y verrons plus clair ».

La commission serre la main de Marcellin Albert et de ses trois compagnons délégués et conclut l’entretien par ces paroles « Nous vous promettons que nous ferons tout pour que vous ayez satisfaction ». Marcelin ALBERT rend compte de cette entrevue aux Vignerons mécontents, et rajoute « Oui, ils ont promis ! Nous verrons s’ils tiennent leurs promesses ! ».

Les Vignerons reforment un cortège, toujours en fanfare et drapeaux levés, et entreprennent le tour des boulevards. Pour la première fois ils chantent « La Vigneronne » devant les Narbonnais.

Le 17 mars : Marcelin ALBERT est élu président du Comité d’Argeliers.

 

….A 5 heures précises, nous partons cinquante, sac au dos, résolus. Vingt-sept autres nous rejoignent par le train ... et ce fut là le bataillon de « ceux d’Argeliers ».

A Narbonne, je fais placer mes compagnons de route militairement, tambour, clairon, drapeau en tête.

Il est dix heures et demie, la commission d’enquête sort de la gare. On bat aux champs. Mais déjà notre équipée fait grand bruit dans le landerneau narbonnais. Le sous-préfet m’invite au calme.

- Soyez tranquille, monsieur. Nous ne sommes pas des perturbateurs, mais des miséreux qui venons apitoyer sur notre situation les membres de la commission parlementaire.

D’un pas alerte, nous nous rendons à la sous-préfecture, tambour battant, clairon sonnant, drapeau déployé.

Ferroul qui s’ y trouve, s’ écrie :

« Ah ! ça ne m’étonne pas, ce sont ces fous d’Argeliers et cet imbécile d’Albert ».

 

Extrait des Mémoires de Marcelin Albert « Les Cahiers de 1907 »

 

 

 

 

LE TOCSIN 

Mais ce Comité d’Argelliers combien compte-t-il de membres ?

 

A cette question posée à Marcelin ALBERT celui-ci répond : « Au comité d’initiative, nous y sommes TOUS, ceux d’Argelliers ».

Marcelin ALBERT est un excellent meneur, mais il est entouré d’un noyau d’hommes actifs  et très doués pour l’organisation de grandes manifestations, notamment Elie Bernard, Marius Cathala qui apporte ses connaissances et son jugement par son rôle de Président de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, Edouard Bourges, ancien huissier… il y a aussi le pharmacien Louis Blanc, sorte d’éminence grise du mouvement, le docteur Joseph Senty, François Richard gros propriétaire ruiné par la crise, Jules Marty très dévoué… et…. comme bien d’autres !

Au lendemain de la réunion de Coursan, Cathala, a émis l’idée de créer un journal.

D’après lui, « le mouvement n’était pas armé pour la lutte entreprise, car, avant peu, il aurait contre lui la presse, c’est-à-dire la presse politique, seule répandue, et qui nous desservirait sans hésitation dès que les intérêts politiques qu’elle défendait lui paraîtraient menacés par notre action. Pour pallier ce danger, il nous fallait un organe à nous, reflétant exactement notre pensée, indiquant sans déformation aucune nos tendances et nos buts, bref un journal de combat ».

 

Marcelin ALBERT  devient le directeur-gérant du Journal « *Le Tocsin » et Louis Blanc pharmacien rédacteur.

 

Le premier numéro est édité le 21 avril sur 4 pages à Narbonne comprend en première page l’article « Qui nous sommes ».

 

 

Premier Editorial du Tocsin :

« C’est le Tocsin !

A l’aide Paysans.

A l’aide Vignerons.

Il faut défendre votre sol.

Il faut défendre votre maison.

Il faut défendre votre existence,

Et le Tocsin sonne au rassemblement ! »

 

 

(*Félix Napo, dans son livre  « 1907 la révolte des Vignerons » nous précise que « le titre et la mise en page du journal sont empruntés à un éphémère journal électoral édité à Narbonne en février 1891 par des radicaux dissidents lors d’une crise municipale qui devait porter  Ferroul et les socialites à la mairie »)

 

Le dernier nu-méro du Tocsin est publié le 15 sept. 1907.

 

 

Le 15 nov. 1907, Le Vendémiaire, Journal de la Confédération générale des Vignerons (C.G.V)  le remplace

 

LA PROCLAMATION DES GUEUX !

 

Qui nous sommes ?

Nous sommes ceux qui travaillent et qui n’ont pas le sou.

Nous sommes les proprios décavés ou ruinés, les ouvriers sans travail ou peu s’en faut, les commerçants dans la purée ou aux abois.

Nous sommes ceux qui crèvent de faim.

Nous sommes ceux qui ont du vin à vendre et qui ne trouvent pas toujours à le donner ; nous sommes ceux qui ont des bras à louer et qui ne peuvent guère les employer ; nous sommes ceux qui n’en n’ont guère et ceux qui n’en ont pas.

Nous sommes ceux qui crèvent de faim.

Nous sommes ceux qui sont endettés, les uns jusques au cou, les autres par-dessus la tête : tous ceux qui paient mal et tous ceux qui ne paient plus. Nous sommes ceux qui ont encore quelque crédit, ceux qui n’en ont guère et ceux qui n’en ont pas.

Nous sommes ceux qui crèvent de faim.

Nous sommes ceux qui doivent partout : au boulanger, à l’épicier, au percepteur et au cordonnier ; ceux qu’éconduisent ces prêteurs, ceux que relancent les huissiers et ceux que traquent les collecteurs d’impôt. Nous sommes ceux qui voudraient vivre en honnêtes gens et qui sont acculés aux expédients et à la misère.

Nous sommes ceux qui crèvent de faim.

Nous sommes ceux qui aiment la République, ceux qui la détestent et ceux qui s’en foutent : nous sommes ses ardents défenseurs ou ses adversaires déclarés : radicaux ou conservateurs, modérés ou syndicalistes, socialistes ou réactionnaires, nous sommes ceux qui ont leur jugeotte et aussi leurs opinions.

Mais nous avons un ventre et Nous sommes ceux qui crèvent de faim.

Nous sommes ceux dont chaque espoir s’est traduit par plus de misère. Nous sommes ceux qui rivés au sol, demandent à se sol leur pitance ; c’est par nous que la terre est belle et verdoyante ; par nous elle produit plus qu’en tout autre temps. Nous sommes ceux qui la fécondent par leurs soins,  leurs efforts, leur travail et leur peine. Hélas, parmi les gueux nous sommes les plus gueux.

Nous sommes ceux qui crèvent de faim.

Nous sommes enfin des miséreux ; des miséreux qui ont femmes et enfants et qui ne peuvent pas vivre de l’air du temps. Nous sommes ceux qui ont des vignes au soleil et des outils au bout des bras, ceux qui veulent manger en travaillant et ceux qui ont droit à la vie.

NOUS SOMMES CEUX QUI NE VEULENT PAS CREVER DE FAIM

 

La Vigneronne

(air de « Charles VI. Chant de guerre)

 

 

Jadis tout n’était qu’allégresse ;

Aux vignerons point de souci.

Hélas !  Aujourd’hui, la tristesse

Règne partout en ce pays (bis)

On n’entend qu’un cri de colère,

Un cri de rage et de douleur (bis)

Refrain

Guerre aux bandits narguant notre misère

Et sans merci guerre aux fraudeurs,

Oui, guerre à mort aux exploiteurs,

Sans nulle merci guerre aux fraudeurs

Et guerre à mort aux exploiteurs, Oui !

En vain on veut sécher nos larmes,

Nous berçant d’espoir mensonger ;

Les actes seuls donnent des armes

Quand la patrie est en danger (bis)

Tous au drapeau, fils de la terre,

Et poussons tous ce cri vengeur (bis)

C’est dans l’union qu’on aiguise

Les glaives qui font les vainqueurs,

Et la victoire n’est promise

Qu’à l’union des gens de cœur (bis)

Quand la bataille s’exaspère,

Il ne faut pas de déserteurs ! (bis)

 

A Argeliers c’est l’effervescence. Le « bureau de défense viticole » est installé chez Marcelin ALBERT.

Le 24 mars une réunion a lieu à Sallèles d’Aude. La délégation d’Argeliers arrive sur un chariot à ridelles jaunes tiré par un cheval de labour : les 300 Vignerons réunis ce jour-là ont-ils idée de l’ampleur de la campagne qui commence ?...

Le 31 mars, jour de Pâques, ils se retrouvent environ 600 à Bize.

De Dimanche en dimanche, les manifestants se retrouvent : un millier à Ouveillan le 7 avril et 5000 à Coursan le 14.

Devant ce succès, la décision est prise de tenter une offensive dans l’Hérault : dix ou quinze mille manifestants répondent à cet appel le 21 avril à Capestang.

Partout Marcelin ALBERT fait figure d’apôtre « Vignerons, ouvriers, commerçants, - le moment n’est plus aux grands discours. Il est temps de passer aux actes. La fédération de tous les départements viticoles s’impose. La viticulture méridionale agonise. Unissons nous, tous, sans distinction de partis, sans distinction de classe…. – Pas de  Jalousie ! Pas d’ambition ! Pas de haine ! Pas de politique ! Tous au drapeau de défense viticole ! – Le Midi si florissant, le Midi si fertile, se meurt. Au secours camarades ! Unissons nous tous ! Que le sang gaulois et français circule dans nos veines, et, dans le même élan fraternel, écrivons une belle page d’histoire méridionale. Les générations futures viendront s’y retremper pour la défense de leur droit, de leur indépendance, de leur liberté ! ».

 

LES  MANIFESTATIONS

 

A Coursan, le 25 avril, un huissier doit procéder à la saisie de biens pour non paiement d’impôts, une foule de vignerons lui barrent l’entrée au village et l’invitent à faire demi-tour. L’huissier s’obstine à vouloir entrer dans le village.

Des coups de poings commencent à pleuvoir. On replie l’huissier à la Mairie, la foule se détourne vers le clerc et le poursuit jusqu’à la gendarmerie. La maréchaussée menace de donner l’assaut mais préfère protéger le clerc en l’envoyant chez un employé des impôts.

 

28 avril :

Meeting à Lézignan

5 mai :

Meeting à Narbonne (photo ci-contre) – 60 000 à 80 000 personnes.

Ernest FERROUL s’associe au mouvement.

Marcelin ALBERT  fait adopter par les délégués une motion d’apolitisme : « serment des fédérés ».

 

 

Ils étaient 87 le 11 mars, partis d’Argelliers

 

Dimanche

 

Villes

Nombre

De

manifestants

24 mars

Sallèles d’Aude

300

31 mars

Bize

600

7 avril

Ouveillan

1000

14 avril

Coursan

5000

21 avril

Capestang

10.000

28 avril

Lézignan

20.000

5 mai

Narbonne

80.000

12 mai

Béziers

160.000

19 mai

Perpignan

172.000

26 mai

Carcassonne

250.000

2 juin

Nîmes

300.000

9 juin

Montpellier

800.000

 

 

Le 8 mai : Entente des Socialistes pour ne pas participer à l’élection municipale prévue pour le 12  - le 12 mai ultimatum au gouvernement : si le 10 juin des mesures ne sont pas prises pour le relèvement des cours du vin, la grève de l’impôt sera décrétée 9 juin, le Comité d’Argeliers précise qu’il donnera l’ordre de grève de l’impôt et de démission des municipalités10 juin, La Chambre des députés aborde la discussion du projet de loi tendant à prévenir le mouillage des vins et les abus du sucrage. L’ordre de grève de l’impôt et de démission des municipalités est lancé par le Comité d’Argeliers  - 12 juin, Clemenceau reçoit les députés : les démissions des municipalités seront refusées. 85 municipalités dans l’Aude ont déjà démissionné, 36 dans l’Hérault, 28 dans les P.O – suivent 442 municipalités  (160 Aude, 185 Hérault, 88 P.O et 9 dans le Gard).

 

 

 

LES TENSIONS MONTENT

 

A la suite de la manifestation de Montpellier,  le 10 juin, de nombreux élus languedociens démissionnent donc pour protester contre l'absence de solution proposée par le gouvernement.

Clemenceau compte sur un pourrissement et un essoufflement de la révolte.

Il a tort : 600 maires annonceront leur démission, dont le maire socialiste de Narbonne, Ernest FERROUL, qui a soutenu le combat mené par Marcelin Albert, après s'en être méfié à l'origine (il l’avait rejoint le 5 mai). Il va mener la fronde des élus.

Le 19 juin, Ernest FERROUL est arrêté au petit matin à son domicile à Narbonne par le 139e régiment de cuirassiers, et emprisonné à Monpellier.

La nouvelle de l'arrestation programmée de tous les membres du Comité d'Argeliers met le feu aux poudres.

Des incidents éclatent durant toute la journée, puis vers le soir, dans la confusion générale, la cavalerie tire sur la foule.

Il y a deux morts, dont un adolescent de 14 ans.

Le lendemain 20 juin, la tension monte encore.

 

Ce 20 juin, Narbonne hurle sa haine contre toutes les forces de l'ordre : Assassins... Mort aux gendarmes... À bas les cuirassiers... À 11 h, une délégation du comité local est reçue par le préfet de l'Aude et demande le remplacement des cuirassiers par l'infanterie qui a encore les faveurs de la population. Après avoir difficilement obtenu l'autorisation de Clemenceau, la requête est accordée et des affiches annonçant le retrait des cuirassiers sont placardées.
Dès 13 h 30, on donne mission à quatre policiers en civil d'étudier la réaction de la population. Mais d'une part, les affiches viennent juste d'être posées et peu de gens sont avertis du retrait des cuirassiers ; d'autre part, ces policiers ont participé à l'arrestation du maire de Narbonne et ils vont vite être reconnus.

Séparés les uns des autres, ils vont être poursuivis, rattrapés et violemment frappés ; l'un d'entre eux est déshabillé et jeté dans le canal. Il réussit à atteindre la rive et est secouru par quelques personnes bienveillantes. Après l'avoir emmené dans une pharmacie, elles le conduisent à l'Hôtel de Ville. Le 139e régiment d'infanterie garde le bâtiment face à des manifestants hostiles. À 15 h 30, devant le mouvement de foule qui apporte le policier, certains tentant de le protéger, d'autres essayant de l'achever, c'est la panique : un premier coup de pistolet éclate, puis deux salves lourdes des soldats pendant 30 secondes avant l'ordre de cesser le feu

Cinq morts sur la place ! Cécile Bourrel, 20 ans, venue à Narbonne en ce jour de marché et qui par simple curiosité, se promenait là, a été tuée d'une balle en pleine tête.

À 18 h, par crainte de représailles, le 139e est évacué sous les injures et les pierres. Toutefois, aucun incident grave n'éclate : les Narbonnais sont assommés par la tragédie et se recueillent sur les lieux où les victimes sont tombées.

(l'écrivain Yves Rouquette écrira plus tard un très beau poème, chanté par Marie Rouanet, sur cette tragédie de Narbonne).

 

 

Dans la soirée du 20 juin, la préfecture de Perpignan est attaquée et incendiée.

Une émeute nocturne se déroule à Montpellier : 38 arrestations et plusieurs blessés de part et d’autre.

Vers 21 h à Agde, un demi millier de soldats du 17e, entraînés par une bande de civils, se mutinent, pillent la poudrière et prennent la route de Béziers.

Dans la mémoire collective ces évènements ont laissé une trace indélébile. Aujourd’hui, cent ans après, on a du mal à imaginer à quel point ils ont secoué la République.

 

 

LES MUTINS DU 17e

 

Cette répression commandée par le Tigre Clemenceau, qui cumulait les fonctions de président du Conseil et ministre de l'Intérieur, révolte les soldats du 17e régiment d'infanterie, dont beaucoup étaient des fils de vignerons ou de paysans originaires de la région.

Les mutins du 17e

Dans la soirée du 20 juin, la 6ème compagnie, basée au couvent de la Nativité du 17ème d’infanterie de ligne de Béziers, cantonnée depuis le 3 juin à Agde se mutine.

Cette compagnie est composée de réservistes et d’hommes originaires de la région.

A 23 h, les mutins (500 soldats) s’emparent de l’armurerie et s’engagent, accompagnés de nombreux civils sur la Route de BEZIERS.

Ils arrivent vers 4-5 h du matin et s’installent sur les Allées Paul Ricquet accueillis chaleureusement par les Biterrois. La population leur offre de la nourriture et du vin ainsi que de la paille pour leur repos.

Ils sont étonnés eux même de leur audace. Ils fraternisent au nom du principe « on ne se tue pas entre Français », mais se retrouvent bien vite sans but précis.

Les autorités militaires ne peuvent accepter cette mutinerie : l’exemple du 17e régiment peut donner des idées à d’autres régiments de la région.

Les Membres des Comités Viticoles Antonin Palazy et Louis Blanc font l’intermédiaire avec la hiérarchie militaire.

Le 21 juin, Louis Blanc ayant obtenu l’impunité au Rebelles du Général Bailloud, demande aux soldats de regagner la Caserne agathoise.

Le 24 juin au soir les mutins sont embarqués en train pour Gap, leur destination : Gafsa en Tunisie où ils seront stationnés en représailles.

 

« Gloire au 17e »

Légitime était votre colère
Le refus était un grand devoir
On ne doit pas tuer ses pères et mères
Pour les grands qui sont au pouvoir
Soldat, votre conscience est nette
On n'se tue pas entre Français
Refusant de rougir vos baïonnettes
Petits soldats, oui, vous avez bien fait!

 Refrain:
Salut, salut à vous !
Braves soldats du 17ème
Salut! braves pioupious
Chacun vous admire et vous aime
Salut, salut à vous !
A votre geste magnifique
Vous auriez en tirant sur nous,
Assassiné la République !

Comme les autres, vous aimez la France
J'en suis sûr, même vous l'aimez bien

Mais sous votre pantalon garance
Vous êtes restés des citoyens.
La patrie, c'est d'abord sa mère
Celle qui vous a donné le sein,
Et vaut mieux même aller aux galères
Que d'accepter d'être son assassin.

Espérons qu'un jour viendra en France
Où la paix, la concorde régnera.
Ayons tous au cœur cette espérance
Que bientôt ce grand jour viendra.
Vous avez jeté la première graine
Dans le sillon de l'humanité
La récolte sera prochaine,
Et ce jour là, vous serez tous fêtés.

Cette chanson, écrite par le chansonnier Montéhus magnifie la mutinerie des soldats du 17e Régiment d’infanterie de Béziers.

Cette Chanson laisse penser que les soldats avaient eu l’ordre de tirer sur la foule. C’est faux.  

Elle a été  un des grands succès populaires.

v  La fin de la mutinerie avait permis à George Clemenceau, en situation très difficile après les morts de Narbonne, de retrouver l’appui de la Chambre des Députés….

v  Cette mutinerie a surtout entraîné l’affolement des notables de la vigne, qui ont eu peur d’une guerre civile….

v  Cette mutinerie a servi de leçon aux Pouvoirs Publics qui ne mettront plus jamais face à face des militaires ou policiers de la même région.

 

 

LA VICTOIRE DE CLEMENCEAU

 

Le 26 juin Marcellin Albert se rend à la prison de Montpellier où il est incarcéré.

 

Suite à leur entrevue, Clemenceau le discrédite en relatant ses pleurs et ses remords, la mission qu’il a accepté (de faire revenir les Maires du Midi à reprendre leur démission) et surtout… sa corruption.

Marcelin Albert était monté à Paris pour se constituer prisonnier sous les projecteurs des photographes. C’est parce qu’il n’a pas été accepté au Palais Bourbon qu’il a accepté de rencontrer Clemenceau et… d’accepter le prêt de 100 F pour payer son train de retour.

 

Marcelin Albert est maintenant considéré de traître par ses amis du Comité.

 

Les régiments sont évacués du Midi.

 

Fin juin et début juillet, une série de lois et de décrets importants finissent par être votés :

-      réglementation du sucrage,

-      contrôle de la vente du sucre,

-      imposition de la déclaration des récoltes,

-      contrôle de la circulation des vins

-      mise en place de moyens juridiques aux syndicats contre la fraude.

 

Le 2 août, on annonce la mise en liberté des « meneurs » qui sont toujours en prison. Devant la prison de Montpellier, une nouvelle foule s'est agglutinée pour acclamer Ferroul et le comité d'Argelliers. c'est le triomphe après le combat. Pour tous, sauf pour l'infortuné Marcellin Albert. Le lendemain, vers 10 heures du soir, Lou Cigal rentre le plus discrètement possible dans son village. Mais on l'aperçoit, on l'injurie, on le hue, on le menace de mort. Et si on le pendait à un platane ? Il fuit, s'engouffre chez lui, referme la porte. Pauvre Marcellin Albert. Pourtant, le 3 septembre, le gouvernement prendra un décret selon lequel aucune boisson ne peut être « vendue sous le nom de vin que si elle provient exclusivement de la fermentation du raisin frais ou du jus de raisin frais ». Si Marcellin Albert n'avait un jour, de son café d'Argelliers, levé l'étendard de la révolte, ce décret aurait-il jamais vu le jour ?

 

Le 19 juin 1910, le drapeau noir, symbole de la misère qui flottait sur la Mairie de Narbonne depuis le 10 juin 1907  est  retiré.

 

PORTRAITS :

MARCELIN ALBERT  

Marcellin Albert est né à Argeliers.

Il  perd son père à l’âge de 5 ans. Il fréquente l’école d’Argeliers puis celle de l’institution Montès de Carcassonne.

Il abandonne ses études à 16 ans pour aider sa mère à travailler la petite vigne familiale.

Il s’engage au 2ème tirailleurs en 1870 pour la durée de la guerre (alors qu’il peut en être dispensé comme fils de veuve). Il se marie en 1873.

Il fait un court séjour à Paris dans l’intention de faire carrière dans les arts, mais revient rapidement à Argeliers.

Marcelin Albert tient un café pendant quelques années. Sur la droite du bâtiment, l'annexe va devenir le siège du Comité viticole d'Argeliers. Mais, probablement parce qu'il est déjà très impliqué dans la cause viticole, les affaires ne marchent pas et il retourne à la vigne.

C'est un homme soigneux de sa personne : sa barbe et sa moustache sont toujours bien coupées et teintes ; il porte toujours soit un noeud papillon, soit une cravate blanche, et son chapeau à bords relevés est connu dans toute la région.
Argeliers ne compte que 1 200 habitants, mais possède un théâtre : Marcelin Albert y joue quelques pièces, dont Ruy Blas.

On le surnomme « Marceau » ou « Lou Cigal ». Comme il va prêcher ses idées dans les communes voisines, il grimpe sur des tables ou…. Sur les arbres ce qui lui vaudra le surnom de « Prêcheur des Platanes ».

En 1900, 1903 et 1905, Marcelin Albert participe à des campagnes pour la défense de la viticulture : contre la restriction des droits des bouilleurs de cru tout d'abord, contre la détaxe sur le sucre par la suite. Des comités de vigilance viticole mènent quelques grèves d'ouvriers agricoles, provoquent des démissions de maires, et prônent les expulsions d'huissiers venus saisir les biens de viticulteurs endettés. Ces actions sont des demi-succès ou ... des demi-échecs.

Mais en 1907, il est désormais un homme connu dans la région pour son combat viticole, à la fois auprès des élus et auprès des viticulteurs.

Tout au long de la crise de 1907, Marcelin Albert sera adulé : il sera qualifié d'Apôtre des vignerons et de Rédempteur. Il luttera, un peu mollement, contre ce culte de la personnalité qui flatte quand même son ego. En revanche, son attitude sera sans ambiguïté contre les tentatives de récupération, nombreuses et fort pressantes :
- les ouvriers agricoles se demandent s'ils ont les mêmes intérêts que les propriétaires, même pauvres,

- la IIIème République a moins de 40 ans et les royalistes tentent de récupérer le mmouvement,

- les modérés, les radicaux et les socialistes, tous républicains, se disputent le pouvoir et l'opposition,

- parce que l'Occitan est la langue usuelle, les régionalistes en profitent pour mener leur combat séparatiste.

Marcelin Albert arrivera, le plus souvent avec succès, à recadrer le mouvement : le seul et unique combat qu'il prône est celui du vin sain et naturel, sans idée politique, sociale ou régionaliste. Si certains de ses amis ont d'autres vues, lui, au moins, restera 'pur' dans ses intentions. La chute n'en sera que plus dure !

L’homme de la Providence !

Ses harangues publiques ont prôné l’union sans distinction de classe ni d’opinion politique. Il défend la distillation et lutte contre le sucrage.

Il appelle à la création d’une confédération départementale viticole unitaire pour prendre des mesures contre la fraude.

La presse régionale, puis nationale et même internationale suit avec attention ce personnage qui mobilise des partisans de plus en plus nombreux dans des rassemblements pacifistes dominicaux.

C’est incontestablement lui qui est à l’origine de ces meetings.

En quelques semaines sa popularité atteint des sommets.

Durant cette période il ne dévie pas de son idée : obtenir le vote des lois contre la fraude.

Il est à l’origine de l’ultimatum qui accorde au gouvernement 15 jours pour provoquer  le relèvement des cours du vin, mais c’est contre sa volonté que le comité d’Argeliers donne le mot d’ordre de démission des municipalités.

Il échappe à son arrestation en se cachant dans le clocher d’Argeliers.

Il se rend à Paris avec l’aide financière de ses amis, espérant se faire arrêter spectaculairement devant une foule de photographes.

Il rencontre Clemenceau qui le compromet en lui donnant un billant de 100 frs pour payer son billet de train.

De retour chez lui il est banni de ses amis.

Il se constitue prisonnier à Montpellier.

Le héros déchu de cette histoire a connu une triste fin. Marcelin Albert continue la lutte pour la viticulture, fait un grand voyage d'étude en Algérie en 1910 et continue à dénoncer la fraude. En 1920, ruiné, il ne survit que par une souscription des vignerons d'Algérie. Il meurt en 1921, à l'âge de 70 ans.

Claude Marti, chanteur occitan, nous dit dans sa chanson :

….Vous pouvez chanter, cigales ! Si le vin va mal, Sur notre terre blanche,

 Marcelin reviendra

(Extrait de la chanson : E tu, mon vilatge de Claude Marti)

"L'Apôtre, le Rédempteur, le Roi des gueux..."

lou grand boulegaire dou brave pople de la terro" (Mistral

Ernest FERROUL

Le Docteur Ferroul est, avec Marcelin Albert, l'autre figure marquante du mouvement de révolte des vignerons du Languedoc.

Né dans une famille modeste de la Montagne Noire, après des études de médecine à Montpellier , il s'installe à Narbonne où il devient le "Docteur des Pauvres". A la suite de sa rencontre avec Jules Guesde, il adhère au socialisme. Très engagé à gauche, il est également franc-maçon.

En 1888, il est élu député de Narbonne. A la Chambre des Députés, il rejoint l'extrême gauche. C'est en 1891 qu'il est élu Maire de Narbonne.. Très actif mais aussi très virulent, il est battu en 1893 puis en 1898. Il perd la Mairie de Narbonne en 1897 et la regagne en 1902. Il est de nouveau élu député en 1899 suite à l'invalidation du député élu contre lui en 1898. En 1902, il démissionne de son mandat de député pour se consacrer à ses neveux orphelins et à la Mairie de Narbonne.

Il ne croit pas au mouvement vigneron, tout du moins à ses débuts. Beaucoup plus malin et calculateur que son rival Marcelin Albert, il finit plus ou moins consciemment par le faire évincer et prendre la tête du mouvement.

Il est à peu près certain qu'il attendait autre chose de ce mouvement :

-  Peut-être pas une révolution ou le séparatisme, --  sûrement une plus grande autonomie du Midi (il a eu des liens étroits avec Mistral, qu'il aurait aimé voir participer au Mouvement).

- souhaitait-il aussi un rapprochement du Languedoc avec les Catalans de l'autre côté de la frontière, avec qui il avait de fréquents contacts ?

(Il faisait beaucoup référence à la croisade des Albigeois ou à la bataille de Muret qui, au XIIIe siècle, et malgré l'engagement des Catalans de Pierre II d'Aragon, marqua la fin de l'indépendance de l'Occitanie).

Quoi qu'il en soit, les événements en décidèrent autrement et il sut s'y adapter, voire les provoquer, et devint le premier Président de la Confédération Générale de Vignerons du Midi (à laquelle les ouvriers n'adhérèrent pas).

Ses prises de position ultérieures assez loin du socialisme de Jaurès (sa campagne pour l'écrasement de l'Allemagne, son engagement contre le Bolchévisme et son refus de la IIIe Internationale Socialiste), rendent le personnage beaucoup moins sympathique à la fin de sa vie, et donnent peut-être un éclairage différent à son engagement dans le mouvement de révolte.

Il meurt le 29 décembre 1921, un an après Marcelin Albert ; la ville de Narbonne lui a fait des funérailles grandioses.

GEORGES CLEMENCEAU

Georges Clemenceau naît le 28 septembre 1841 à Mouilleron en Péreds petite bourgadeVendéenne. Sa mère est une fervente protestante et son père un Républicain engagé.

Après des Etudes de Médecine Clemenceau part aux Etats-Unis pour devenir Professeur. Il y rencontre sa future épouse.

Il revient le 26 juillet 1869 pour entreprendre une carrière politique en s’opposant à Napoléon III.

Journaliste à l’Aurore puis créant son propre journal, Le Bloc, il reste un fervent défenseur de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

En 1906 il occupe la fonction de Ministre de l’Intérieur et ensuite Président du Conseil.

Il est surnommé « le Tigre » du fait d’avoir fait tomber ses opposants (il a éliminé Gambetta,  Ferry….).

Le « Briseur de Grèves »

En 1907, après s’être opposé à  la création d’un impôt sur le revenu par J. Caillaux, il crée les Célèbres Brigades Mobiles surnommées « Les Brigades du Tigre » ancêtres de la Police Judiciaire.

Il s’illustre par l’inflexibilité face aux mouvements sociaux, qui sont nombreux. C’est cette même année que le repos hebdomadaire devient obligatoire.

En mars des électriciens se mettent en grève et plongent Paris dans le noir complet.

Sa gestion des révoltes, comme celle des vignerons du midi ou comme la répression des grèves des mineurs dans le Pas-de-Calais ou encore les ouvriers du Bâtiment à Villeneuve-Saint-Georges, lui valent le surnom de « Premier Flic de France ».

Le Tigre, qui gouverne avec neuf ministres du Sud, dont Gaston Doumergue, député du Gard et Ministre du commerce et de l’Industrie ainsi que Albert Sarraut, sénateur de l’Aude, reste inflexible.

Pour lui le midi est acquis aux Républicains, même… si la menace socialiste est réelle, surtout par son Rival : Jean Jaurès.

Son Gouvernement restera en place jusqu’en 1909.

Il sera rappelé à la Tête du Gouvernement en 1917 par Raymond Poincaré qui ne l’aimait pourtant pas.  Il deviendra le « Père de la Victoire ».

En 1919 un anarchiste lui tire 3 balles dans l’omoplate, heureusement sans gros dommages.

Après une candidature avortée à la Présidence de la République, il prend une retraite bien méritée et entreprend de grands voyages.

Il meurt en 1929 à l’âge de 88 ans.

Sa Carrière :

Maire du 18e ar. De Paris de 1870 à 1871

Député de l’Assemblée Nationale de 1871 à 1893

Président du Conseil Municipal de Paris (1875)

Sénateur de 1902 à 1920

Ministre de l’Intérieur en 1906 (Surnommé « Le Tigre »)

Président du Conseil de 1906 à 1909 et de 1917 à 1920 (Père La Victoire)

Membre de l’Académie Française en 1818

LA REVOLTE DE JOUR EN JOUR…

Janvier

*      Débat sur les Fraudes à la Chambre des Députés

*      Création d’une COMMISSION PARLEMENTAIRE  d’ENQUÊTE sur la SITUATION DE LA VITICULTURE et sur LA FRAUDE.

Février

*      Lettre de cinquante Vignerons d’Argelliers au Député Jules Razimbaud.

*      Grève de l’impôt à BAIXAS

18 Février

Télégramme de Marcellin ALBERT à Clemenceau

 

3 Mars

Arrivée à NIMES de la Commission Parlementaire d’enquête.

 

5 Mars

Réunion des Vignerons d’Argelliers

 

10 Mars

A Ginestas, Marcellin ALBERT propose d’aller remettre à la Commission Parlementaire la pétition des 500 signatures.

 

11 Mars

A la suite de Marcellin ALBERT, les « 87 d’Argeliers » en audition de la Commission d’Enquête à NARBONNE.

14 Mars

Clemenceau rabroue Albert Sarraut, député et Ministre, qui défend la cause du Midi.

 

24 Mars

Réunion à l’initiative du « bureau de défense viticole d’Argeliers » à Sallèles-d’Aude devant 300 personnes.

31 Mars

Réunion à Bize : 600 personnes.

 

7 Avril

Réunion à Ouveillan : 1 000 personnes.

 

14 Avril

Réunion à Coursan : 5 000 personnes.

 

21 Avril

*      Réunion à Capestang  : 10 000 à 15 000 personnes

*      Publication du premier numéro du Tocsin, journal fondé par le « Comité d’Initiative » d’Argeliers

*      15 communes de l’Aude et 4 de l’Hérault décident de se fédérer .

25 Avril

Incidents à Coursan à l’occasion d’une saisie.

 

28 Avril

Réunion à Lézignan : 20 000 personnes.

 

5 Mai

*      Réunion à Narbonne : 60 000 à 80 000 personnes.

*      Ernest Ferroul se rallie au mouvement.

*      Marcellin Albert fait adopter par les délégués le « Serment des Fédérés ».

8 Mai

Entente des Socialistes et des Conservateurs pour ne pas participer à l’élection municipale du 12 mai.

12 Mai

*      Réunion à Béziers : 120 000 à 160 000 personnes

*      Ultimatum au Gouvernement :  grève de l’Impôt si des mesures pour le relèvement des cours de vente du vin ne sont pas prises.

*      Incidents à la garde de Mercorignan.

16 mai

Manifestation et incidents nocturnes à Béziers.

 

19 mai

Réunion à Perpignan : 172 000 personnes.

 

22 Mai

M. Joseph Caillaux dépose le Projet de Loi sur la fraude en matière de Vin.

 

26 Mai

*      Meeting à Carcassonne : 250 000 personnes.

*      Discours faisant référence au passé Cathare du Midi.

1er Juin

Incidents à la Gare de Perpignan.

 

2 Juin

Meeting à Nîmes : 300 000 personnes

 

8 Juin

Bagarres autour de la Gare de Perpignan : 4 militaires sont blessés, deux arrestations.

9 Juin

*      Meeting de Montpellier : 800 000 personnes.

*      Ernest FERROUL appelle à la démission des Maires.

*      Incidents à la Caserne de Narbonne

10 Juin

*      Discussion du projet de loi sur la prévention de la Fraude des Vins et les abus de sucrage.

*      Manifestations nocturnes à Montpellier.

11 Juin

Jean Jaurès dépose un contre-projet de loi prévoyant la nationalisation des domaines viticoles.

12 Juin

*      Clemenceau donne ses instructions aux Préfets du Midi : les démissions des municipalités doivent être refusées.

*      Clemenceau essaie d’intimider les Maires par une lettre.

*      Nouvelles instructions précises du Comité d’Argeliers au sujet de la Grève Administrative : 85 maires dans l’Aude, 36 dans l’Hérault et 28 dans les Pyrénées Orientales ont déjà démissionnés.

13 Juin

331 Municipalités démissionnaires.

 

14 Juin

442 Municipalités démissionnaires : 160 dans l’Aude – 185 dans l’Hérault, 88 dans les P.O. – 9 dans le Gard.

15 Juin

*      Décision de constituer des fédérations départementales qui formeront ensuite une confédération générale des Vignerons.

*      En raison des menaces d’arrestations, Marcellin ALBERT va se cacher à St Chinian.

16 Juin

*      Réunion de formation du comité départemental des Pyrénées Orientales.

*      Albert SARRAUT intervient auprès d’Ernest FERROUL.

17 Juin

*      Clemenceau prend des dispositions concernant les poursuites et les répressions.

*      Albert SARRAUT démissionne du Secrétariat d’Etat à l’Intérieur.

18 Juin

*      Régiments et renforts de gendarmerie convergent vers le Midi

*      Incidents à Coursan

*      Le 17e de ligne est déplacé de Béziers à Agde dans la nuit.

19 Juin

*      Arrestation à l’aube du Dr FERROUL et de plusieurs membres du Comité d’Argeliers.

*      Formation du Comité n° 2

*      Attaque de la sous-préfecture de Narbonne et charge des cuirassiers sur le Bd Gambetta : un mort et plusieurs dizaines de blessés.

*      A Montpelliers : heurts 25 gendarmes blessés, 25 arrestations.

*      A 3 h du matin, Marcellin ALBERT prend à Castelnaudary le train pour se rendre à Paris.

20 Juin

*      Incidents en Série à Narbonne. Décret de l’Etat de siège.

*      Plusieurs agressions d’agent de la Sûreté : une section de garde du 139e tire sur la foule à 16 h devant la Mairie. 4 morts une dizaine de blessés.

*      Dans la soirée, mise à sac et Incendie de la préfecture de Perpignan.

*      Nouvelle émeute nocturne à Montpellier.

*      Vers 21 h à Agde, 500 soldats du 17e, entraînés par une bande de Civils, se mutinent, pillent la poudrière et prennent à pied la route de Béziers.

 

21 Juin

*      A Paulhan les habitants séquestrent le sous-Préfet de Lodève et coupent la voie Ferrée pour empêcher les Soldats du 142ème  de se rendre à Béziers.

*      Les Soldats du 17e parviennent à Béziers. Les habitants leurs donnent à manger et de la paille pour se reposer.

*      Vers 17 h ils regagnent leur caserne après diverses tractations.

*      Nouvelle soirée d’émeute à Montpellier et plusieurs arrestations.

*      Marcellin ALBERT arrive à PARIS.

 

22 Juin

*      Les habitants de Paulhan libèrent le sous-Préfet de Lodève.

*      Refus d’introduction au Palais Bourbon de Marcellin ALBERT (par F. Aidy, député de Narbonne).

*      Marcellin décide alors d’aller voir Clemenceau.

 

23 Juin

Entrevue de trois quarts d’heure entre Clemenceau et Marcellin ALBERT.

 

24 Juin

Retour de Marcellin ALBERT à Argeliers avec les 100 frs donnés par Clemenceau

25 Juin

Le 17e est déplacé à Gap et les mutins sont rassemblés dans un bataillon envoyé en Tunisie.

26 Juin

Marcellin ALBERT se constitue prisonnier à Montpellier.

 

23 Juillet

A Béziers, Assemblée Interdépartementale des Vignerons : mise en place de la C.G.V.

29 Juillet

*      Promulgation de la Loi interdisant le mouillage et le sucrage du vin (J.O. du 4 juillet).

*      Le Colonel Ploque, commandant du 17e RI est mis à la retraite d’office.

2 Août

Mise en Liberté Provisoire des membres du Comité d’Argeliers.

 

4 Août

De retour à Argeliers Marcellin ALBERT, discrédité, manque d’être lynché.

 

3 Septembre

Décret portant règlement d’administration publique sur les vins et spiritueux.

 

15 Septembre

Parution du dernier numéro du Tocsin.

 

22 Septembre

Fondation de la Confédération Générale des Vignerons et désignation du bureau par les délégués des syndicats départementaux réunis à Narbonne.

 

       

 

QUELQUES DATES DE L’HISTOIRE DU VIN

 

-          600 Av –J.C. :                   Fondation de Massalia. Les Grecs apportent la culture de la                                                                                 Vigne.

-          92 après J. C . :              L’empereur Domitien interdit  la création de nouveaux                                                                                              vignobles et ordonne l’arrachage de vignes.

-          280 après J. C . :           Autorisation de replanter des Vignes par  Probus.

 

 

-          1226 :                                 Publication par le Dr Arnaud de Villeneuve du premier ouvrage                                                                          entièrement consacré au vin « Liber de Vinis »

-          1241 :                                  Privilège des Vins de Bordeaux sur les vins du sud. Le                                                                                                Languedoc doit attendre la Saint Martin pour acheminer son                                                                              vin.

-          1305 :                                 Débuts de la Distillation.

-          1731 :                                   Louis XIV interdit les nouvelles plantations des vignes.

-          1776 :                                   Edit de Turgot qui libéralise la circulation des vins dans le                                                                                   royaume.

                                      

 

-          1857 :                                  Mise au point d’un souffrage des vignes contre l’Oïdium  (Henri                                                                          Marès)                                             

-          1863 :                                 Apparition du Phylloxéra  (Pujaut – Gard)

-          1866 :                                 publication des Etudes sur le Vin de Pasteur.

-          1868 :                                 Jules Planchon met au point le greffage sur pied.

 

                                        

-          1889 :                                 14 août, une loi définit légalement le vin.

-          1900 :                                 premier regroupement de Vignerons pour garantir l’origine                                                                                des vins (chablis)

-          1901 :                                  Première Cave Coopérative de Vente à Maraussan (34)

 

-          1903 :                                 Diminution des taxes sur le sucre pour les Betteraviers du                                                                                     Nord.

                                      

-          1904 :                                 Création de la Fédération  des Travailleurs Agricoles du Midi.

 

 

-          1905 :                                 1er Aout, Loi sur la Répression des Fraudes

-          1907 :                                  Création d’une Commission Parlementaire pour la répression                                                                           de la fraude.

 

-          1907 :                                  18 Février , Marcellin Albert envoie un télégramme  à                                                                                                  Clemenceau.

 

 

 

 

 

 
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