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Jean GIONO Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Jeudi nous nous sommes retrouvés à parler de Jean Giono....

Jean Giono est né le 30 mars 1895 à Manosque, au cœur de la Provence dans laquelle il « embossera » son oeuvre ! Il est fils unique.

Sa mère est d’origine provençale, son père lui est d’origine italienne. Anarchiste il passait beaucoup de temps à lire la Bible.  Ils sont tous deux d’origine modeste : son père Jean-Antoine est cordonnier et sa mère, Pauline Pourcin est repasseuse. C’est elle qui gère le budget de la famille. On retrouve dans l’œuvre de « Jean le Bleu » l’évocation de ses parents…

De 1900 à 1910 Jean Giono suit ses études à Manosque et en 1911 il quitte le lycée (il est en seconde) pour aider financièrement ses parents à cause de la mauvaise santé de son père. Il devient employé de banque.

Enfant, Giono lit beaucoup. Particulièrement des livres très « économiques »  (de la collection Classique Garnier). Il se passionne très vite pour des auteurs grecs notamment Homère, mais  aussi pour Virgile. Il s’instruit en « autodidacte » pour assouvir sa soif de savoir.

Lorsque la guerre éclate en 1914 il a 19 ans et est élève aspirant dans la Drôme à Montségur. Il est incorporé à Briançon puis est envoyé au front à Verdun, au Mont Kemmel (Belgique). Il participe à la bataille du Chemin des Dames. Son meilleur ami et beaucoup de ses copains sont tués. Cette expérience de la guerre, au cœur des batailles les plus terribles, va le traumatiser toute sa vie. Il est gazé légèrement aux yeux.

Il va rester choqué par cette horreur, ces massacres, cette barbarie et ces atrocités de cet enfer dans lequel il a vécu : il devient un pacifiste convaincu.

De retour de la guerre, en 1919, il retourne à Manosque, reprend son emploi à la Banque. Son père meurt en avril 1920. En juin il épouse Elise Maurin.

Il écrit. Il écrit beaucoup. En 1923 il travaille à un roman : Angélique qui se situe à l’époque médiévale. Ce roman restera inachevé mais il commence à publier des poèmes dans une revue de Marseille : La Criée.

Il se lie d’amitié avec Lucien Jacques qui va l’aider à publier un recueil de poèmes au Cahiers de l’artisan : Accompagnés de la flûte. Il fait aussi paraître des nouvelles et des textes dans plusieurs revues : Les Larmes de Byblis, le Voyageur Immobile….

En 1926 il a une fille : Aline.

En 1927 il termine Naissance de l’Odyssée, un roman qui revisite le mythe grec avec une certaine impertinence : Giono y évoque un Ulysse craintif et volage qui a inventé l’Odyssé pour dissimuler un beau mensonge. C’est peut-être l’occasion pour lui d’évoquer la misanthropie et les vertus du retour à la terre.

Il y donne aussi sa vision du rôle de la littérature qui serait, selon lui, un joli mensonge.

Naissance de l’Odyssée, est refusé par Grasset qui le qualifie de jeu littéraire, mais revu par Grasset ne sera publié qu’en 1930.

La banque dans laquelle il travaillait subit une liquidation en 1929, son passe-temps qui était l’écriture lui prenait de plus en plus de temps, aussi il décide d’arrêter toute activité professionnelle et il se consacre exclusivement à elle. Sans salaire, il va écrire et ne plus faire que cela… Plus tard il dira « Je paierais pour écrire… ».

Cette même année il publie, en mars, chez Grasset Colline. Ce livre connaît un grand succès autant auprès du public que chez les critiques. Il reçoit pour cette œuvre le prix américain Brentano.

André Gide enthousiasmé par ce livre lui rend visite à Manosque.

Encouragé Giono publie en 1930 Un de Beaumugnes et Regain (Colline, Un de Beaumugnes et Regain formeront la trilogie de Pan qui fait découvrir un Giono attaché à la nature et qui prône une harmonie avec elle… image qu’il va renforcer à travers de nombreuses oeuvres).

Dans Un de Beaumugnes, Giono instaure la technique de la narration à la première personne par un témoin de l’action. Regain reçoit le prix Northcliffe.

Giono continue ses explorations : toujours les livres bien entendus, Hugo Stendhal, contes persans, Wilde, Whitman, Dostoïevski… mais aussi la peinture : Bruegel et surtout… la musique, Mozart, Chopin, Liszt et Bach.

Il achète une maison : La maison du Paraïs. Une petite maison qu’il va arranger au cours de sa vie et dans laquelle il habitera jusqu’à sa mort.

En 1930 les évènements le poussent à s’engager politiquement : il adhère à l’Assocation des Ecrivains et des Artistes Révolutionnaires… mais il va s’en dégager assez rapidement. Il collabore également au journal Vendredi : bien qu’homme de gauche, à tendance libertaire, voire anarchisante, Giono reste avant tout pacifiste. L’évolution des communistes en faveur du réarmement le rebute… En 1935 il s’en éloigne totalement.

Solitude de la pitié paraît cette même année. C’est le premier des recueils de récits et essais brefs, déjà parus en revue, qui paraît sous sa signature, d’autres seront publiés  au long de sa carrière.

En 1931 il publie le Grand Troupeau : il y aborde la guerre de 1914 et y dénonce les massacres dont elle était la cause.. Il publie aussi Serpent d’étoiles. Il signe deux contrats d’édition avec Grasset et Gallimard et par la suite donnera alternativement ses romans à l’un ou l’autre.

En 1932 il reçoit la Légion d’Honneur…. Il publie aussi Jean le Bleu, récit autobiographique dans lequel il témoigne une admiration pour son père mais le romanesque et l’invention sont mêlés à l’histoire vraie.  Le chant du monde le ramène au roman pur, roman d’aventure, roman épique… dans lequel les éléments naturels ont une grande place (le fleuve, la faune).

1934 : Pagnol adapte et met en scène Un de Beaumugnes, sous le titre d’Angèle et Jofroi de la Maussan sous le titre de Jofroi.

Naissance de Sylvie.

En 1935 il publie Que ma joie demeure qui connaît un grand succès, plus particulièrement auprès des jeunes qui y trouvent une réponse aux inquiétudes de l’époque..  C’est une étape marquante dans le cheminement de Giono : le bonheur, la vie communautaire heureuse se heurtent ici aux désirs de l’homme, à ses passions. Le pessimisme fait son entrée dans l’œuvre.

A l’occasion d’une randonnée dans la Montagne de Lure, qui dure une quinzaine de jours accompagné d’une quinzaine de jeunes gens, subjugués par les lieux, il devient le maître à penser d’une génération : vie humble, discussions, lectures, souffle de liberté. Il deviendra l’animateur de ces séjours réguliers : les Rencontres de Contadour. En 1936 il publie les Vraies Richesses, qui est un prolongement de Que ma joie demeure, dans lequel il dénonce l’urbanisation et la société industrielle capitaliste et qui est dédié à ceux de Contadour.

Les prémices de la guerre se manifestent. Jean Giono écrit des suppliques : Refus d’obéissance, Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, Précisions, Recherche de la pureté.. La déclaration de guerre interrompt la neuvième rencontre de Contadour.

Le groupe attendait la réaction de Giono. Homme libre, il ne voulait pas être directeur  de conscience : « Marchez seul, que votre clarté vous suffise » c’est ainsi qu’il a manifesté sa réaction à ses « disciples ».  

Giono se rend à l’appel et rejoint le centre de mobilisation de Digne. A cause de son engagement pacifiste et refusant d’obéir en cas de conflit il est arrêté le 14 septembre 1939 et détenu pendant 2 mois avant de bénéficier d’un non lieu, grâce à l’intervention d’André Gide, et libéré de ses obligations militaires.

Il a souligné que sa position était personnelle, qu’il n’appelait personne à l’imiter.

A sa sortie de prison il finit la traduction de Moby Dick, d’Herman Melville qu’il avait entamée avec Lucien Jacques et Joan Smith et qui avait commencé à paraître dans les Cahiers du Contadour. Il écrit aussi « Pour Saluer Melville », une biographie largement imaginaire de l’auteur américain.

Les livres se vendent mal et les revenus s’en ressentent.

On va reprocher pas mal de chose à Giono : la publication de Deux Cavaliers de l’orage et La Gerbe. Mais aussi la Description de Marseille le 16 octobre 1939 dans La nouvelle revue française de Drieu Larochelle et surtout un reportage photographique sur lui dans Signal qui était une édition française d’un périodique Allemand.

On lui reproche aussi une certaine proximité d’idée avec le régime de Vichy : retour à la terre, à l’artisanat. Des idées que Giono prône depuis de nombreuses années sans que l’on puisse y tirer des conclusions politiques semblables à celles de Vichy…

Les idées de Giono se trouvent  à nouveau imprimées en 1941 dans Triomphe de la vie.

Par contre on ne parle pas trop du fait qu’il a hébergé des réfractaires, des Juifs, des communistes… On ne parle pas trop de l’esprit de résistance qui inspire sa pièce : Le voyage en calèche, interdite par la censure allemande.

En 1943 il publie L’eau vive, du théâtre et écrit Fragments d’un paradis.

Ses idées d’  « anarchiste-paysan » ne plaisent pas aux autorités successives, Giono se retrouve de nouveau en prison à la Libération. Les charges qui pèsent contre lui sont toutefois très faibles, il ne sera pas jugé et il est libéré au bout de 5 mois.

Giono évoquera cette expérience en faisant l’éloge de la réclusion : « j’aime les prisons, les couvents, les déserts… ».

Une autre injustice lui est également servie : il sera mis sur la liste noire du comité national des écrivains. Ce qui l’interdit pendant plusieurs années de publier.

Au sortir de la guerre, Giono est désabusé, blessé, son œuvre va refléter les changements provoqués par cette période trouble.  Il trouve un second souffle et une nouvelle inspiration en abandonnant les récits allégoriques et lyriques : la nature sera reléguée au second plan et ses héros vont s’opposer à la médiocrité générale par leur courage.

Il s’enferme dans le silence et… le travail, il se consacre tout entier à l’écriture.

De 1945 à 1951 il écrit huit romans et des récits.

Sa mère meurt en 1946.

Il découvre la littérature américaine : Hemingway, Steinbeck, Dos Passos et surtout Faulkner.

Angélo, qui ne sera publié qu’en 1948, inaugure le cycle du hussard. Mort d’un personnage suit et Le hussard sur le toit (publié en 1951).

Parallèlement à ces œuvres, il inaugure ce qu’il appellera les Chroniques. C’est un ensemble plus ou moins homogène et délimité qui commence par Un roi sans divertissement (1946), puis vient Noé, un roman sur l’écrivain où Giono s’exprime à la première personne. Les âmes fortes, Le moulin de Pologne, Les grands chemins sont des chroniques écrites sur des modes narratifs variées, plus courtes que les romans d’avant-guerre qui à l’origine étaient pensées comme une série plus ou moins homogène.

Si le cycle du hussard possède une unité centrée autour du personnage d’Angélo, les autres titres sont tout à fait indépendants des autres.

Avec le succès de ses livres, en particulier du Hussard sur le toit, qui sera même adapté en long métrage, Giono retrouve sa place qui est la sienne : celle d’un des plus grands écrivains français du XXe siècle, … et surtout ces succès mettent fin à l’ostracisme dont il est victime depuis la fin de la guerre par rapport au monde littéraire français.

Giono désormais va se consacrer uniquement à l’écriture qui va prendre des formes de plus en plus variées… il donne des textes pour des journaux et des revues (dont certains seront par la suite réunis en volumes : Les terrasses de l’île d’Elbe, Les trois arbres de Palzem, Les Héraclides, La chasse au bonheur).

Lui, qu’on a surnommé, « L’immobile voyageur » va voyager : en Italie, le pays de ses origines en Ecosse, en Espagne. En 1953 sont publiés Voyage en Italie et Le Moulin de Pologne. Il reçoit le Grand prix littéraire de Monaco.

En 1954 il assiste au procès du paysan accusé du meurtre de trois touristes anglais. Il va d’abord publier ses notes d’audiences dans la revue Arts et ensuite à la demande de Gallimard il les réunit en volume accompagnées d’un essai : Notes sur l’affaire Dominici suivies de Essai sur le caractère des personnages.

Il est élu à l’Académie Goncourt

Il écrit à nouveau pour le théâtre : Joseph à Dothan et Domitien drame qu’il écrit en 1957. Il travaille également à une adaptation du Chant du monde qui restera inachevée : Le cheval fou.

Il va essayer un nouveau domaine : l’histoire. Le désastre de Pavie traite de la bataille de Pavie et de la captivité de François 1er. Mais Giono n’est pas historien et le style du romancier reste présent dans cet ouvrage un peu particulier de son œuvre.

Il continue d’écrire des romans et des textes de fictions. Entre 1953 et 1957 il écrit le dernier volume du cycle du hussard : Le bonheur fou. C’est un roman historique, certes, mais d’une histoire avec laquelle Giono prend des libertés.

Il retrouve la fiction pure pour L’homme qui plantait des arbres, Les récits de la demi-brigade, Ennemonde et autres caractères, Le déserteur.

En 1960 il écrit le scénario et met en scène le film Crésus avec Fernandel.

1961 il préside le jury du Festival de Cannes. Son grand ami Lucien Jacques meurt.

En 1962 il subit son premier accident cardiaque.

Il fait paraître régulièrement des chroniques dans des quotidiens de province (Dauphiné libéré et Nice-Matin).

En 1965 il met en œuvre Dragoon, en 1967 Olympe. Il n’achève pas ces deux textes.

Il écrit le scénario et les dialogues du film Un roi sans divertissement.

L’iris de Suse est sa dernière œuvre.

Ces dernières années, son travail est ralenti par des faiblesses cardiaques. Il doit se ménager, renoncer à la pipe, aux déplacements.

Le Cœur Cerf, recueil de poèmes écrits entre 1944 et 1947 est publié en 1969.

En 1970 ses forces diminuent, il est opéré d’une embolie artérielle.

Dans la nuit du 8 au 9 octobre 1970 Giono meurt d’une crise cardiaque.

En 1977 est publié Faust au Village œuvre posthume.

 

Dans notre paysage littéraire il a une place dominante et… pourtant à part.

Aucun prix littéraire ne lui a jamais été décerné, il a assez peu de relations littéraires, il déteste les grandes villes surtout Paris.

On peut dire qu’il est resté à l’écart des courants, on peut dire même qu’il a été à contre-courant. Il est inclassable : on l’a pris pour un paysan, pour un écrivain régionaliste, pour une sorte de félibre, … il ne parlait pas le provençal et avait horreur de Mistral !

Il écrit sur les paysans en symbiose avec la nature où ils vivent. C’est son observation aiguë et son sens du dialogue qui lui permettent de faire croire à la réalité de l’univers qu’il décrit alors que ses personnages…. Sont tout de pièces inventées !

Il a toujours aimé inventer des histoires….

Si on a compris son combat pacifiste, on voit aussi qu’il a combattu la civilisation technique moderne et qu’il est précurseur de…  l’écologie.

Son œuvre ne connaît pas cette retombée de célébrité qui suit souvent la mort d’un auteur…. Il a été un écrivain « créateur de mondes ».

Il a mis en poème la paysannerie.

Jean Giono  « est solidement installé dans les sommets de notre littérature » !

Il doit tout à son fonds de culture personnelle… à la contemplation d’un paysage qui va de la Durance  aux plateaux « crépitants de soleil et de solitude »  mais peut-être aussi à la connaissance d’une humanité… attachée à cette terre.

 

 

 

Embosser : Amarrer un vaisseau de l'avant et de l'arrière, pour le fixer contre le vent ou le courant.

Misanthrope :   Qui n’aime pas le genre humain, sauvage, bourru.

Ostracisme :  Exclusion, mise à l’écart en parlant d’un groupe à l’égard d’une personne.

 
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