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24.02.2016 - Cupidon...

 


LA GENTE FEMININE DU ROI RENE

La Culturothèque -23 février 2016 -  Michèle


Le roi René, notre « Bon roi René » comme il est surnommé, serait-il resté dans l’histoire si des femmes qui l’ont entouré n’avaient pas joué un rôle capital ?

On connaît sa courtoisie et surtout une grande estime envers les dames, son goût pour la poésie, les arts et la douceur de vivre … N’avait-il pas remis à la mode le « fine amour » et les troubadours ?

Dans sa vie il a subi pas mal d’épreuves. Ont-elles été adoucies par les dames de son entourage… et comme nous allons le voir, elles faisaient partie des plus grandes personnalités du royaume. Certaines sont oubliées, d’autres, au contraire, sont connues de tous et toutes. Certaines de ces femmes font partie de l’entourage direct de René, d’autres sont plus lointaines mais ce qu’il faut retenir surtout c’est qu’elles ont toutes  eues en commun leur amour pour la France, pour l’Anjou et… pour notre chère Provence.

 

BONNE DE LUXEMBOURG.

Bonne de Luxembourg, est l’arrière grand-mère du roi René. Elle à donné à la France des enfants qui ont tous compté dans son histoire : Charles V, roi de France – Louis d’Anjou, grand père du roi René – Jean, le fameux Duc de Berry – Philippe II le Hardi, Duc de Bourgogne – Jeanne qui a épousé Charles le Mauvais, roi de Navarre -  Marie épouse du Duc de Bar et la dernière Isabelle qui a épousé le Duc de Milan…

Elle a eue 11 enfants de son mari, le roi Jean II le Bon, mais n’a jamais été Reine de France. C’est le 6 août 1332, à l’âge de 17 ans,  qu’elle épouse, en présence de 6000 invités et des festivités qui ont duré 2 mois, Jean de Valois, duc de Normandie, comte d’Anjou et du Maine qui lui n’en a que 14 ans. Elle est très belle, elle est très cultivée.

L’histoire se rappelle de son étrange et magnifique et très raffiné psautier  dont les images relatent surtout la peste bubonique qui a marqué son époque…  Bonne de Luxembourg n’échappe pas à l’épidémie, elle meurt à 34 ans, son époux se remarie moins de six mois plus tard avec Jeanne d’Auvergne.

 

MARIE DE BLOIS (MARIE DE BRETAGNE).

C’est la Grand-Mère de René, l’épouse de Louis 1ER d’Anjou.

Louis 1er a assisté au sacre de son père (en 1350) et il a été adoubé chevalier ce même jour à l’âge de 11 ans.

6 ans plus tard  (19 septembre 1356) il participe à la bataille de Poitiers qui oppose son père Jean II le Bon à Edouard III d’Angleterre. On est en plein dans la guerre de 100 ans, Edouard III revendique ses droits sur la couronne de France par sa mère Isabelle de Valois, fille de Philippe IV le Bel.  Louis n’a pas le même caractère que son frère Philippe, qui à 14 ans s’illustre en restant près de son père en tentant de le protéger  à coups d’épée, de poings et de mastoc ! Louis, par contre a abandonné la partie en entraînant son frère, le futur Charles V et pas mal d’hommes avec lui. C’est lors de cette Bataille que Jean II le Bon est fait prisonnier par les Anglais. Il prend ses précautions pour assurer l’avenir du trône de France et fait l’erreur de partager le royaume entre ses 4 fils : Charles hérite de la couronne de France, Louis reçoit l’Anjou, Jean le Poitou et Philippe la Bourgogne.  Sa rançon est très élevée : 3 000 000 d’écus d’or ! (alors que le budget de la France est de 500 000 écus).  Il propose à Edouard III de rentrer en France pour réunir les fonds pour la rançon et, comme Charles est de santé fragile, propose que ce soit son second fils Louis qui le remplace. Jean rentre en France et signe l’ordonnance qui proclame « Nous avons ordonné et ordonnons que le denier d’or que nous faisons faire à présent soit appelé franc d’or » il est acclamé malgré sa défaite mais il faut régler la rançon ! 4 ans plus tard Louis est toujours en Angleterre…. Il n’est pas à plaindre, rassurez-vous, la détention est douce : il peut aller et venir en toute liberté et il échange de nombreuses lettres avec son épouse bien-aimée. Mais elle lui manque ! Un jour que la cour d’Angleterre se trouve à Calais il prétexte de faire un pèlerinage jusqu’au Bois de Boulogne mais il pousse jusqu’à…Angers ! Il n’y tient plus, il veut serrer dans ses bras « sa Marie ».

Marie avait été mariée en premières noces à l’âge de 6 ans au connétable Charles d’Espagne, Louis était promis à une fille du roi d’Aragon, mais lorsqu’il rencontre Marie, il tombe éperdument amoureux et prouve son esprit d’indépendance en se mariant avec elle sans l’autorisation de son père. On imagine les trésors de diplomatie pour atténuer l’outrage fait à Pierre le Cérémonieux  [1]!

Marie et Louis 1er d’Anjou vivent des années de bonheur. Louis reçoit le titre de Duc d’Anjou, le premier de la troisième maison d’Anjou[2], dynastie qui prendra fin avec le Roi René. Il sera régent de la couronne de France avec ses frères à la mort de Charles V en attendant la majorité de leur neveu, Charles VI.

Il appartient à une famille prestigieuse qui a toujours favorisé le mécénat pour marquer l’histoire de l’Art de son époque : Bonne de Luxembourg, Jean de Berry (Les très riches heures du Duc de Berry), Philippe de Bourgogne

Louis est aussi un amateur d’art  éclairé, sa passion à lui c’est la tapisserie. Déjà à l’âge de 25 ans il possède 75 « tappis ». Il a le goût du luxe. Réaliser une tapisserie permet à beaucoup de gens de travailler : l’éleveur de moutons, la fileuse, le teinturier, le peintre, le licier, le marchand et bien sûr ça coûte cher. En général les seigneurs ne s’offraient pas plusieurs jeux de « tappis », aussi ils les emportaient avec eux lorsqu’ils se déplaçaient. En effet, ils avaient besoin de tapisseries pour leurs châteaux car ils servaient pour la décoration, bien sûr, mais surtout pour réchauffer les murs ou fermer une fenêtre ou même diviser une grande salle en deux et aussi ils montraient la richesse du seigneur !

Louis couvre Marie de Bijoux et de toilettes, ils se plaisent beaucoup dans leur château d’Angers. Ils l’embellissent, font ouvrir de grandes fenêtres à meneaux, construire une grande cuisine. A Saumur  ils transforment la forteresse en une résidence spacieuse et luxueuse. Mais…  leur plus grand luxe c’est bien sûr la Tapisserie de l’Apocalypse. C’est la plus grande tapisserie connue au Monde ! Il faut 10 ans pour la réaliser. Hennequin de Bruges, grand miniaturiste de son temps et peintre de Charles V fait les dessins et elle est réalisée dans les ateliers de Robert Poisson. Louis et Marie surveillent l’avancée des travaux et, un jour elle a la surprise de découvrir sur le fond de la 1ère pièce, son M entrelacé au L de Louis dans un très joli monogramme. Pourquoi une telle tenture ? Peut-on imaginer que Louis marqué par l’exil de son père a voulu créer un trésor qui permettrait sa rançon si elle était demandée ? A-t-il voulu laisser une œuvre qui ait marqué son passage dans l’histoire ? Mais pourquoi le sujet de l’apocalypse ? Peut-être en référence au livre d’heures richement illustré de Bonne de Luxembourg ? Les historiens ont bien noté que Louis l’avait « emprunté » dans la librairie du Roi. Peut-être aussi pour envoyer un message d’espoir dans ces temps difficiles ? Dans tous les cas il faudra attendre quelques temps pour que la Tapisserie soit utilisée pour la première fois.

Louis et Marie ont la joie d’avoir un fils, connu sous le nom de Louis II, un autre fils Charles (Le Prince de Tarente) qui meurt à l’âge de 24 ans et une fille qui ne survivra qu’une année.

Louis II a 7 ans lorsque son père meurt en Italie.  Il meurt d’une pierre qu’il a reçue à la tête lorsqu’il tentait d’arracher le royaume de Naples à Charles de Duras[3].

Marie, accompagnée de son fils Louis II s’établit à Avignon. Elle est en butte à « l’Union d’Aix » et au début elle n’arrive pas à obtenir le ralliement des Provençaux mais à la fin de l’été 1385, Arles décide d’accueillir Marie d’Anjou devant une AG de 300 chefs de famille ou, enfin Louis II est reconnu nouveau seigneur de Provence. Marie va aimer la Provence, va se faire aimer du peuple de Provence et va concevoir des accords qui seront beaucoup plus efficaces que les armes pour obtenir une relative paix en Provence et y établir la domination Angevine...  Elle sait que le Royaume de Naples sera toujours un grand souci et qu’elle devra faire face à la Maison d’Aragon, qui détient la Sicile.

Elle se met en contact avec Violante de Bar… Pourquoi ? Violante est petite fille de Jean II le Bon, donc Parente. Elle a épousé Jean 1er d’Aragon. Ne serait-ce-pas un engagement de processus de paix que de marier la fille de Violante à son fils ? Jean 1er d’Aragon s’y oppose, bien sûr. Louis 1er n’a-t-il pas injurié son père en refusant de se marier à sa sœur ?

Marie ne perd pas espoir et… Violante non plus ! Elles ont toutes les deux en tête qu’un bon mariage sauvera quelques guerres. A la mort de Jean 1er d’Aragon les deux reines peuvent organiser le mariage de leurs enfants.

L’histoire peut rendre grâce à ces deux mères qui ont donné à l’Anjou, mais surtout à la France Yolande d’Aragon !

 

YOLANDE D’ARAGON.

On appelle Violante d’Aragon et sa fille à Saragosse où elles habitent le beau « Aljaferia[4] », « Las dos Violantes ». Depuis l’annonce de son mariage Yolande ne cesse de se disputer avec sa mère. Quoi, épouser Louis II d’Anjou, le fils de celui qui a manqué de parole à mon grand père ? Le visage buté, les poings serrés, les yeux emplis de larmes de colère et de chagrin elle refuse tout net ce mariage. Pourquoi sa mère a-t-elle cette idée en tête. Sa chère mère qui l’adore ne ferait jamais ça pour sa fille !

Pourtant par une belle journée d’octobre où le soleil illumine l’ « Aljeferia » elles quittent Saragosse sur une litière portée de 4 chevaux. Pelotonnée dans des couvertures doublées d’hermine et de petit vair elles entreprennent le voyage qui doit les amener à Arles où le mariage sera célébré. Durant le long chemin elles ont fait la paix et Yolande demande à sa mère de lui raconter l’histoire de Louis II d’Anjou, de sa famille et de leurs ancêtres communs. Avant d’arriver à Montpellier elle demande aussi à sa mère si c’est obligatoire qu’elle doive changer de prénom. Sa mère lui dit que Marie lui a bien spécifié que les Angevins et les Provençaux ne comprendraient pas ce dur prénom de Violante et qu’il vaut mieux qu’elle se fasse appeler à l’avenir Yolande.

Yolande arrive à Montpellier où elle se repose deux jours. Juste avant la ville un cavalier abhorrant l’écu de Sicile-Anjou, arrive au galop, ouvre le rideau et observe Yolande. Yolande plonge ses yeux dans les siens : dès l’instant elle sera amoureuse de ce beau cavalier qui porte un chaperon à crête rouge.

Le 2 décembre 1400, sous notre beau ciel bleu de Provence,  pour la première fois sont exposées les tentures de l’Apocalypse dans la cathédrale St Trophime à l’occasion du mariage de Louis II d’Anjou et de Yolande d’Aragon… le peuple est venu en liesse, quarante membres mainteneurs des jeux Floraux sont venus de Toulouse, les visiteurs de marques sont arrivés avec leur escorte. Tous voulaient être de la fête « Car outre que le roi était extrêmement aimé, on se promettait beaucoup de la douceur et du beau naturel de la reine ». Jouvenel des Ursins[5] nous dit que Yolande était « Grande, élancée, très bien proportionnée, les traits d’un caractère espagnol, les cheveux sombres et brillants, la reine duchesse est douée d’un cœur intrépide et d’un esprit élevé. Elle a une décision remarquable et commande l’obéissance par l’autorité de ses manières ».

Yolande aime son mari, Yolande aime le peuple qui est venu pour l’accueillir. Elle est éblouie par la Tapisserie et se demande quelle est cette croix étrange à double traverse qui se trouve sur une bannière portée par deux anges. Louis II lui raconte qu’elle est la réplique d’une relique de la vraie Croix rapportée de Terre Sainte au Château d’Angers… Yolande lui dit que sa place serait mieux dans une chapelle. « Si fait ma mie, nous la construirons ensemble ! »[6].

Les deux reines se réjouissent du bonheur de leurs enfants qui devait durer…  toute leur vie. Comme il est loin où une jeune princesse d’Aragon jurait ne jamais épouser un Anjou !

4 jours de festivités puis c’est le départ pour Tarascon. Depuis le partage de l’empire de Charlemagne le Rhône est devenu une frontière, Tarascon en bordure du fleuve est un site stratégique, militaire et politique où depuis des fortifications se succèdent. Louis II a décidé d’y construire un vrai château et les murailles étaient bien avancées. Yolande s’investit totalement dans ce projet et ils savourent leur lune de miel.

Les mois passent, la Tapisserie a été pliée et déjà elle est repartie escortée par un grand nombre de Gens d’Armes, bientôt la vaisselle est rangée et un long convoi de gabarres s’engage sur le Rhône et la Loire.

Tout d’abord c’est le château de Saumur construit par Louis 1er d’Anjou où toutes les cloches des églises carillonnent à leur arrivée. Tous se réunissent, tous sont séduits par la distinction naturelle, la force et la grâce, la beauté, et les beaux yeux dorés !... Yolande est heureuse, elle se sent chez elle dans ce beau pays !

Pourtant la France est désespérée ! Elle n’est plus qu’un morceau complètement divisé dont l’Angleterre occupe un tiers, les Bourguignons un autre tiers et le reste est partagé de rivalités ! Notre pauvre Roi Charles VI est fou. C’est une étrangère, favorable aux Anglais, qui gouverne : Isabeau de Bavière.

Le domaine d’Anjou est continuellement menacé et subit les mêmes dommages que le royaume de France… Yolande est pourtant conquise par ce pays, autant qu’elle a conquis le cœur de tous les Angevins qui aimeront toujours leur duchesse.

Yolande, le 25 septembre 1403, accouche d’un beau garçon. Son mari accourt, ému du spectacle de la mère et de son enfant : « Louis, Mon Fils ! ». « Merci, ma mie ».

Yolande aime la chapelle du château. Elle y va tous les matins et admire les peintures du cœur, touchée par leur fraîcheur et leur beauté. A moins que… ce ne soit l’histoire du « miracle de l’enfant ressuscité » qui l’émeut au point de se rapprocher de sa mère… qui avait perdu tous ses enfants, Yolande restée la seule enfant et si loin maintenant d’elle.  Elle se dit que si elle a un autre garçon, elle l’appellerait René !

Un matin, dans la même chapelle, elle est touchée par une jeune femme qui allaite un enfant. Elle s’appelle Tiphaine, a 16 ans et déjà veuve. Yolande lui propose de devenir la nourrice de ses enfants. Elle aura toujours confiance en Tiphaine qui sera toujours près de Yolande qui ainsi a l’esprit plus libre pour se consacrer à la politique car Louis et Yolande devront toujours se battre pour deux fronts : les intérêts de la France avant ceux de l’Anjou où la vie s’écoule pourtant toujours dans le bonheur et les enfants qui arrivent : Marie, puis René, Yolande et Charles.

La France est toujours en guerre avec l’Angleterre. Charles V le Sage est mort, et la régence des trois frères (Louis 1er d’Anjou, Jean de Berry, Philippe de Bourgogne) a affaibli le pouvoir, d’autant que l’Anjou est et sera toujours fidèle à la France et la Bourgogne à l’Angleterre ! Et, cerise sur le gâteau, lorsque Charles VI atteint l’âge de régner… il devient fou ! Mais pourtant il va régner 40 ans et sa femme qui le remplace au pouvoir ne voit que son intérêt personnel  et loin de s’améliorer au fil du temps, elle devient cupide, égoïste, manipulatrice et… grosse. De plus elle a des amants et même si elle est intelligente, souvent elle est manipulée par plus fort qu’elle. Louis et Yolande sont pour le roi mais évitent tout compromis et se tiennent à l’écart de la cour.

Yolande est une mère avant tout. Elle doit assurer leur établissement. Louis III hérite de l’Anjou, de la Provence, de Naples et de la Sicile. D’ailleurs il ne pense qu’à l’Italie dès qu’il est en âge de s’intéresser à son royaume. Yolande le fiance à Marguerite de Bourgogne qui a un an de moins que lui et, à 4 ans la petite Marguerite vient vivre auprès de Yolande. Elle fiance Marie à Charles qui est né la même année que Louis. Charles est le 11ème enfant de Charles VI et d’Isabeau. Yolande rencontre Isabeau et ramène Charles pour qu’il grandisse à côté de sa petite fiancée.  Si Isabeau ne se soucie plus de son fils, Charles découvre à Angers la vie familiale, la tendresse de Tiphaine et l’amour que lui porte Yolande : comme s’il était son enfant.  Un jour, Charles dit à Yolande « Je ne sais comment vous nommer, je ne veux pas vous appeler Madame, je vous aime trop ». « Cherchez dans votre cœur ». Le lendemain matin en se réveillant il crie « J’ai trouvé, je vous appellerai ma Bonne Mère ».

Tous les enfants reçoivent une bonne éducation. On sait maintenant que Charles a été l’un des princes les plus lettrés de sa génération. Les garçons sont aussi initiés aux armes et aux arts martiaux. La vie s’écoule paisiblement.

Le 28 novembre 1407 Louis d’Orléans, frère du roi, est assassiné par Jean-Sans-Peur, duc de Bourgogne. Ce sera la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons qui durera 25 ans, Yolande renvoie la petite Marguerite de Bourgogne.

En 1413 Yolande envoie un messager à Louis II le priant de revenir d’Italie et contacte les Bretons, les Picards, Les Flamands pour protéger le roi, c’est la guerre civile, on crie « A mort l’Etrangère !» (contre Isabeau de Bavière, bien sûr)... Louis II arrive a prendre le contrôle, chasse le Bourguignon et délivre la famille royale.

Mais le 24 octobre 1415 c’est la honte pour la France. C’est la bataille d’Azincourt, les Anglais sont trois fois moins nombreux que les Français… qui fêtent toute la nuit précédente leur victoire certaine ! Et pourtant au petit jour, il pleut, les archers anglais bandent leurs arcs et 10 000 flèches atteignent les chevaliers français immobilisés dans un marécage boueux. Dix mille hommes ont perdu leur vie, c’est la honte de la noblesse française.

Louis et Yolande échappent de peu à un massacre préparé par les Bourguignons, ils se rendent en Provence avec leurs enfants. Les voici tous à nouveaux heureux dans un pays où on les aime, le soleil, les fleurs et la douceur de vivre.

Malheureusement ils doivent repartir car ils apprennent la mort du dauphin Louis et à peine sont-ils arrivés qu’ils apprennent cette fois la mort suspecte du dauphin Jean. Charles devient donc le dauphin de la France !

Louis II reprends sa place au Conseil mais peu de temps après il est saisi de violentes douleurs au bas du ventre qui vont l’emporter très vite. Yolande est à son chevet. Elle a fait venir un peintre pour faire le portrait de celui qu’elle a aimé. Il n’est plus tout aussi jeune (38 ans) mais elle le fait représenter  avec le « chaperon à crête rouge » associé au souvenir de la première rencontre.

Avant de mourir Louis II dit à Charles « de ne jamais se fier au duc de Bourgogne, mais de tenter par tous les moyens de vivre en bonne intelligence avec lui ». A ses enfants « Obéissez en toute chose à votre mère ; respectez là jusqu’à son dernier jour ».

Seule, Yolande, est « la plus jolie femme du royaume », mais la plus sage. Elle a la tâche de défendre les intérêts de ses enfants. Elle va s’y employer jusqu’à la fin de ses jours.

Isabeau, qui a perdu, ses deux fils veut récupérer Charles. Yolande sort ses griffes « A femme pourvue d’amants, point n’est besoin d’enfants. N’ai point nourri et élevé ycelui jusque ici pour que le laissiez trépasser comme ses frères, ou le rendiez fol comme son père, à moins que le fassiez anglois comme vous ! Le garde mien, venez le prendre si l’osez ».[7]

Charles reste donc auprès de Yolande, mais elle n’oublie pas ses enfants. Louis III établi il faut s’occuper de René. Il vient d’avoir 8 ans. Elle a une petite idée… Yolande est la petite fille de Robert de Bar, elle a des droits sur le duché et sa mère, Violante, avec qui elle correspond toujours, lui souffle la solution : faire adopter René par le cardinal de Bar. Voilà donc René qui s’en va rejoindre son oncle avec le titre de duc de Bar à l’âge de 10 ans. Mais pour Yolande ça ne suffit pas ! Charles II de Lorraine a une fille de l’âge de René. Il faut donc les marier… ainsi René héritera du duché de Lorraine. Le duc de Lorraine est tout de même difficile à convaincre… Mais il ne peut résister à l’influence de sa maîtresse Alison du May, envoyée sous cape, par devinez qui ? Yolande bien sûr !

Voilà que René se partage la cour du duc de Bar, où il va s’instruire, se mêler aux poètes, aux artistes et aussi aux hommes de guerre. On dit qu’il y aurait rencontré le grand peintre Van Eyck ! A Nancy aussi, Charles joue du Luth, de la guitare et protège les troubadours… Mais René n’aurait-il que les yeux pour voir sa belle Isabelle ?

René casé, Yolande a toujours des soucis pour Charles. Voilà qu’Isabeau, pour se venger clame que Charles n’est qu’un bâtard !

On est en 1421 et les Anglais envahissent l’Anjou. Yolande n’a vraiment pas le temps de souffler, d’autant que Louis III est encore et toujours en Italie. Les barons angevins se battent pour leur duchesse… ils battent les Anglais à la bataille du Vieil-Baugé où meurt le frère du roi d’Angleterre. Enfin, les Anglais ne sont pas invincibles ! Voilà qui met du baume au cœur et redonne du courage. Mais serait-ce suffisant ?

Un an plus tard, le roi d’Angleterre Henri V meurt, son fils Henri VI n’a que 6 mois, et Charles VI meurt aussi.

A si Charles pouvait rentrer dans un trou de souris.  Mais c’est compter sans Yolande qui a préparé le terrain. « Jamais l’anglais ne régnera !».

Elle a entendu parler par René d’une certaine Pucelle de Lorraine qui dit avoir perçu des voix pour se rendre auprès du roi… En douce elle lui donne un cheval, une armure, lui montre le portrait de Charles… et le tour est joué. Coup de marketing extraordinaire, tous suivent la Pucelle qui fait sacrer le roi Charles VII à Orléans le 17 juillet 1429 ! (Aujourd’hui les historiens sont certains que Yolande a ordonné à Baudricourt de faciliter le voyage jusqu’à Chinon…).

Yolande a marié sa seconde fille au duc de Bretagne, Charles son dernier fils reçoit le Maine.

Yolande meurt en paix en 1442. Elle a 43 ans. Elle sera oubliée pendant longtemps, mais au XXe siècle les historiens rendent tous hommage à cette femme qui est, comme Blanche de Castille, venue d’Espagne pour reconstruire la France !

 

ISABELLE DE LORRAINE

Isabelle de LORRAINE est l’épouse du Roi René. Et oui, en Provence on se souvient plus de Jeanne de Laval que d’Isabelle…

Charles II de Lorraine demande à sa femme Marguerite de Bavière « Parbleu, ma mie, il semble que vous ne sachiez faire que des filles ! ». Il reconsidère donc l’offre de Yolande d’Aragon : le duché de Bar est proche du sien et effectivement cela éviterait quelques conflits de succession si la Lorraine et le duché de Bar revenaient à Isabelle et René.

René partage donc son temps entre son oncle et la famille de sa future épouse après que la ville de Nancy s’est habillée de fête pour l’accueillir. Les enfants de la cour de Lorraine se retrouvent tous ensemble, bâtards et légitimes (4 enfants = Charles et Alison du May). Isabelle est une « vrai Lorraine » qui saura affronter sans faiblir les difficultés de la vie, René un charmant compagnon, et encore une fois Cupidon passe par là et honore les jeunes mariés…

Mais voilà, Antoine de Vaudémont, neveu de Charles II de Lorraine revendique la Lorraine au nom de son père, Ferry, frère de Charles. Charles et René devront se battre et tenir un siège durant trois ans. Charles est belliqueux, mais René n’est pas très batailleur même si il se bat avec fougue et courage aux côtés de son Beau Père. Il n’a que 15 ans et n’a qu’une envie : ne pas être séparé de celle qu’il aime « d’ardent désir », son Isa, sa Belle ! Sa devise : « Dévot lui suis ». Isabelle avec René suit un chemin semé de fleurs… En 1425 René apprends qu’il va avoir un enfant. Il est attentif, amoureux, respectueux, touche le ventre de sa bien-aimée… elle lui donne un fils : Jean.

C’est Isabelle qui rencontre Jeanne d’Arc : si elle converse avec Dieu, elle pourrait peut-être soulager son père qui souffre de la goutte ! Isabelle s’empresse de raconter son entrevue avec Jeanne d’Arc à René, et René s’empresse à en parler à sa mère Yolande d’Aragon. La suite vous la connaissez maintenant ! Et René suit Jeanne d’Arc dans tous ses déplacements, c’est lui qui sera proche d’elle lorsqu’elle connaît son premier échec : elle est blessée à Paris, perd son sang et continue à se battre. Alors « le duc de Bar, le comte de Clermont, tous les autres de la Compaignie le Roy et la ramenèrent à son logis, audit lieu de La Chapelle… [8]»

Le Cardinal de Bar meurt en 1430, le duc de Lorraine en 1431. Voilà René à la tête des duchés de Bar et de Lorraine. Mais ce bonheur fait des envieux : Antoine de Vaudémont n’en démord pas et refuse de reconnaître Isabelle et René comme héritiers ... Et, il a pour soutien le… duc de Bourgogne !

René est obligé de se battre. C’est la bataille de Bulgneville (30 juin 1431). Piteuse et tragique journée ! René est enfermé au Château de Talent près de Dijon, puis à Bracon-sur-Salins en Franche-Comté puis à Rochefort près de Dôle et enfin définitivement au château de Dijon. Il a 22 ans, il a 4 enfants et pleure l’absence d’Isabelle.

Isabelle rassurée sur le sort de « son René » et sur les conseils de Yolande d’Aragon sa belle-mère, conseillée elle-même par sa mère Violante de Bar réussit à fermer au comte de Vaudémont les portes de la ville.

Elle reçoit une lettre de René : il étudie la peinture, la musique, la poésie. Il peint même les murs de sa cellule. Isabelle aussitôt chevauche jusqu’à lui. « Ma captivité est douce ma mie, mais cruelle est votre absence ».

1 an plus tard elle amènera ses enfants Jean (7 ans) Louis (6 ans) afin qu’ils remplacent leur père en prison. Celui-ci doit trouver l’argent de la Rançon. Il rencontre aussi Ferry de Vaudémont, le fils d’Antoine, et signe une promesse de mariage pour sa fille Yolande. Philippe de Bourgogne, furieux lui demande illico de retourner en prison.

C’est là que René apprend la mort de son frère Louis III (12 novembre 1434). René hérite du duché d’Anjou, du comté du Maine et du Comté de Provence. Et Jeanne II, dernière Reine de Naples, meurt en 1435 après avoir, in extremis, adopté René !

Le duc de Lorraine, duc d’Anjou, comte du Maine et de Provence, roi de Naples, roi de Sicile et de Jérusalem a pour palais… la prison !

De plus, comment se protéger de la menace que représente Alphonse V d’Aragon, fort mécontent, on l’imagine, que Jeanne II ait laissé son royaume à René.

Isabelle Isabelle la courageuse, vend vaisselle, bijoux … Elle part en Provence avec Louis et Marguerite (Jean est en prison avec son père) pour préparer son expédition pour l’Italie.

Grâce à la générosité des Provençaux elle arme cinq  vaisseaux, le pape lui envoie  4000 hommes, quelques mois plus tard elle est à Naples où le peuple lui fait un accueil triomphal. Mais Alphonse d’Aragon va lui mener vie dure.

Pendant ce temps, René est libéré le 11 février 1436. La liberté est chère : René ne doit plus prendre parti entre les Français et les Anglais et Marguerite, sa fille devra épouser le roi d’Angleterre et, la Lorraine devra rester à Yolande et sa postérité … Il faut aussi payer 200 000 florins. Jamais la fortune de René ne pourra s’en relever ! A bride abattue un messager annonce la nouvelle à Isabelle.  Elle supplie René de venir au plus vite ! « Croyez que je comprends votre impatience… mais n’oubliez pas que je me dois à mes Etats de Lorraine, d’Anjou et de Provence, en attendant je me fie à votre jugement. Votre René qui vous aime toujours « d’ardent désir ». Isabelle en tombe les bras : Anjou est en bonnes mains géré par Yolande !

Pauvre Isabelle livrée à elle-même dans cette Italie qui a toujours posé problème et qui en posera toujours… Laisse tomber a-t-on envie de lui dire. Mais non Isabelle fait ce que lui dit son époux, qui pendant ce temps prends du bon temps avec ses maîtresses, surtout dame Capèle qui lui donne Blanche qui sera élevée à Beaucaire et mariée plu tard à Bertrand de Beauvau.

Enfin il part rejoindre Isabelle en Italie, mais une fois de plus son ardeur au combat est plus forte que sa stratégie politique et lorsqu’il revient à Naples après une campagne perdue, il doit abandonner la partie au Souverain d’Aragon 4 ans après son arrivée.

La famille entière rentre dans leur domaine…

Quelques années plus tard c’est Agnès Sorel qui rentre dans la cour d’Isabelle et dans l’histoire. Elle avait été confiée à Isabelle par  sa belle mère Yolande.

Charles VII et son cousin vont partager le chagrin de la perte de la  « bonne Mère », Charles VII se console avec Agnès, le Roi René en se ruinant dans la peinture, les arts, les animaux, les joutes et les tournois… Isabelle reste en retrait de toute cette agitation, elle réside le plus souvent au manoir de Launay.

Le Roi René soutient toujours son beau frère, il arrive à lui envoyer des renforts, Charles VII après avoir défendu les côtes normandes d’une nouvelle et menaçante invasion anglaise il reprend le siège de Bordeaux et enfin, le 19 octobre 1453 la prophétie de Jeanne d’Arc se réalise « Les Anglais sont boutés hors de France ! » (Calais ne sera prise qu’en 1558).

Isabelle meurt le 28 février 1453, elle avait 43 ans. René commande d’innombrables tenues de deuil, il écrit « Le Mortifiement de  Vaine Plaisance » sorte de théâtre allégorique où deux personnages, Ame et Cœur sont mis en scène : Ame est possédée par l’amour divin et Cœur est tenté par les séductions du monde.

 

Marguerite d’Anjou.

Marguerite est mariée par procuration au roi d’Angleterre Henri VI en 1445. Elle aura un enfant Edouard, prince de Galles. C’est elle qui a fondé le Queen’s Collège que nous avons visité à Cambridge. Son mari (petit-fils de Charles VI est fou), il est déposé par son cousin le duc d’York qui régnera sous le nom d’Edouard IV. Elle est obligée de se réfugier en France où elle sera accueillie par Louis XI son cousin, mais Henri VI restauré en 1470, la Reine Marguerite et son fils rentrent en Angleterre où elle jouera un grand rôle politique et militaire pendant la guerre des Deux Roses. Henri VI définitivement détrôné en 1474, son fils de 18 ans fait prisonnier et lâchement assassiné avant qu’Henri VI ne soit enfermé dans la Tour de Londres par le futur Richard III et assassiné aussi. Marguerite prisonnière, René doit payer la rançon mais ses finances ne lui permettent pas. C’est le future Louis IX qui paie cette rançon contre la promesse de René de lui céder l’Anjou, Bar, Lorraine et Provence.  Si vous allez à Dampierre-sur-Loire, au château de Morains vous trouverez cette plaque : « Château de Morains ou mourut le 20 août 1482 Marguerite d’Anjou, Reine d’Angleterre, fille du Roi René heroïne de la guerre des Deux Roses la plus malheureuse des Reines des Epouses et des Mères ».

Elle n’est pourtant pas oubliée : elle est l’héroïne de l’opéra « Margherita d’Anjou » de Giacomo Myerbeer et fait partie des personnages des tragédies historiques de Shakespeare Henri VI et Richard III.

 

Jeanne de Laval.

Encore une histoire d'amour... Jeanne avait 21 ans lorsqu'elle se marie avec René, un âge canonique pour une jeune fille de l'époque. Jeanne avait refusé tous les prétendants. Pourquoi ?

Jeanne avait treize ans lorsqu'elle avait rencontré René lors d'un tournoi à Launay, en juin 1446, où elle avait été, avec Isabelle de Lorraine, la reine de la fête ! C'est elle qui avait remis le prix au vainqueur du tournoi, le vainqueur c'était René, et dans le secret de son cœur elle n'avait jamais oublié son regard qui s'était posé dans le sien. De ce jour elle savait qu'elle ne se marierait pas puisque René était l'époux de la belle, bonne, digne et si méritante d'être aimée, la reine Isabelle. Alors imaginez l'étonnement de ses parents, lorsqu'elle répond d'un « oui » ferme et franc, lorsque Bertrand de Beauvau vient demander sa main au nom de René

Les Angevins découvrent leur nouvelle duchesse, pas étrangère, pas espagnole bien d'cheu nous !

René découvre cette jeune fille avec pour la première fois du remords pour Isabelle. Avec l'âge, le recul il comprend maintenant le mal qu'il a fait à Isabelle. Il n'a pas su la rendre heureuse, mais puisque la vie lui a donné une nouvelle femme, il fait le serment de la choyer, jour après jour.

René va s'assagir, il va devenir plus casanier, il revient à la plume, à ses pinceaux « Mais delà les monts je laisserai mon avoir que plus me gardai... votre amour me fit tout cela » écrit-il dans « Regnault et Jeanneton »... Partout ils traînent leur amour, à Saumur qui avait subi des dégâts il reconstruisent un beau « Chastel de Plaisance » (décrit dans un de ses ouvrages « Le cœur d'Amour épris »), il lui offre Launay là où Isabelle se sentait bien chez elle, ils agrandissent le manoir de Rivettes aux Ponts de Cé, il lui offre encore le château de Beaufort, mais c'est à Baugé qu'ils réalisent le plus de travaux et la dernière résidence achetée, le manoir d'Epluchard lui vaut la remontrance de Jeanne : « voyons Sire, n'est pas là folie ? ».

Voilà ce qu'on appelle un couple sans histoire... Jusqu'aux 8 ans de mariage où Jeanne souffre d'une maladie de langueur ! Elle pleure le fait de ne pouvoir donner d'héritier à René. Oh il la rassure tout à fait « La ! Là ! Ma tourterelle, séchez vos larmes, je ne vous ai point épousée pour que me donniez un héritier. Ma lignée est assurée ». Mais Jeanne s'entête et fait des fausses couches jusqu'à ce qu'on dise à René que sa vie est en danger si elle persiste à vouloir être mère.

Pour la consoler René l'emmène en Provence. Il choisit les meilleures dames de compagnie pour la distraire, les meilleurs cuisiniers pour lui préparer des douceurs. Un jour Jeanne met une friandise à sa bouche. Un sourire illumine son visage. « ce sont des câlins », c'est ainsi que les calissons sont nés car en Provençal on traduit « Di cali soun » !

A partir de là Jeanne ne se replie plus sur elle-même d'autant qu'elle reporte son amour maternel sur Blanche et elle gâte aussi les enfants de René en leur donnant de l'argent de poche comme en témoigne ses livres de comptes. Elle crée une école pour les enfants des domestiques afin qu'ils apprennent à lire. Elle demande un livre à René, il lui en donne 3. A l'époque un livre coûtait cher, il fallait tuer plusieurs moutons (15 environ) pour le réaliser ! Jeanne peut ainsi inventer le premier livre pour l'apprentissage de la lecture aux enfants !

Ils s'en retournent un temps à Angers mais le 20 novembre 1471 ils s'installent définitivement en Provence. René vient de perdre son fils Jean, empoisonné à Barcelone, il avait 45 ans, son gendre Ferry de Vaudémont affectionné aussi quitte ce monde, un messager lui apprends les déboires de Marguerite en Angleterre et Blanche, sa fille bâtarde fait veuf pour la 4ème fois son ami Bertrand de Beauvau qui n'avait jamais eu d'enfant...

René abandonne tout à Angers, la tapisserie est léguée à la Cathédrale ! Il ne va pas la laisser à Louis XI, son neveu qui « aime » d'un amour hypocrite son « cher oncle », ou plutôt l'Anjou et le Bar !

En Provence, ils sont partout ! A Marseille où il fait construire la tour Saint-Jean qui protège l'entrée du port, à Aix où il fait restaurer le palais de Louis II et Yolande, à Gardane où il construit une sorte de « ferme modèle », à Avignon où il aménage un confortable hôtel particulier et bien sûr à Tarascon où il installe le « confort » dans le château (latrines, verrines (vitraux), un poêle (à la façon d'Allemagne). Il y édifie aussi la chapelle des chantres dans la cour d'honneur où une dizaine de chantres y assurent de beaux services. Sous la fenêtre de sa chambre il fait sculpter le buste de Jeanne et le sien. Surtout, en ces périodes troublées il donne à son peuple le plaisir des fêtes en créant les fêtes de la Tarasque. Les provençaux chantent, dansent et... Jeanne sourit !

Il devient le mécène de Nicolas Froment à qui il passera de nombreuses commandes, notamment le fameux retable du « Buisson Ardent » que nous avons vu à la Cathédrale d'Aix en Provence.

Heureux bonheur... assombri par des malheurs : la mort de son petit-fils Nicolas, fils de Jean, sûrement empoisonné comme son père. Il n'avait que 25 ans.

Pour le consoler, sa fille Yolande vient le voir, elle vient quelquefois les voir, elle s'entend bien avec sa belle-mère. D'ailleurs il lui est arrivé de ramener en Loraine, des plants de la fameuse mirabelle qu'elle a si bien implantée qu'elle sera appelée « Mirabelle de Lorraine ». Lors de cette visite, elle laisse sa dernière fille : Marguerite. Elle aime son grand père, les jardins pleins de couleurs et de chants d'oiseaux et des animaux si étranges... Eléphant, tigre, singes, autruche...

Jeanne lit et relit les livres écrits pour elle par René : « Le mortifiement de Vaine Plaisance » - « Le cuer d'Amour épris » - « Le livre des tournois » - « Le Mirouer des Dames » - « Mirouer de Vie d'Homme et de Femme »... et d'autres livres religieux précieusement enluminés.

René s'enfonce doucement dans ce qui sera son dernier sommeil. La petite Marguerite et Jeanne lui apportent grand réconfort.

Le vendredi 14 juillet 1480, jours des obsèques, les Provençaux créent une véritable émeute lorsqu'ils apprennent que René veut reposer auprès d'Isabelle en Anjou. Pour les calmer, Jeanne promet qu'il restera à Aix mais, dans une nuit fait transférer son corps dans le splendide mausolée qui sera construit en suivant à la lettre les dessins de René.

{Marguerite rentre en Lorraine à la cour du Roi René II, puis elle épouse René d'Alençon et à la mort de son mari elle se rtire au Couvent de St François de Paule, monastère qu'elle avait fondé. Elle y meurt en odeur de Sainteté (béatifiée en 1909) et... la légende dit qu'elle n'a jamais renoncé à ses parfums malgré son vœu de pauvreté !}

Jeanne a survécu à tous les enfants de René, elle s'est éteinte tout doucement à l'âge de 65 ans, un âge respectable pour son époque... car comme disent certains elle souffrait de nombreux maux, mais de ceux qui empoisonnent la vie mais... ne font pas mourir.



[1] - Pierre IV d’Aragon, dit Pierre le Cérémonieux, père de Jean 1er d’Aragon et d’Eléonore qui a épousé Jean 1er de Castille et mère de Ferdinand 1er d’Aragon.

[2] - 1ere maison d’Anjou : Les Ingelgeriens. De Ingelger jusqu’à Richard Cœur de Lion en passant par Foulque de Nerra, Foulque de Réchin et Henri Plantagenêt. Je vous avais raconté le début de la 2ème maison d’Anjou : Charles 1er d’Anjou, Charles II….

[3] - Jeanne 1ère de Naples fait appel au Pape et Roi de France et adopte Louis d’Anjou pour hériter de La Provence. Lorsque Louis rejoint la Reine Jeanne à Naples pour la défendre des partisans de son mari Charles Duras, celle-ci est morte étouffée sous des oreillers. Louis n’a pas réussi à reprendre le royaume de Naples car il meurt deux ans plus tard. Sa mort ouvre la guerre de succession de la Provence (1382/1386) dite d’Union d’Aix entre les partisans de Charles Duras et ceux de Louis 1er d’Anjou. Une guerre s’oppose en Provence entre les différents partis (Tuschins) jusqu’à la mort de Louis 1er d’Anjou.

[4] - Palais de la Joie

[5] - Jouvenel des Ursins, chronique du règne de Charles VI.

[6] - Ils tiendront leur promesse, la croix reliquaire est représentée dans la double traverse à la clef de voûte de la chapelle du château d’Angers.

[7] - Extrait de Jean de Bourdigne – Annales et Chroniques d’Anjou.

[8] - Dom Calmet « Chronique de Lorraine ».

 
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