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02.02.2016 - Un bon moment !...

Merci à Janice pour son travail...

Voici un résumé de sa conférence.

PICASSO S’AMUSE

La Culturothèque

Pablo Picasso est un phénomène du monde artistique du XXe siècle.  Il a commencé à dessiner sérieusement dès l’âge de 4 ans, et a continué pratiquement jusqu’à sa mort à l’âge de 91 ans.  Et toujours en s’amusant.  Une vie longue et dont une bonne partie (la meilleure partie ?) s’est passée en Provence, lieu de détente qui le rapprochait à son Espagne natale. 

Pablo est né à Malaga, en Andalousie (sud de l’Espagne), le 25 octobre 1881, fils de José Ruiz Blasco et Maria Picasso Lopez.  Son père était peintre amateur et donnait des cours de peinture tout en occupant un poste administratif à différents musées de Beaux-Arts.  Très tôt, Pablo a pris le nom de famille de sa mère, Picasso, plus « exotique ».   A Malaga il était choyé, il vivait dans un entourage féminin :  il était le seul descendant mâle de la famille.  Il savait dessiner avant de parler et ne fera jamais de très longues études : l’école l’ennuyait, sauf s’il pouvait dessiner.  Pendant toute sa vie il s’est exprimé à travers le dessin et la peinture plutôt qu’avec des mots.

Le travail de son père emmène la famille à La Corogne puis à Barcelone.  Pablo profite de ces déplacements pour visiter des musées et apprendre la peinture ;  bientôt il dépasse son père de telle façon qu’à l’âge de 14 ans il peint comme un professionnel. A Barcelone il fréquente le café « Les 4 Chats » où il se lie d’amitié avec un groupe d’intellectuels, et commence à faire des illustrations de magazines pour vivre.

Il se trouve souvent insatisfait et tente sa chance à Paris où il squatte chez des copains.  Il a besoin des autres pour s’inspirer et s’amuser, et il y passe beaucoup de temps, de telle façon qu’il doit travailler surtout la nuit. A partir de ses premières expositions, il commence à vendre un peu.  Les œuvres de cette période font partie de sa « période bleue ». Il établit son atelier au « Bateau Lavoir » à Paris où il fait la connaissance de la première femme de sa vie, Fernande Olivier.  Il commence à cultiver un goût pour le mystère, refusant d’exposer avec les autres peintres de sa génération.  Il arrive néanmoins à se constituer une clientèle avec des connaisseurs qu’on pouvait considérer à l’époque comme des « mécènes » comme les collectionneurs américains Léo et Gertrude Stein.

Il s’entoure de sa « bande», des peintres et surtout des peintres espagnols, mais aussi des photographes et des poètes : Apollinaire et Max Jacob, par exemple.  Cette période fertile dans la carrière de Picasso mènera à sa période rose où il introduira par exemple le personnage de l’Arlequin, qu’on retrouvera dans son œuvre à d’autres moments de sa carrière.  Arlequin traduit l’intérêt de Picasso pour la scène, le cirque, des lieux d’amusement.  Arlequin est un acteur ; il est costumé.  On verra par la suite que Picasso adorera se costumer et écrira même des pièces de théâtre.  Bref, cette vie de bohème à Montmartre convient parfaitement à Picasso, qui y passe de bons moments aux cafés et qui continue à explorer les différentes possibilités que l’art lui propose, et notamment la sculpture.

En 1906 Picasso avait 25 ans ; il arrivait à vendre ses tableaux ; il avait une belle maîtresse et la vie lui souriait. Puis en 1907 ce sera son tableau « Les Demoiselles d’Avignon », tableau exécuté rapidement et quasiment dans la clandestinité car il ne voulait pas être copié par ses amis peintres. C’est un défi lancé à Matisse, le peintre en vogue du moment, et le précurseur du nouveau mouvement le cubisme.  Picasso travaillera en collaboration avec Georges Braque, et ce nouveau style sera adopté par toute une génération de peintres.  Le cubisme exige d’analyser les lignes et les formes pour les recomposer.  C’est le premier cubisme dit « analytique », et qui, poussé plus loin, mènera à l’art abstrait.  Picasso voulait que le sujet de son tableau soit reconnaissable, et va donc y ajouter des éléments tels que des lettres ou des collages qui font la synthèse de la scène, mais bouleversé.  Ce sera le cubisme « synthétique ».

En 1912 Picasso viendra pour la première fois en Provence avec une nouvelle amie, Marcelle Humbert, qui deviendra « Eva » dans ses œuvres.  Il y rencontrera pour la première fois la silhouette de l’Arlésienne.  Mais la Première Guerre Mondiale va mettre fin à sa tranquillité : ses amis sont mobilisés.  De retour à Paris il fait la connaissance de Jean Cocteau qui lui commande un rideau de scène pour « Parade », un ballet exécuté à Paris par les Ballets russes.  Parmi les danseuses se trouve Olga Kokhlova, qu’il épousera et qui lui donnera un fils, Paulo, en 1921. 

Si Fernande avait été sa compagne pendant sa période bohème à Montmartre, Olga sera celle qui l’accompagnera vers le succès financier et mondain.  Il prendra l’habitude de passer les étés près de la Méditerranée, bien qu’Olga préférait les plages de Normandie.  L’optimisme de l’après-guerre fait place petit-à-petit à l’angoisse et la violence.  La frénésie de son tableau « Les Danseuses » préfigure la violence de « Guernica ».  Mais Picasso ne sombre pas dans le pessimisme.  Dans un nouveau atelier à Boisgeloup il se lance dans la sculpture, avec tout ce qu’il trouve autour de lui -- fil de fer, argile, bois, métal – pour réaliser ses idées en trois dimensions.  Et il trouve un nouveau modèle, Marie-Thérèse Walter, qui lui donnera une fille, Maïa.  Sa carrière est maintenant assurée et les marchands de tableaux organisent régulièrement des expositions pour présenter ses œuvres.

La situation en Europe est de plus en plus tendue pendant les années 1930 avec la guerre civile en Espagne et la montée du nazisme en Allemagne.  Entre 1936 et 1938 Picasso passe chaque été à Mougins avec des amis comme Paul Eluard, Man Ray et Lee Miller, photographes.  Il a trouvé une nouvelle compagne, Dora Maar, photographe, qui l’accompagnera pendant les années difficile de la Deuxième Guerre Mondiale.  Picasso trouve un nouveau thème qui lui rappelle la tauromachie de son Espagne natale, le Minotaure, bête mythologique avec lequel Picasso s’identifiera.  Il passe des journées tranquilles avec des bains de mer et de longues promenades. Avec ses amis, ils s’amusent à se déguiser, par exemple en costume d’Arlésienne… Un jour il arrive dans le village de Vallauris, réputé pour ses céramiques.  Picasso se passionnera pour ce travail d’artisanat et deviendra plus tard un habitué des ateliers du village.

Picasso passera les dures années de la Deuxième Guerre Mondiale à Paris où il vit et travaille dans son atelier des Grands-Augustins, atelier qui avait été trouvé par Dora Maar et où il a eu assez de place pour peindre son chef-d’œuvre Guernica. Il fait des portraits, de la sculpture, et écrit même une pièce de théâtre farfelue pour amuser ses amis.  Après la guerre il fera partie du Parti Communiste avec lequel il partage des idéaux humanistes, et crée pour eux une célèbre affiche avec une colombe, symbole de la paix.

Après la guerre Picasso passera de plus en plus de temps en Provence.  Il aura différents logements, à Ménerbes avec Dora, à Antibes, puis à Vallauris où il fait de la sculpture et où il profite de la nouvelle famille qu’il a fondé avec Françoise Gilot qui lui a donné deux enfants, Claude et Paloma.  Il sera très populaire à Vallauris où on organise des festivités taurines en son honneur et où il trouve un nouveau terrain de jeu dans les ateliers des potiers où il fait cuire plats en céramique et figurines. 

Mais le temps de la séparation vient.  En 1955 sa femme Olga meurt, mais il est déjà grand-père, puisque son premier fils, Paulo, a eu un petit Pablo. Puis c’est au tour de ses amis, Paul Eluard et Matisse de disparaître.  Il va se séparer d’avec Françoise Gilot, séparation qui laissera un goût amer dans sa vie, puisqu’elle écrira un livre qui aura comme résultat de l’éloigner de son fils Claude.  Il évite la dépression en se lançant dans des dessins de femmes nues, et puis dans la tauromachie.   

C’est son amour de la tauromachie qui l’amènera à Arles. Dès 1954 il s’affiche à une corrida à Vallauris avec une nouvelle compagne, Jacqueline Roque.  C’est à ce moment-là également qu’il s’établira définitivement en Provence, à Cannes, dans la villa « La Californie », ancienne résidence de la Reine Victoria sur la Côte d’Azur.  Jacqueline veillera sur son intérieur, le préservera des intrus et lui préparera de bons petits plats.  En 1957 il vient à Arles pour visite l’exposition de ses œuvres organisée par le Musée Réattu.  Il prendra l’habitude des férias d’Arles et appréciera l’ambiance festive de la Place du Forum.  En 1958 il reprendra le thème de l’Arlésienne, avec, cette fois, Jacqueline comme modèle, et en 1960 peindra une série de 6 vues des arènes d’Arles.

A la Californie il sera entouré d’enfants, autant les siens que la fille de Jacqueline, Catherine, et d’animaux.  Il fabrique des masques pour Claude et Paloma, puis les utilise pour accueillir des visiteurs : cela permet de faire tomber la gêne des premiers moments de rencontre.  Et il continue de travailler, se tournant vers les grands maîtres comme Manet ou Vélasquez dont il interprète les œuvres à sa manière.  Mais la vie sur la côte est parfois agitée : il décide de chercher un endroit plus calme et achète le château de Vauvenargues au pied du Mont Ste. Victoire.  Cet emplacement le rapprochait des taureaux de Nîmes ou d’Arles, mais également de son Espagne natale. Néanmoins son enthousiasme pour Vauvenargues ne dure pas longtemps et il revient assez vite sur la Côte d’Azur.  Il épouse Jacqueline le 2 mars 1961 à Vallauris lors d’une cérémonie secrète.  Par contre pour célébrer son 80e anniversaire 6 mois plus tard il y a 4000 invités !  Exposition, repas sur la plage, corrida dans l’après-midi avec ses amis Miguel Dominguin et Ortega, feux d’artifice en fin de soirée – une journée inoubliable !

Son dernier atelier sera situé dans un mas provençal à 8 km de Mougins, Notre-Dame-la-Vie.  C’est là où il exécute ses dernières sculptures et beaucoup de dessins comme la série de 57 dont il fit cadeau au Musée Réattu d’Arles, et qui représente son œuvre entière pendant quelques mois au début de l’année 1971. Dans ces dessins, qui sont presque un testament artistique, il revient sur des thèmes qu’il a évoqués pendant toute sa carrière, l’Arlequin, le Mousquetaire, l’artiste et son modèle, le Minotaure. Mais cette fin de vie ne sera pas de toute tranquillité : Picasso aura des ennuis de santé, et il perdra son atelier des Grands Augustins à Paris dont il aurait voulu faire un musée.  Quand il s’éteint le 8 avril 1973, il n’avait fait aucun testament ni pris aucune disposition concernant ses œuvres.  Paulo et Jacqueline décident de l’enterrer à Vauvenargues.

Avec Picasso, il est difficile de distinguer entre ce qui est art et ce qui est simple jeu.  En fait les deux se rejoignent dans sa vie et dans son œuvre. L’art est création et défi ; le jeu aussi. Picasso joue avec son pinceau, mais il joue aussi avec ses spectateurs, en gardant le secret sur certaines de ses œuvres, en défiant le spectateur à apprécier une œuvre souvent avant-garde ou faussement simpliste. C’est le propre d’un grand artiste, qui arrive non seulement à créer mais aussi à vendre.

 

 

 
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