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Les Mystères des Templiers Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
29.11.2016 - Les moines-chevaliers.

De nombreux mystères entourent les Templiers.

Aujourd’hui on a beaucoup de livres, de films ou de feuilletons fantastiques qui font références aux Templiers.

A quoi est dû cet engouement ? Aux secrets, aux légendes ? Quels sont ces mystères qui entourent les Templiers.

Et le trésor ? En avaient-ils un ? Où est-il ?

Les Templiers sont des Moines-Soldats. Peut-on accepter qu’un homme de Dieu soit un Soldat ?

Ils appartiennent à un ordre qui s’est fondé dans les états latins d’Orient à la suite des croisades.

Pour comprendre il faut se remettre dans le contexte de l’époque.

En novembre 1095 le pape Urbain II convoque un concile pour « mettre de l’ordre et de la discipline dans l’église trop souvent éclaboussée par des scandales ». Il y a aussi l’ardeur « batailleuse » des chevaliers qui n’hésitent pas à « brandir le glaive » pour « uniquement » le plaisir de se battre ! En Orient, l’empereur Alexis Comnène est impuissant à contenir les Turcs qui occupent la Palestine et qui tolèrent moins les chrétiens que les musulmans arabes. « Les lieux saints sont en danger ». C’est ainsi qu’Urbain II clôt le concile et, dans une phase d’euphorie sans préméditation, il appelle solennellement à la croisade pour exhorter les chevaliers à défendre la terre sainte.

Le 15 août 1096 une  première « armée » de chevaliers croisés se met donc en marche sous la conduite du légat du pape Adhémar de Monteil avec à leur tête de grands barons comme Hugues de Vermandois (frère du Roi Philippe 1er) Godefroy de Bouillon, Bohémond de Tarente, Raymond des Flandres, Raymond de Toulouse, Robert de Normandie… 

Tous se retrouvent à Constantinople au printemps 1097, franchissent le Bosphore et prennent Nicée en juin, Edesse et les chevaliers mettent ensuite le siège devant Antioche. C’est un long siège, éprouvant, qui manque de tourner à la catastrophe pour les croisés mais la ville est enfin prise au bout de 9 mois ! Après Antioche les croisés peuvent enfin prendre Jérusalem le 15 juin 1099 suite à un massacre des musulmans sans précédent (cette épouvantable tuerie reste toujours dans la mémoire des musulmans).

Les croisés s’organisent très vite et créent très rapidement plusieurs principautés : le comté d’Edesse, la principauté d’Antioche, le royaume de Jérusalem qui est confié à Godfroy de Bouillon mais celui-ci n’en veut pas préférant être fait « avoué » du Saint Sépulcre : « Comprenez-le bien seigneurs ; je n’aurai jamais de couronne d’or sur la tête, car celle de Jésus, lorsqu’il souffrit sa Passion, était d’épines. Jamais donc la mienne ne sera d’or, ni d’argent, ni même de laiton ». Les seigneurs chargés de « l’avouerie » doivent, sous l’autorité ecclésiastique, assurer la garde et la protection des Eglises. Il se met donc sous la protection de l’évêque Daimbert qui est élu patriarche de Jérusalem et de Baudouin 1er, son frère qui est élu roi de Jérusalem à sa place  (Bohémond de Tarente prend la principauté d’Antioche, le comte de Toulouse devient Raymond 1er de Tripoli et… tous les autres chevaliers s’en retournent dans leur pays).

Ces nouveaux états sont fragiles. Si la plupart des croisés sont rentrés chez eux, la route des pèlerins est ouverte et d’autres  chevaliers peuvent donc prendre « le chemin ».

Parmi ces pèlerins se trouve Hugues de Payens (prononcer « pin ») vers 1100. Il est  le vassal d’Hugues de Troie qu’il suit en pèlerinage à Jérusalem 3 fois (1104, 1107 et en 1114). Lors de ce dernier voyage il décide de rester à Jérusalem pour devenir moine ou « faire son salut » comme on dit dans la chevalerie.

Hugues de Payens, avec son ami Geoffroy de Saint Omer,  entre au service des chanoines du Saint Sépulcre qui se consacrent à l’accueil des pèlerins. Ils se rendent vite compte de la réalité : c’est plus sur la route que les pèlerins ont besoin de protection.

Hugues de Payens rassemble quelques compagnons et « prennent ensemble l’épée pour défendre les chemins ». Le petit groupe, constitué d’une trentaine de chevaliers s’illustre vite dans des faits de bravoure chevaleresque.

Le nouveau roi de Jérusalem, Baudouin II comprend  l’intérêt qu’il pourrait tirer d’une milice de soldats consacrés à Dieu et à la défense des lieux saints qui se placerait au-dessus des querelles vite survenues entre les états latins d’Orient.

Il encourage donc le groupe d’Hugues de Payens et les installe dans son palais royal qui étaient les bâtiments de la mosquée Al-Aqsa qui d’après la légende avait été à l’emplacement où s’élevait autrefois le Temple de Salomon détruit en l’an 70 par les romains. C’est la raison pour laquelle le groupe d’Hugues de Payens prend le nom de « pauvres chevaliers du Christ et du Temple de Salomon ».

Hugues de Payens  réalise bien que les états latins d’Orient n’ont aucune chance de se maintenir si des renforts ne viennent pas les soutenir. La bataille de « l’Ager Sanguinis » (le champ du sang)  en 1119 a déjà failli entraîner la perte d’Antioche…

Hugues de Payens, avec bien sûr l’appui de Baudouin II, repart en occident chercher de l’aide. Mais pour lancer une croisade il faut du temps. Son idée à lui est de promouvoir l’idéal religieux et aussi… militaire. C’est ce concept qu’il partage avec ses compagnons du Temple.

Il fait donc étape à Rome en 1128 où il rencontre le Pape, il parcourt ensuite la France pour récolter des dons et rallier des hommes de bonne volonté. Foulque d’Anjou, le premier se laisse séduire. D’autres suivent.

Le concile de Troyes de 1129 vient de s’ouvrir, il y expose ses projets. C’est là qu’il rencontre un personnage très important et très influent à l’époque : Bernard de Clairvaux, le futur Saint Bernard.  Bernard de Clairvaux était très engagé dans son monastère, mais il sillonnait les routes d’Europe pour défendre l’Eglise et porter témoignage de sa vision de Dieu. Invité par le pape Honorius II, et nommé secrétaire du concile. Malgré qu’il soit lui-même vilipendé par une grande partie du clergé il arrive à faire accepter l’existence d’un ordre de moines appelés à manier l’épée et verser le sang. Il en établit même les statuts qu’il complète par une règle monastique adapté à la fonction.

C’est ainsi que de « milita » le groupe des pauvres chevaliers du Temple va devenir une « religio », un nouvel ordre monastique.

Tout de suite Hugues de Payens et ses compagnons abandonnent leurs possessions en faveur de l’ordre et parcourent la France, mais aussi l’Espagne et l’Angleterre pour susciter de nouvelles volontés.

L’engouement est très rapide : il est plus attrayant pour les chevaliers de l’époque de s’engager dans un ordre religieux qui permettait de montrer sa bravoure, ce pourquoi ils ont été formés, et qui correspond totalement à l’idéal chevaleresque.

Chez les autres classes de la population, bourgeois, paysans, citadins, qui eux n’auront pas à se battre en terre sainte, trouvent chez les compagnons de l’Ordre du Temple une vie plus souple car non soumise à l’ascèse mortifère qui devient mise depuis la règle grégorienne dans les autres ordres monastiques.

Sur le plan religieux ce sont des moines. Ils suivent la règle de Saint-Benoît : pauvreté, chasteté et obéissance et bien sûr prononcent leurs vœux, comme tous les moines de toutes les abbayes qui rayonnent à cette époque dans tout l’occident.

Bien sûr, leur destination n’est pas une vie contemplative dans le silence de la clôture des murs, ils sont aussi « militaires ». Il est quand même prévu qu’un moine templier est envoyé hors de « sa » maison, il doit prier Dieu suivant une série de patenôtres et de matines. Ils portent aussi la robe, blanche pour les nobles, noire ou de bure suivant la classe de la société à laquelle ils appartiennent. La croix que portent les chevaliers sur leur robe ne diffère aucunement  de celle des chevaliers croisés et il n’y a pas de croix spécifique aux templiers.

Leur monastère était organisé comme tout autre monastère. Dans chaque pays était nommé un maître qui dirigeait l’ensemble des monastères appelés « commanderies » qui tous étaient sujets du maître de l’ordre, désigné à vie, qui supervisait à la fois les actes militaires de l’ordre en Orient et les possessions en Occident.

Il y avait toutefois pas mal de  catégories de chevaliers. Les succès de l’ordre a été tel que certains se sont engagés pendant une période prédéterminé puis rendus à la vie séculières, comme par exemple les frères mariés.  Il y avait les frères servants (frères casaliers et frères de métiers) qui étaient les sergents car très habiles, surtout parmi les marchands. Ils étaient incapables de combattre en raison de leur âge ou d’une infirmité. On estime que pratiquement chaque chevalier de l’Ordre avait environ 10 personnes qui le soutenaient dans son action de protection des pèlerins.

Bien sûr, dans leur règle on faisait état de leur châtiment en cas de faute grave, pour la plupart simonie (trafic de biens spirituels), meurtre, vol, hérésie, désertion, etc…

Leurs autres particularités, par rapport aux autres ordres monastiques, c’est la bulle « Omne datum optimum » du 29 mars 1139 fulminée par Innocent II qui entre autres privilèges place l’Ordre des Templiers « sous la tutelle et la protection du siège apostolique ».  Cette bulle est importante car elle soustrait l’Ordre à toute autorité ecclésiastique, notamment celle de l’évêque mais aussi celle d’un prince, personne ne peut intervenir dans l’adoption d’une modification des statuts qui ne relèvent plus que de la responsabilité du maître du chapitre. La protection des papes continue : janvier 1144 la bulle « Militis Templi » fulminée par Célestin II accorde aux chapelains du Temple de célébrer la messe dans les paroisses frappées d’interdits… Celle d’avril 1145, fulminée par Eugène III  leur permet de construire leurs propres églises et, ainsi c’est tous les biens matériels des chevaliers mais aussi des sergents, écuyers, auxiliaires, paysans avec tous leurs biens  (mobilier, immobilier, domaine agricole, cheptel…) qui sont placés sous la protection du Saint-Siège.

Ce n’est pas le seul ordre à l’époque à bénéficier de tous ces privilèges. L’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, dont l’origine est l’hospitalité des pèlerins chrétiens devient aussi en 1182 un ordre militaire calquant en partie celui du Temple. D’ailleurs leur histoire va souvent se confondre…

Mais revenons à nos templiers. L’Ordre recrute considérablement et envoie les chevaliers qui doivent se battre dans des forteresses construites tout au long des routes des états latins d’Orient. Le commandeur de la terre de Jérusalem se voit assisté par le maréchal,  les écuyers et  également par des sergents et des frères « turcopoliers » qui sont des indigènes mais christianisés. Ces auxiliaires sont précieux, ils servent le plus souvent de guides, d’éclaireurs, d’espions aussi,  mais surtout ils sont très efficaces lors des combats. Les « turcopoles » sont aussi habiles à lever des troupes non permanentes à l’occasion d’une campagne…

Le Grand Maître des Templiers est le chef militaire, il a sa mission apostolique, il est propriétaire terrien…  C’est la raison pour laquelle il a créé des « commanderies états » dans toute l’Europe.

Effectivement l’Ordre était très riche. Surtout de propriétés foncières car chaque membre, qui avait fait vœu de pauvreté, faisait donation de ses biens. D’autre part, comme je vous l’ai dit, ils avaient la charge des pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte. Il était donc normal pour ce pèlerin de donner un pécule pour assurer cette sécurité et… de plus, comme les Templiers étaient des « marchands » expérimentés ils s’assuraient que le pèlerin laisserait à sa mort soit un pécule, soit tous ses biens au Temple.

La richesse venait également des exploitations agricoles des terres qui ne leur avaient rien coûté, il y avait aussi  les paysans attachés à une terre qui ne donnaient plus la redevance au seigneur, mais aux templiers. Ils gagnaient aussi de l’argent du transport de marchandises qui transitaient par leur flotte, où même par le paiement du transport des croisés qui préféraient gagner du temps en passant par la mer.

Durant plus d’un siècle les Templiers sont auréolés de gloire, toujours engagés, valeureux mais les résultats ne sont pas toujours fructueux. Au début cela n’a pas trop d’importance car les victoires sont assez faciles du fait que le monde musulman est toujours en proie à des luttes internes qui empêchent toute unité.

Ils accomplissent toutefois leur mission de protection des pèlerins ce qui fait leur réputation et entraîne de plus en plus de chrétiens à faire le voyage à Jérusalem.

Un autre événement va faire la réputation des Templiers : la 2ème croisade. Ils protègent le roi Louis VII d’une épopée qui a failli tourner mal. Des Turcs profitant de la désorganisation de la cohorte qui s’étire dangereusement, fondent sur les colonnes de croisés gagnées par la panique. La déroute semble inévitable mais… Le commandeur Evrard des Barres prend la direction des opérations. Tous les chevaliers francs sont placés sous sa responsabilité, se ressaisissent et parviennent ainsi tant bien que mal à rallier Antalya d’où ils embarqueront pour Antioche. Les Templiers ont fait la preuve de leur bravoure et de leur efficacité aux yeux de tous et… même aux yeux des musulmans qui  apprennent à les craindre et à les respecter. Mais Louis VII n’en reste pas là, si Edesse est perdue, il pense qu’il faut attaquer Damas. Contrairement aux objections de son sénéchal, le maître du Temple Robert de Craon soutient ce projet. Nur al-Din ne se laisse pas faire et lance son armée contre le siège entrepris par les Croisés et… les Templiers (juillet  1148). C’est la débandade, les croisés rembarquent pour l’Occident laissant Jérusalem, Antioche et Tripoli dans une  situation bien fragile.

En 1153 Baudouin III, menacé par les Fatimides d’Egypte, envisage d’attaquer Escalon. Les Templiers entrent les premiers dans la ville, ils sont mis hors de combat puis pendus aux murailles de la ville. Toutefois la ville tombera quelques jours plus tard renforçant le sud du royaume de Jérusalem.

Pour quelques années un statu quo politique et militaire permettra de renforcer les défenses des états latins d’Orient à laquelle les Templiers vont participer avec gloire et auréolé de leur « sacrifice » héroïque d’Escalon.

Des forteresses citadelles sont construites sur la route des pèlerins qui se rendent à Jérusalem…  L’argent est envoyé par les commanderies Occidentales qui ne sont pas moins que des monastères avec des  exploitations agricoles importantes. Mais en occident la paix n’y est pas non plus. Les commanderies, en plus des bâtiments conventuels  se fortifient (ceci n’est pas propre à l’ordre du Temple, les abbayes cisterciennes aussi sont souvent fortifiées). 

Bien sûr, une maison du Temple se distingue des autres c’est celle de Paris, c’est la « maison chèvetaine » de l’Ordre en France (même si la « maison mère » de l’Ordre se trouve à Jérusalem avec le Maître des Templiers et son sénéchal).  Construite aux abords de la place de Grève (aujourd’hui le parvis de l’Hôtel de Ville) les murs de clôture s’étendent par la suite vers le nord dans des terrains marécageux (quartier du Marais). Une église est édifiée,  les bâtiments conventuels, une maison pour le commandeur, un hôpital et une hôtellerie. Les frères disposent d’un potager et d’un cimetière… comme dans toutes les abbayes. En 1270 un donjon est construit puis remanié pour devenir l’imposante Grosse-Tour, haute de 40 m avec des tourelles. On dit que ce territoire est le plus sûr de Paris. Louis VII avait déjà confié le trésor aux frères du Temple, les autres rois feront de même par la suite.

Les templiers possédaient aussi des nefs importantes, parfois des galères. Pèlerins, chevaliers, vivres, matériel et argent étaient acheminé par l’Ordre en Palestine. C’était très intéressant car les Templiers obtenaient souvent l’exemption des droits de douane ou d’octroi. Cette activité rapportait effectivement de l’argent supplémentaire par rapport aux abbayes qui faisaient également fructifier leur domaine.

Il y en a une autre qui leur a donné aussi des revenus supplémentaires : les croisés, comme les pèlerins savaient qu’en partant plusieurs années la meilleure solution était de mettre leurs biens en dépôts dans une commanderie. Ainsi leurs biens seraient en sécurité. Les Templiers avaient la notion que ces dépôts constituaient un capital qu’il fallait gérer au mieux et… ainsi en récolter les intérêts. Ce sont ces « frais » de gestion qui ont fait croire que les Templiers s’étaient faits banquiers. Mais s’ils en retiraient des intérêts les biens étaient restitués…  Sauf quand même que les contrats étaient souvent  enregistrés en stipulant qu’en cas de mort du pèlerin ou du croisé, une partie, voire la totalité des biens déposés revenaient à l’Ordre.

Ils auraient aussi inventé les premières lettres de change.  Mais ils les ont seulement utilisés car il était de coutume qu’un pèlerin pouvait déposer dans une abbaye, et bien sûr une commanderie ses richesses contre un document dûment authentifié.

Banquiers ils l’étaient surtout pour prêter de l’argent… aux rois seulement. Louis VII en 1148, Jean sans Terre souvent, Philippe le Bel aussi, ou encore le roi d’Angleterre. En 1250 ils sont mis à contribution pour « solder » la rançon demandée pour la libération de Saint-Louis.

Oui les Templiers font preuve d’une intense activité financière que l’on peut comparer à celle des grands marchands Lombards, vénitiens ou génois. Ils avaient la structure pour cela, mais l’argent qui rentrait était aussitôt investi et leur richesse appartient donc en grande partie à la légende… sauf leur patrimoine foncier qui était considérable.

(Lors de leur arrestation en 1307 l’inventaire a établi clairement que les « pauvres chevaliers du Christ » vivaient effectivement chichement : il faut de l’argent pour faire la guerre !)

Les états latins d’Orient sont toujours très fragiles, en 1174 Saladin entre triomphalement dans Damas, il n’hésite pas à affronter les redoutables Templiers. En 1177 il pénètre dans le royaume de Jérusalem par la prise d’Escalon.  La bataille de Montgiscard glorifie les faits d’armes des Templiers… mais la réalité est toute différente. Les Templiers vont alors se faire bâtisseurs et ériger de solides forteresses dans lesquelles ils vont se retrancher. Ces travaux accaparent toutes les ressources des commanderies d’Europe. Château Pèlerin,  construit en 1217 sur son promontoire, est la plus vaste et solide des forteresses templières capable d’accueillir, comme son nom l’indique, plusieurs milliers de personnes, d’autant qu’elle est placée près d’une voie maritime pour le ravitaillement. Après la chute définitive d’Acre en 1291, Château-Pèlerin est abandonné.  (Le Krak des chevaliers  -Krak vient du mot arabe qui veut dire forteresse- est le plus monumental témoignage des croisés en terre sainte. Mais il n’était pas une forteresse templière mais a été confié aux Hospitaliers à partir de 1142).

Saladin poursuit toujours ses assauts, les Templiers sont toujours en première ligne, des grands maîtres meurent au combats. Le 4 juillet 1187  Saladin engage une bataille à Hattin contre les Templiers et Hospitaliers en tête  mais leur bravoure n’empêche pas le reste de l’armée de battre en retraite. Il faut se résoudre à la reddition, Adieu Jérusalem, les reliques de la vraie croix sont aux mains de Saladin, Acre, Césarée et Jaffa tombent à leur tour…

Les croisés conservent le littoral, en 1191 Richard Cœur de Lyon arrive d’Angleterre mais, à la surprise de ses barons il renonce. Il ne verra jamais Jérusalem car s’il pense pouvoir la reprendre, il lui sera impossible de la conserver. Il négocie un statut quo avec Saladin : seule les villes d’Acre, Césarée, Tyr et Jaffa reviennent aux croisés. Les Etats Latins d’Orient n’existent plus, la présence chrétienne en Terre Sainte est réduite à la portion congrue.

Les Templiers restent. Ils s’installent à Acre. De ce port ils espèrent reprendre un jour Jérusalem.

1217 une nouvelle croisade (5ème) est prêchée par Innocent III. L’objectif est de prendre Damiette. Quand Damiette est enfin conquise en novembre 1219, la croisade s’embourbe dans des négociations qui aboutissent à la restitution de la ville sans aucune contrepartie.

Frédéric II débarque lui en 1228. Ses démêlés avec le Pape le rendent suspects aux yeux des Templiers, mais qui doivent lui obéir, le 18 février 1129 Bethléem, Nazareth et Jérusalem reviennent aux Chrétiens grâce à l’amitié entre Frédéric II et le sultan Malik al-Kamel (« le Parfait »).

L’entente est impossible entre les Templiers qui ne peuvent prêter leur concours à un empereur « traite à Rome et à la foi », de plus Frédéric II ne veut pas leur restituer leur quartier général et… ultime point de désaccord, un nouvel ordre militaire rival est créé, Les Chevaliers Teutoniques, tous barons germaniques et s’ils sont dévoués à Dieu, ils le sont aussi à l’Empereur !

En 1244 Jérusalem minée par le désordre tombe facilement aux mains des musulmans. Les Templiers sont pourtant encore une fois aux premiers rangs : seuls 36 (sur 348) frères du Temple survivent à l’assaut.

Le futur Saint Louis répond aux exhortations du pape Innocent IV et débarque le 6 juin 1249 à Damiette dont il s’empare sans difficulté, marche vers le Caire, attaque la forteresse de Mansourah… Nouvelle déroute des croisés. Louis IX est contraint de se replier sur Damiette qui sera assiégée peu après, le roi est obligé de se constituer prisonnier et ne sera libéré qu’après paiement d’une énorme rançon de 500 000 livres en partie payée par les Templiers. Lorsqu’en 1254 Louis IX s’en retourne il laisse derrière lui de bien fragiles Etats Latins en Orient.

L’estocade est portée en 1265 par le sultan Baybars qui lance sont armée à l’assaut des forteresses franques : Césarée, Haïfa, Safed, Beaufort et Jaffa tombent entre ses mains, puis vient le tour d’Antioche, de la citadelle de Roche-Loisel. En 1271 c’est lui aussi qui s’empare du Krak des chevaliers défendu par les Hospitaliers.

A la mort du sultan Baybars, en 1277, le Mamelouk Qalaoum termine la conquête musulmane en pénétrant à Tripoli (1289). Les Francs ne possèdent plus que le château de Tortose, Beyrouth, Tyr et Sidon et le Château-Pèlerin toujours défendu par les templiers. Nicolas IV prêche une nouvelle croisade mais ses incitations restent sans réponse.

En 1291 le fils de Qalaoum, Al-Ashraf Khali met le siège devant Acre défendue par 15 000 hommes et, si les chroniqueurs relatent l’héroïsme certain des  trois cent cinquante Templiers qui se sont battus avec héroïsme, le 18 mai, il ne reste qu’une poignée de frères Templiers aux côtés du maréchal Pierre de Sevry lorsque les défenseurs d’Acre se rendent le 18 mai (Guillaume de Baujeu, maître de l’ordre est mort dans la bataille et Pierre de Sevry est décapité après avoir rendu les armes).

Les derniers Templiers des forteresses de Tortose et de Château-Pèlerin sont évacuées en août 1291, ils font voile vers l’île de Chypre laissant derrière eux le souvenir d’un royaume définitivement perdu.

Les Templiers croient qu’il y a un espoir de reconquérir un jour Jérusalem. Ils s’installent dans la maison de Chypre et à la mort de Thibaud Gaudin (1292) élu à la suite de Guillaume de Baujeu, c’est Jacques de Molay qui est nommé Grand Maître de l’Ordre.

Jacques de Molay est tout d’abord préoccupé de défendre l’île, puis commence un long voyage de trois ans en Europe pour plaider la cause de son ordre en Terre Sainte. Le Pape, les souverains l’écoutent d’une oreille attentive et bienveillante mais il est trop tard, Jérusalem est un rêve auquel seul les membres du Temple semblent encore croire…

En effet, il tente de rallier les Mongols aux Européens, car ils sont les ennemis farouches des Mammelouks… Jamais les Mongols ne répondront aux propositions des chrétiens. Jacques de Molay n’est plus que le Grand Maître d’un ordre dont la raison d’être a disparu.

De son côté Nicolas IV, après la chute de d’Acre en 1291 réfléchissait comment fusionner les ordres templiers et hospitaliers. Cette question reste en suspend à sa mort, le pape suivant Célestin V démissionne, et c’est Boniface VIII qui doit décider de l’avenir des ordres militaires.

Boniface VIII et le nouveau roi de France Philippe le Bel engagent un redoutable bras de fer qui tournera à un affrontement tragique.

Philippe IV le Bel est agacé de voir l’Eglise jouir d’une liberté qui échappe à son contrôle, et surtout… à l’impôt à une époque où les finances de la France sont dans le rouge… Il décide donc d’instituer un nouvel impôt, la décime, qui frapperait les biens de l’Eglise. Le pape excommunie le Roi de France qui se résigne jusqu’en 1301. Là il livre à la justice l’évêque de Pamiers, Bernard Saisset qui a ouvertement critiqué la couronne. Le pape réaffirme donc, solennellement, la toute-puissance pontificale sur les princes. Philippe le Bel contre-attaque en doutant de sa légitimité et même en le traitant… d’hérétique et de sorcellerie et, de plus l’accuse d’avoir fait assassiner son prédécesseur.

La querelle prend un tour tragique lorsque le principal conseiller de Philippe IV, Guillaume de Nogaret, rencontre le Pape dans sa résidence d’Anagni. L’entrevue aurait été houleuse et le pape aurait reçu des coups qui auraient entraîné sa mort quelques jours plus tard.

Avec Clément V, les choses ne se passeront pas mieux… Les soucis financiers du royaume sont importants, malgré sa redoutable administration, Philippe IV n’arrive pas à faire entrer l’argent dans les caisses de l’Etat (pression fiscale, dévaluation, appel aux prêteurs, tentative de confiscation des avoirs des banquiers –Lombards, Juifs-… il se fera même faux monnayeur !).

Quelle est l’attitude de Philippe IV vis-à-vis des Templiers ?

En désespoir de la gravité de la situation se tournerait-il vers l’ordre du Temple bien connu pour sa gestion rigoureuse de ses biens propres pour obtenir un prêt que l’ordre refuserait cette fois-ci ?  (Il s’était déjà fait prêter de l’argent par l’ordre). 

Comme pour les Lombards et les Juifs envisage-t-il de les spolier et de les expulser ? C’est probable mais… l’ordre du Temple relève de l’autorité pontificale et non de la sienne.

Peut-on donc penser qu’il puisse instrumentaliser les Templiers pour gagner le bras de fer engagé avec le pape et rejeter de la présence dans son royaume d’un ordre qui semble « un Etat dans l’Etat » ?

Que de mieux que les rumeurs ?

Les Templiers ont perdu de leur superbe chevaleresque…, c’est de leur faute si on a perdu les états Latins d’Orient car ils sont âpre au gain… Guillaume de Nogaret est à la manœuvre. Il fait circuler ce genre de bruits, les amplifient… s’ingénue à dresser un portrait peu flatteur de l’ordre auprès du pape… jusqu’à ce que celui-ci se décide enfin à ouvrir, le 24 août 1307,  une enquête, qu’il pense disculpera les Templier. Tout va aller très vite maintenant !

En effet, l’enquête pontificale risque de ruiner les projets de Philippe le Bel, Guillaume de Nogaret agit très vite, il donne l’ordre de faire arrêter, partout dans le royaume tous les frères de l’ordre. Mais il stipule que cette arrestation doit se faire le plus discrètement possible et le même jour. C’est le vendre 13 octobre 1307 que tous les Templiers sont arrêtés et mis au cachot.

Ce coup de force est illégal car l’ordre dépend du pape et non de l’autorité royale, sauf… en cas d’hérésie.

L’Inquisiteur de France n’est-il pas le confesseur de Philippe le Bel ?

Les accusations tombent vite, il faut obtenir très rapidement des aveux. Il est urgent d’abattre un ordre religieux dont les commanderies sont des repaires d’hérésie. La torture est employée, des aveux tombent vite. Même Jacques de Molay reconnaît que des « rites contre nature » ont bien lieu dans les cérémonies de l’ordre et même que les chevaliers lors des cérémonies de réception sont invités à renier le Christ.  Hérésie et Blasphème sont démontrés. Le roi peut exiger le procès confié à l’Inquisition sans que le pape puisse en empêcher le déroulement.

Clément V met tout en œuvre pour ne pas perdre la face : le véritable enjeu est son pouvoir sur le roi, et puis sûrement qu’il veut éviter le pire aux Templiers. Il envoi des légats, tous les Templiers reviennent sur leurs aveux. Le combat au sommet est ouvert. Philippe le Bel va faire convoquer en urgence un concile  provincial pour y entendre 54 templiers choisis parmi ceux qui avaient avoués sous la torture puis défendus l’ordre devant les légats. Cette contradiction suffit à les faire condamner au bûcher dressé aussitôt près de la porte Saint-Antoine. Tous les autres Templiers choisissent alors la prudence.

Clément V est pris au piège par Philippe IV.

On a retrouvé, en 2001, dans des archives secrètes du Vatican, un document appelé « le parchemin de Chinon » qui nous confirme que Clément V avait bel et bien accordé son pardon au maître de l’Ordre et à ses principaux dignitaires. Il les avait absous des pêchés qu’ils avaient avoués sous la torture et avaient été réintégrés dans la communauté de l’église. Mais il y avait en parallèle un travail de réforme de l’Ordre qui devait être fusionnée avec celui des Hospitaliers.

Le sort en était jeté, Clément V convoque le concile à Vienne qui doit clore l’affaire et procéder à l’examen des différentes enquêtes. Tous les prélats sont convaincus de l’innocence des Templiers mais Clément VI préfère les sacrifier plutôt que de raviver le conflit avec le roi. Le 22 mars 1312 il fulmine « Vox in excelo »  qui proclame « l’interdiction perpétuelle du Temple ». Cette bulle condamne administrativement l’ordre, mais ne donne pas de sentence pour les Templiers.

Tous ceux qui ont reconnu leurs fautes (sous la torture) reçoivent l’absolution pontificale et doivent se retirer dans une communauté religieuse avec une rente parfois confortable. Les relaps (ceux qui ont avoués, puis rétractés) et aussi ceux qui n’ont jamais rien avoués sont condamnés à des peines de prison. Curieuse peine : ceux qui ont résisté à la torture et persévéré dans la droiture de leur foi ainsi qu’à leur fidélité à l’Ordre sont plus punis. Là aussi, il n’y a pas de quoi fouetter un chat puisqu’à cette date la plupart des Templiers sont morts sous la torture où à la suite des mauvais traitements subis dans les cachots.

Que devient la fortune des Templiers ? Contrairement à ce que l’on croit, Philippe IV n’a pas souhaité conserver les biens de l’Ordre et Clément V décide de les mettre entre les mains des Hospitaliers.

Tout ça pour rien ? Non pas tout à fait, l’église doit remettre la somme de 200 000 livres en dédommagement pour les frais de captivité et il a obtenu du pape ce qu’il espérait depuis longtemps, toutefois contre la promesse de partir en croisade, promesse qu’il ne tiendra jamais : l’autorisation de percevoir 10 % sur les revenus des biens de l’Eglise pour une durée de 10 ans.

2 ans après le concile de Vienne, le sort de Jacques de Molay et de trois autres dignitaires n’est pas fixé. Les accusations d’hérésie ne tiennent plus du fait qu’ils sont revenus sur leurs aveux, ils seront donc enfermés à vie mais ils se défendent en disant que leurs aveux avaient été extorqués par la torture, dénoncent la machination et clament l’innocence des Templiers. Dès le lendemain l’Eglise les abandonnent et la sentence immédiatement prononcée. C’est le bûcher.

C’est sur l’île aux juifs, à côté du pont neuf que Jacques de Molay est le premier supplicié. Il a du courage mais… a-t-il prononcé la phrase jetant la malédiction jetée au roi et au pape ? La légende est trop belle, alors nous allons la conserver !  « Pape Clément, juge inique et cruel bourreau, chevalier Guillaume de Nogaret, roi Philippe, avant un an je vous ajourne à comparaître au tribunal de Dieu. Soyez maudits, vous et votre descendance ». Cette phrase a fait couler beaucoup d’encre mais une certitude : personne ne l’a jamais entendue et… comment aurait-elle pu l’être puisque Guillaume de Nogaret était déjà mort !  Surtout que ceux qui sont certains de savoir cette phrase réelle, rajoutent « avant quarante jours »… Ah la certitude de l’ignorance !

Voilà l’histoire des Templiers, des hommes valeureux qui ont pendant deux siècles protégé la Terre Sainte dont leur épopée a pris brutalement fin dans la machination d’un complot dont ils n’ont pas su comprendre les rouages…

 
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