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07.06.2016 - De Vitebsk !

Chagall

La Culturothèque - 07 juin 2016 - Michèle

 

 Présentation et commentaires d'une trentaine d'oeuvres de Chagall...

Chagall est né en Biélorussie actuelle, le 07 juillet 1887. Le jour de sa naissance le feu ravage le quartier juif de Vitebsk. C’est dans une de ces petites maisons que Moishe Zakharovitch Shagalov  voit le jour, il est l’aîné de 9 enfants. Son père est un juif hassidique qui appartient à un mouvement religieux orthodoxe très pieux et qui est répandu dans l’Europe de l’Est. Ses parents, Zakhar et FeïgaIta sont illettrés mais le  le Tsar Alexandre II a œuvré pour que les enfants juifs puissent aller dans les écoles impériales.

Chagall est timide et toujours en retrait. Il bégaye. Son enfance se déroule entre les fêtes religieuses, le travail à la campagne et sa maison dans le quartier juif. Son père travaille dans un dépôt de harengs et à la synagogue,  sa maman tient une épicerie familiale. L’été, Chagall passe beaucoup de temps chez son grand-père qui est boucher-scarificateur. Il a du mal à effacer de sa mémoire ces moments où, terrifié, il assiste à la mise à mort des animaux !

A l’école il rencontre d’autres enfants que ceux qu’il côtoie dans le quartier juif. Il découvre d’autre univers et rencontre son ami Ossip Zadkine qui deviendra aussi un artiste (peintre, sculpteur)… Ils  rêvent beaucoup, mais très tôt Chagall se passionne pour le dessin. L’idée de peindre est totalement étrangère à la communauté de Vitebsk, mais sa mère l’inscrit dans une école d’Art suite à sa demande.

En 1906 (19 ans), en plein hiver, Chagall quitte sa ville natale pour Saint Pétesbourg. Il doit obtenir, en tant que juif, un permis de séjour (qui n’est obligatoire que pour les juifs de condition modeste). Il fait des petits boulots pour survivre mais suit des cours d’art et apprend aussi le violon et le chant. Il a la chance d’avoir été pris en charge par l’avocat et mécène Goldberg qui le fait rentrer à l’école fondée par la Société Impériale pour la protection des beaux-arts qui, à l’époque, était dirigée par Nicolas Roerich, qui cautionne la couleur comme élément de composition à part entière (fauvisme ?). En 1910 Chagall peut exposer ses œuvres, avec ses camarades des beaux-arts dans une exposition collective organisée par l’école. Il reçoit tout de suite un accueil favorable sur son travail.

En 1909 il avait rencontré l’amour de sa vie : Bella Rosenfeld, fille d’un riche banquier. « C’est comme si elle me connaissait depuis longtemps, comme si elle savait tout de mon enfance, de mon présent, de mon avenir, comme si elle veillait sur moi, me devinant du plus près, bien que c’était elle ma femme ». (Extrait de son livre « Ma vie », 1923).

Chagall prend de l’assurance et on verra que ses compositions sont de plus en plus rigoureuses. Il obtient une bourse octroyée par un député de la Douma, Maxime Vinaver, qui lui permet d’aller à Paris (1911). A cette époque les peintres russes sont accueillis chaleureusement. Il s’installe à Montmartre, à la Ruche. Il y découvre les œuvres du Louvre, mais aussi quelques peintres de l’époque : Van Gogh, Matisse, Renoir, Manet et surtout les peintres du cubisme et aussi du « futurisme ». Il dira « qu’il a apporté ses objets de Russie et que Paris leur a donné sa lumière ». Mais Chagall sera toujours attaché à la Russie, son pays.

Il peint toujours les images de son enfance : les vaches, les taureaux, les ânes, les chèvres et les chevaux. Il expose au salon des indépendants de 1912 à 1914. Il ne vend presque rien, malgré un succès consacrant sa créativité foisonnante. C’est à cette époque qu’il rencontre des poètes ou écrivains comme Blaise Cendrars, Max Jacob, André Salmon, Robert Delaunay et aussi Apollinaire. Le langage poétique de ses œuvres le pousse à traduire des visions intériorisées qu’il puise surtout dans ses souvenirs, ses pensées, ses émotions. Explosions de matières et de couleurs on voit qu’il prend du plaisir à peindre. Ses sujets récurrents sont les bouquets de fleurs et le soleil qui sont les symboles de la vie et de l’amour.

En 1914 il se rend à Berlin à la demande d’un marchand, Walden,  qui organise une exposition de ses œuvres sur toile (40 œuvres) et sur papier (160). A la suite de l’exposition Chagall retourne à Vitebsk. Il retrouve sa famille et surtout Bella qui ne l’avait pas suivie en France. Ils se marient en 1915 et l’année suivante ils ont une petite fille, Ida. Chagall  est heureux de retrouver les images de son enfance. Il peint, il peint de nombreux auto-portraits, des portraits de sa famille et aussi de poignants et monumentaux portraits de juifs.

Chagall est dévasté psychologiquement par la guerre. Il va assister, effaré, aux atrocités de la révolution russe, de la première à la seconde guerre mondiale.

Il  est employé dans un bureau à Petrograd, emploi trouvé par son beau-frère Jacob Rosenfeld,  mais retourne le plus possible à Vitebsk où il aime peindre et va chercher à s’y installer professionnellement. La révolution va lui donner la nationalité Russe et il est sollicité pour un poste officiel à Petrograd mais  il va se faire nommer commissaire au Beaux Arts et va créer à Vitebsk une académie et un musée. Chagall veut « faire descendre l’art dans la rue ». Il fait peindre de grandes banderoles qui représentent des animaux peints pour décorer la ville, ce qui sera considéré comme farfelu. L’école pourtant obtient un grand succès, jusqu’à 900 élèves.  Elle  va accueillir un peintre, Kasimir Malevitch, maître du suprématisme  qui s’empare de l’Académie. Chagall démissionne. Son talent est reconnu et il est très présent lors de la Première exposition officielle d’art révolutionnaire à Petrograd où l’état lui achète 12 œuvres.

En 1920 il va à Moscou : il a reçu ses premières commandes de décor de théâtre, il en réalise 9 colossaux  panneaux pour le théâtre d’art juif Kamerny, il a 33 ans, il est à son apogée artistique. Il réalise des décors mais aussi des costumes, des plafonds, des rideaux !  Mais, un an plus tard il se fâche avec le directeur, il  cesse son activité considérant qu’il n’a pas de liberté. Il va enseigner l’art à des orphelins avant de quitter la Russie pour Berlin.

Chagall a de nombreux admirateurs, notamment son ami Blaise Cendrars et aussi Ambroise Vollard, le célèbre marchand de tableau et mécène de la plupart des grands artistes peintres que nous connaissons. Vollard va lui proposer en 1923, de faire des illustrations de livres. Il va en premier lieu illustrer « Les âmes mortes » de Gogol. Chagall aime le monde de la littérature et aime s’entourer de poètes et d’écrivains (Aragon, Eluard, Apollinaire…). Chagall écrit lui aussi des poèmes. Un recueil de ses poèmes est réalisé entre 1930 et 1935 : « La nuit, il vole un ange dans le ciel/Un éclair blanc sur les toits/Il me prédit une longue, longue route/Il lancera mon nom au-dessus des maisons » (Extrait de « Comme un barbare », Poèmes).

Chagall est heureux à Paris. Il s’y sent libre. Il arrête de bagayer « J’avais besoin de Paris comme un arbre a besoin d’eau ». A Paris il y cherche le bleu. Toute la famille fait le tour de la France. Il y retrouve à la campagne les habitants qui ont peuplé son enfance : les paysans, les animaux de la ferme…

Il propose à Vollard une autre illustration. Il veut illustrer les fables de La Fontaine. Il y crée un monde fantastique en oubliant complètement le côté moral des fables.

Marc Chagall aime le cirque. Acrobates, jongleurs, clowns, danseurs, musiciens, magiciens s’animent comme par magie sur les toiles. Vollard a une loge au Cirque d’Hiver, il y invite souvent des artistes qui veulent s’inspirer de cet univers magique. Chagall s’y rend souvent « Pour moi, un cirque est un spectacle magique, qui passe et fond comme un monde ».

En 1931 Chagall se rend en Palestine pour visiter les lieux saints du judaïsme car Vollard lui a commandé des illustrations de la Bible. Depuis sa plus tendre enfance il lit la Bible. C’est à cette époque qu’il prend conscience de l’époque trouble dans lequel il vit, il se rend compte combien son peuple souffre. C’est à cette époque aussi qu’il abandonne ses sujets folkloriques et il se fait le messager de la souffrance que subit son peuple ! « Depuis ma première jeunesse, j’ai été captivé par la Bible. Il m’a toujours semblé et il me semble encore que c’est la plus grande source de poésie de tous les temps ».

Il est naturalisé français en 1937. La seconde guerre éclate et les persécutions contre les juifs s’intensifient. La famille s’expatrie aux Etats Unis, et Chagall arrive à New York en 1941, juste le jour ou l’Allemagne attaque l’ex-Russie, son pays natal. Même s’il ne parle pas anglais, il est bien accueilli.

En 1944, aux Etats Unis, Bella tombe soudainement malade et décède rapidement. Chagall est anéanti par le chagrin « tout s’est assombri dans mes yeux ». En rajoutant toutes les atrocités du XXe siècle, il exprime l’horreur et la violence en se focalisant sur les visages au moment de la Grande Guerre, il réalise une série d’œuvres bouleversantes, riches en références religieuses avec toujours sa Russie Natale en fond. Tous les moyens sont mobilisés pour dénoncer la barbarie et explorer les malheurs des combats mais toujours traités avec compassion et ponctués d’une lueur d’espoir et d’espérance. Chagall est un militant, fervent partisan de la paix !

En 1948 il revient en France, reste dans le Sud, et s’installe à Saint-Jean-Cap-Ferrat en 1950. A 65 ans, en 1952 il se marie avec Valentina Brodsky, d’origine russe. « Vava » lui fait retrouver le bonheur.

Des Etats Unis, il ramène de nouvelles approches picturales inspirées de l’art monumental. Il s’investit dans de nouvelles techniques et collabore avec Père Couturier pour le baptistère d’Assy (1952).

Le ministre de la Culture, André Malraux, lui commande le plafond de l’opéra Garnier. Il s’investit avec passion dans ce travail qui est pourtant bien controversé.  Cette gigantesque peinture fait plus de 220 m², elle est un hymne à la musique et à la danse aux connotations russes et françaises. On y retrouve quelques visages : le sien, ceux de « Vava » et celui de Malraux. Elle représente une fleur dont les cinq pétales associent couleurs et compositeurs de musique : le blanc représente Rameau et Debussy, le rouge Ravel et Stravinsky, le jaune Tchaïkovski et Adam, le bleu pour Moussorgski et Mozart, et le vert pour Wagner et Berlioz. Le cœur, peint plus tard, représente le soleil et… Beethoven, Gluck, Bizet et Verdi.

La musique est au cœur de la vie de Chagall. Dès ses premiers dessins il a  fait le portrait de musiciens. Souvent des artistes de rue, de noces et de fêtes. Dans son enfance tous les jeunes garçons possèdent un violon. Rien de plus naturel pour le peintre donc, que de choisir en 1920 un violoniste klezmer pour incarner la Musique dans la décoration du théâtre d’art juif de Moscou dont je vous ai parlé. Le panneau central y compte trois autres figures de violonistes au milieu de musiciens, acrobates et personnes phares de la vie culturelle yiddish alors en pleine ébullition. L’œuvre totale que Chagall  a imaginé pour ce lieu emblématique inclut aussi frises, panneau, rideau de scène et décor du plafond. On peut considérer que le violoniste est une incarnation de Chagall, le violoniste tient son violon comme Chagall tient sa palette…

En 1958 il rencontre le maître-verrier Charles Marq qui l’amène à se lancer dans la technique exigeante du vitrail, qui l’occupera jusqu’à la fin de sa carrière, surtout pour des projets monumentaux. Ce travail lui permet de travailler la lumière et d’exploiter une palette plus vibrante et incarnée que jamais. Il rencontre aussi le mosaïste  Lino Melano qui réalisera une grande partie des mosaïques commandées à Chagall plus tard. Ce sont des compositions murales dont les plus célèbres « Les Amoureux » qui se trouve à la fondation Maeght (1965), le Mur des Lamentations (Knesset à Jérusalem (1965), le Message d’Ulysse, faculté de droit à Nice (1972), les Quatre Saisons au First National Bank Plaza, Chicago (1975).

En 1959 il reçoit une nouvelle commande pour l’Opéra Garnier. Il doit réaliser  les décors et les costumes d’une nouvelle production de la symphonie chorégraphique de Ravel. Ces décors sont riches des lumières et paysages de Méditerranée et portent l’empreinte de deux voyages que Chagall fait en Grèce. Ce ballet est rejoué lors de la soirée d’inauguration officielle (le 23.09.1964) du nouveau plafond de l’Opéra Garnier. Il évoque les amours de Daphnis et Chloé entre autres scènes lyriques et chorégraphiques.

En 1967 il fait construire une maison à Saint-Paul de Vence et inaugure, en 1973 un musée à Nice qui lui est consacré. La même année, après plus de 50 ans d’absence il voyage en Russie.

Marc Chagall s’est éteint le 28 mars 1985 à l’âge de 97 ans.

 

 

 
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