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17.11.2015 - Les compagnons ne sont pas nés spontannément suivant les besoins....

AVIGNONNAIS LA VERTU ET LES COMPAGNONS DU DEVOIR.

La Culturothèque 17 novembre 2015Michèle.


« Avignonais la vertu »  de son nom Agricol Perdiguier était un « compagnon menuisier du devoir de liberté ». Agricol Perdiguier est resté dans l’histoire comme le plus notoire des compagnons car il agi pour moderniser l’institution du compagnonnage…

Mais… c’est quoi, un Compagnon ?  Qu’est ce que le compagnonnage ?

Il y a les compagnons dans les corporations de métier. Ce n’est pas d’eux qu’il est question aujourd’hui.

Le compagnonnage serait un mouvement né à l’époque des grands chantiers du Moyen Âge lorsque s’édifiaient les cathédrales (vers le XIIe siècle), voire bien avant d’après les Compagnons mais les preuves manquent pour l’affirmer. Leur savoir a fait d’eux des hommes accomplis et considérés de touts, se déplaçant de chantier en chantier. Ils portaient des anneaux d’or au lobe de l’oreille en signe de leur liberté.

Parler du fonctionnement des sociétés compagnonniques sans les étudier dans le détail, profession par profession, ville par ville… serait très difficile, pour différentes raisons :

-       de la règle du silence et du secret

-       pendant longtemps les règlements n’ont pas été écrits, ils ne se transmettaient que par voie orale

-       l’histoire du compagnonnage est très complexe par ses rivalités,

-       par la variabilité de la législation et des attitudes du pouvoir à leur égard parce qu’il y a toujours eu des divisions entre eux et plusieurs sociétés de compagnons…

Définition du « Compagnon » : Pour Agricol Perdiguier le nom de « compagnon » vient du compas.

La définition du Larousse : qui partage le même pain.

Pour le Littré c’est celui qui accompagne une autre personne.

C’est un peu difficile de se retrouver dans toutes ces définitions…

La définition compagnonnique est donc « celui qui transforme la matière à l’aide du compas et de l’équerre ». Mais tous les compagnons n’utilisent pas ces outils sacrés… 

Les compagnons ont-ils toujours existé ?

On peut toutefois admettre que les Compagnons travaillaient sur les grands chantiers du début du XIIe siècle.

Les compagnons affirment, qu’ils ne sont pas nés « spontanément » au moment des besoins immenses en ouvriers et maîtres, pour eux en Egypte, au moment de la construction des Pyramides on trouvait déjà une élite ouvrière initiée par des grands prêtres ayant une longue canne.

La légende originelle de tous les compagnons n’est pas trop contestée : c’est sous les ordres de maître Hiram, architecte du Temple de Salomon que l’esprit compagnonnique serait né. Pour distinguer les ouvriers accomplis, le Maître donnait un mot de passe aux ouvriers qui devaient être le mieux payés. Ce système ne visait sûrement qu’à une juste récompense les mérites de chacun des ouvriers et permettait peut-être d’écarter les oisifs et les tricheries.

La légende raconte aussi que trois ouvriers voulant s’approprier du mot de passe, à ce moment là « Jakin » qui voulait dire force en hébreux, frappent Hiram à plusieurs reprises et l’enterrent dans trois fosses. Une pour le corps sur laquelle ils plantent une branche d’acacias, une pour les vêtements et la dernière pour sa canne de jonc dont il ne se séparait jamais.

Il existe trois familles de Compagnons :

·         Les Compagnons Du Devoir de La Liberté (C.D.D.D.L.) qui se proclament avec fierté les Enfants de Salomon.

·         Les Compagnons Du Devoir (C.D.D.) qui font références à deux personnages légendaires de la même époque et se divisent en deux familles,

·         Les enfants de Maître Jacques. Maître Jacques, Maître des menuisiers, des tailleurs de pierre et des mâcons qui après son travail terminé au Temple aurait débarqué à Marseille (qui n’était pas créée à cette époque !)

·         en compagnie de  Soubise, autre Maître qui aurait, suivant les différentes légendes débarqué lui à Bordeaux (qui existait encore moins).

Les Compagnons interrogés sur ce point chronologique répondent qu’ils ne sont pas à quelques siècles près car « ils travaillent pour l’éternité ».

Les aléas du calendrier ne sont pas les seules notes obscures dans l’histoire du compagnonnage car, pour des raisons inconnues, Soubise aurait fait assassiner Jacques qui s’était retiré à l’ermitage de la Sainte Baume,  sur sa tombe on trouve toujours l’acacia et le jonc…  Jacques aurait pardonné à ses ennemis, sa légende comporte de nombreux points avec le Christ, il aurait eu 13 compagnons et 40 disciples… il aurait dû se défendre contre des disciples… les disciples du Père Soubise.

Si tout Compagnon du Devoir se rend encore aujourd’hui en pèlerinage une fois dans sa vie à la Sainte Baume, c’est surtout qu’ils ont fait de Marie-Madeleine leur patronne qui symbolise le rôle de la femme dans le compagnonnage. Pour les Compagnons, Madeleine est allée du visible au tangible jusqu’au jardin de la résurrection où elle ne doit plus toucher le Christ et où elle doit s’élever vers l’invisible… c’est cette démarche que reprennent les compagnons : aller du visible à l’invisible.

Une autre légende est souvent avancée qui est tout aussi invérifiable… Maître Jacques serait le dernier Grand Maître du Temple (dans l’ordre des Templiers)… C’est vrai que les Templiers ont fait appel à beaucoup de bâtisseurs pour mener leurs grands travaux. Au retour des croisades les templiers ont pu initier les ouvriers des nouvelles techniques…  On remarque tout de même que le nom des grands Maîtres du Temple étaient nommés par leur prénom suivi d’un nom de lieu comme l’on fait plus tard les Compagnons (Robert de Craon, Philippe de Milly, etc…). On pourrait expliquer que pour les récompenser de leur travail, des franchises de circulation leur auraient été données par les Templiers pour devenir les « Francs-Compagnons » et les « Maçons-Francs ».

Les enfants du Père Soubise.

Le Père Soubise est le fondateur des Compagnons charpentiers, couvreurs, plâtriers (les tailleurs de pierre son restés chez les Salomon et les Jacques). Ce sont ses disciples qui auraient participé à la construction de la Cathédrale de Chartes.

Agricol Perdiguier a écrit « Le livre du Compagnonnage » publié en 1840 et propose des versions un peu plus variées de la légende « … par le commandement du roi Salomon, on amena de grandes pierres de prix et toutes taillées pour faire les fondements du temple, de sorte que les ouvriers tailleurs de pierre et autres de Salomon et d’Hiram taillèrent et préparèrent les pierres et les bois… »

Pour lui il n’est pas question de l’assassinat d’Hiram. Et sa version sur les deux autres fondateurs « … Maître Jacques et Maître Soubise revinrent dans les Gaules ; ils avaient juré de ne jamais se séparer ; mais bientôt, Maître Soubise dont le caractère était violent, devint jaloux de l’ascendant que Maître Jacques avait acquis sur leurs disciples, et de l’amour qu’ils lui portaient, se sépara de lui et choisit d’autres disciples. Maître Jacques débarqua à Marseille et Maître Soubise à Bordeaux… »  (il est question ensuite de l’assassinat de Maître Jacques retiré sur la Sainte Baume par des disciples de Soubise).

En tout cas, ces légendes paraissent persister  tant chez les Compagnons que chez les Francs-Maçons.

La différence entre les deux ?

Les Compagnons exercent un métier manuel.

Les Francs Maçons spéculent sur l’élévation spirituelle de l’homme et ont adopté beaucoup de rites et symboles compagnonniques sans avoir un métier reconnu par les Compagnons.

Les symboles communs sont :

·         L’acacia : la branche plantée sur la tombe d’Hiram avait refleuri. C’est un symbole d’innocence et de resurrection.

·         Le maillet : représente l’intelligence et l’autorité.

·         Le niveau : c’est l’accession à la connaissance, à  l’épanouissement.

·         Le compas : Ouverture d’esprit, placé sous l’équerre, croisé sur ou sous des branches selon des degrés de connaissance et de grade.

·         Equerre : elle représente la matière, la rectitude et le respect des lois.

Sur les documents Franc-maçons et sur les outils des Compagnons on retrouve souvent ces symboles.

L’époque des Cathédrales.

La construction des Cathédrales coïncide bien avec le retour des croisés. Il se peut qu’ils aient effectivement ramenés d’Orient des secrets de construction. Les sculptures et les vitraux des cathédrales montrent beaucoup de symboles : comme le compas, l’équerre, la truelle, le niveau, le lapin, le chien, le singe, etc…

Dans le début du XVe siècle on retrouve des rapports de la maréchaussée qui fait allusion à des ouvriers sur le Tour de France. Des peintures montrent des bâtisseurs portant des couleurs…

C'est le moment de dire quelques mots sur les rites. L'admission dans le Compagnonnage est sanctionnée par une cérémonie appelée la Réception. Celle-ci, d'après le peu que nous pouvons en savoir, car elle reste aujourd'hui encore très secrète, se décompose en deux parties : d'une part la prestation d'un serment de fidélité au Devoir et à ses règles, notamment la solidarité entre Compagnons ; d'autre part la mise en scène d'une sorte de pièce de théâtre dans laquelle le nouveau membre occupe la place centrale. Si cette représentation varie beaucoup d'un métier à un autre, la trame est généralement identique : à l'origine de la société, il y a souvent un fondateur qui a été assassiné et qui, en quelque sorte, connaît comme une résurrection, une réincarnation dans le nouveau membre. Dans le même temps, ce dernier est souvent assimilé à l'assassin du fondateur, ce qui peut sembler paradoxal. Quoi qu'il en soit, ce rite de réception est un rite de mort et de résurrection. C'est pourquoi il se termine par un baptême, l'initié recevant un nouveau nom puisqu'il est né une seconde fois. Chez les Compagnons tailleurs de pierre, qu'ils soient du rite des Passants ou de celui des Étrangers, ce nom est formé par celui d'une vertu suivi de celui de la ville dont il est originaire. L'on a ainsi : la Prudence d'Avignon, la Fidélité de Lyon, Joli Cœur de Bordeaux, la Sagesse de Paris, etc.

Les outils

On trouve des outils décorés de dessins symboliques, mais dès la préhistoire déjà les outils comportaient des dessins solaires, stellaires, lunaires ou phalliques… les Compagnons ont continué en ajoutant des signes encore plus ésotériques.

L’endroit ou sont conservés les outils ne s’appellent pas musée, c’est la : « Maison de l’outil et de la pensée ouvrière ».

·         Maison : c’est aussi le lieu de rencontre et de passage, l’endroit que l’on habite physiquement et spirituellement.

·         La pensée : les ouvriers considèrent ne pas transformer la matière qu’avec leur mains, mais ils la transforment aussi avec leur esprit.

·         Ouvrière : Les compagnons appliquent cette forme de travail-pensée.

Tous les outils des compagnons ne sont pas marqués ou signés. Ils ne leur attachent pas tous la même importance. Pour certains,  seul le résultat du travail comptait et leur principe… la sensibilité de chacun pouvait s’exprimer.  Compagnon, oui ! Uniformité, non.

En ajoutant son savoir, le Compagnon a le plaisir et la fierté d’appartenir à une classe sociale supérieure, « On fait, ou on ne fait pas, Quand on le fait, on le fait bien ». C’était la devise du Maréchal Lyautey, mais elle aurait pu être celle du Compagnon.

Du Maréchal, le compagnon avait aussi le bâton… La canne est le bâton du Compagnon.

La canne du Compagnon. Est-ce un outil ? Oui : de marche, de combat, de reconnaissance, de distinction et c’est aussi un outil de traçage. Chaque société compagnonnique a la sienne, elles ont tous la même signification : aider le Compagnon. Dans son Tour, il s’appuie dessus mais symboliquement, le « Compagnon peut s’appuyer sur le compagnonnage ». Les couleurs sont fixées sur la canne, à la boutonnière et aussi elles étaient fixées sur le chapeau haut-de-forme… bleu pour le travail du bois, rouge pour les métiers du feu, vert pour ceux du cuir, blanc pour les tailleurs de pierre et maçon, jaune pour les boulangers et pâtissiers…

La pastille de la canne peut être gravée du compas et de l’équerre, outils typiques du métier… des lettres sacrées par exemple (U.V.G.T : Union Vertu Génie ou Géométrie Talent - ou I.N.D.G. : pour les charpentiers de Soubise). Pendant les périodes ou les compagnons étaient mal tolérés leur nom et leur métier étaient gravés en abréviations ésotériques destinées aux initiés : C.. M.. F… D. = Compagnon Maréchal-Ferrant du Devoir.

La férule creuse de la canne, ne servait pas à cacher le « passeport » comme certains le pensent, en fait la férule est dévissable pour transformer la canne de marche à embout pointu en canne de cérémonie en embout rond. La canne est le seul outil que le compagnon emporte dans sa tombe car nul ne peut se l’attribuer. Seul le « rouleur » (ou rôleur) peut transmettre sa canne, qui est différente de celle des autres compagnons, puisqu’elle est le symbole de la principale fonction : l’embauche.

Le passeport.

Est un document délivré par la Cayenne pour prouver que le Compagnon est libre de tout engagement envers celle qui  l’a accueillie pendant son tour de France. Ce document appelé cheval chez les charpentiers, carré = couvreurs, mouton = maçons ou affaire, égard, ariat, trait carré, navire, bateau, chose… etc. (plus il y avait de noms, moins les non initiés s’y retrouvaient).

Il y a trois grades chez les compagnons :

L’Apprenti ou Affilié (le lapin) : il n’a pas accès aux secrets mais commence à apprendre le Tour.

Le Compagnon (le renard) : qui est reçu après initiation et chef-d’œuvre reconnu par ses pars. Il reçoit alors son nom compagnonnique, il peut porter la canne et les couleurs.

Le Maître ou « Compagnon Fini » (le chien) : retiré du Tour, il est souvent installé à son compte, il peut employer et enseigner les Compagnons. Il assume souvent des fonctions honorifiques dans la cayenne de « rouleur » et de « premier en ville ».

Lucien Carny nous donne un extrait d’un accident de travail « Le Compagnon Du Devoir qui gâchait, expliqua au juge l’accident. Pour ce faire, il sortit sa reinette et grava sur la table du juge les positions des ouvriers sur le chantier en disant : « moi, le Chien (compagnon fini), j’étais ici et le Singe (le patron) était à côté de moi ; alors au moment du levage, la chèvre (machine de levage) à biqué, tuant Renard (compagnon en attente de devenir Chien), blessant le Lapin (apprenti)et cassant la patte au Loup (Compagnon)».

Le compagnonnage.

Le compagnonnage a dû lutter contre les corporations et leurs privilèges accordés aux maîtres et à leurs fils. L’interdiction de quitter une place ou de voyager en franchis comme les maçons-francs les a obligés au secret.

Pour éviter qu’ils deviennent trop indépendants ils ne devaient pas posséder leurs outils.  Mais certains patrons les exigeaient ! Ce sont les Templiers qui leur auraient donné la liberté de circuler dans le royaume puis en Europe afin de bâtir les édifices les plus grandioses : palais, cathédrales, châteaux.

Le Compagnon préfère la pratique, la géométrie à tous les mots savants : le travail bien fait est sa seule récompense. Il sait qu’il est mortel, il vit pour son travail qui conditionne et dirige sa vie. Son seul jugement : l’Eternité. Transmettre le savoir et l’outil constitue tout l’héritage du compagnon. Cette transmission serait un gage de liberté et d’égalité dans l’accession à la connaissance. Elle devait permettre la fraternité que les Compagnons exigent entre eux… envers les autres.

Les rixes et les rivalités, parfois mortelles, la préséance à l’embauche, les différences religieuses, ne confirment pas pourtant tellement cette fraternité.

La transmission de  leur connaissance initiatique leur permet de vénérer leur art et ses outils : le cordeau, le fil à plomb, le compas, l’équerre… tous ces éléments leurs donnent un sentiment d’élévation qu’ils appliquent à leur construction.

Pendant son Tour de France, sur les Chemins de Compostelle, le compagnon ne se servait pas d’arme, il suivait son étoile… Les symboles de ces voyages, coquilles, étoiles, croix sont gravées sur les outils. Elles ont toutes une signification :

Croix de St André : symbole de protection pendant le voyage.

Coquille : symbole du pèlerin de Compostelle qui avait le droit en la portant, à l’aide et à la protection. (Shell).

Etoiles : 5 branches. Pouvoirs contradictoires mais bénéfiques…. 6 branches étoile de David ou sceau de salomon… 7 branches, harmonie, le chiffre de l’éternité, de la perfection…  8 branches, l’équilibre cosmique, la promesse de résurrection.

JB : Sur une des deux colonnes devant le Temple de Jérusalem étaient gravées la lettre J qui signifie Jakin, sur l’autre B, interprétés en hébreu par préparation et force, souvent accompagnées de l’acacia.

Pendant les Croisades les Compagnons sont mêlés par les Templiers « Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon » au « Devoir », les Compagnons officiellement n’existent pas. Mais ils vont édifier les cathédrales…  Les Compagnons sont relativement unis mais l’effondrement de la Cathédrale d’Orléans en 1278, suivie de celle de Beauvais en 1284 va commencer une longue querelle entre les Charpentier Soubise (Les Soubise et les Jacques catholiques) et les tailleurs de pierre Salomon (Les Salomon ouverts aux ouvriers sans parti pris de religion).

Plus tard, ils vont participer à la construction de Saint-Germain, de Versailles, du Louvre…

Au XVIe siècle le compagnonnage est combattu il représente une organisation intolérable au pouvoir central absolu.

Les guerres de religions vont priver la France d’une grande partie des Compagnons protestants ou non catholiques. Ils iront faire fortune dans leur pays d’accueil et aussi faire la richesse de ces pays.

Le fanatisme, le sectarisme, le mépris des ouvriers non Compagnons (espontons) et les brimades envers les apprentis vont contribuer pour beaucoup à la décadence du compagnonnage qui va presque définitivement sombrer au début du XXe siècle.

Agricol Perdiguier.

Agricol Perdiguier, ouvrier menuisier, né en 1805 à Morières les Avignon. « Avignonnais la Vertu », Avignonnais pour la ville natale et Vertu pour son message, pensait que le compagnonnage devait garder sa pratique et son perfectionnement ainsi que l’entraide sur le Tour de France.  Il pensait que les compagnons devaient abandonner leurs haines ésotériques et leur brutalité primitive pour gagner en efficacité sociale et humaine. Il était républicain. Patriote il avait souffert de la « Terreur Blanche ». Il avait fait son tour de France de 1823 à 1829 et avait décidé de se fixer à Paris.

Dans son « Livre du Compagnonnage » il prêche par l’exemple, par la parole, par l’écrit.

Il est un de la première génération de travailleur manuel accédant à la culture écrite, « un ouvrier poète ». Compagnon, républicain, grand amateur de théâtre et de chansons (il en écrit et compose), se fait connaître des « intellectuels » de la vie parisienne et, entre autres, de George Sand qui découvre son « Livre du Compagnonnage ». En 1842 elle fait de lui le personnage central de son roman « Le Compagnon du Tour de France ».

Par ce roman, George Sand fait connaître aux lettrés et aux politiques qu’il y a dans la vie et dans le « folklore  populaire » de quoi inspirer le respect. Eugène Sue  lui rend hommage dans « Le Juif errant », Mistral l’évoque dans Calendal.

C’était l’époque d’une atmosphère de romantisme et de démocratisme un peu mélangé qui fait qu’Agricol Perdiguier devient assez connu. En 1848 le suffrage universel (masculin) l’élit représentant du peuple en 1848 dans le Vaucluse et la Seine. Il est élu de gauche. Réélu en 1849 (dans la Seine seulement) il s’oppose au coup d’Etat du 2 décembre 1851 et est expulsé. Il passe son exil de 4 ans en Belgique et en Suisse puis rentre à Paris. C’est durant son exil qu’il écrit en 1854 ses « Mémoires d’un Compagnon » qui reste une œuvre admirable qui fait revivre la condition de l’artisan, l’esprit des travailleurs mais aussi divers aspects d’une personnalité attachante.

Il continue à militer discrètement et reprend son travail de menuisier. En 1870 il devient adjoint au maire du Xème arrondissement de Paris. Plutôt légaliste et modéré il refuse de prendre part à la Commune et s’exclut ainsi de la représentation ouvrière majoritaire.

Il est mort à Paris sans notoriété particulière.

Les compagnons de tous rites ont conservé son culte et viennent se recueillir sur sa tombe, au Père Lachaise, surmontée d’une ruche, le jour de la Toussaint et pour l’occasion sortent leurs insignes, cannes et couleurs.

Le déclin du compagnonnage.

Après la mort d’Agricol Perdiguier, la révolution industrielle qui met en place des procédés de fabrication moins dépendants des tours de main et secrets de métiers, l’organisation de la formation par alternance, l’échec de l’unification des compagnonnage, le chemin de fer qui bouleverse la pratique séculaire du Tour de France à pied entraînent le déclin du compagnonnage.

A partir de 1884 les syndicats sont autorisés et séduisent le monde ouvrier.

Lucien Blanc, dit « Provençal le Résolu » crée en 1889 l’ « Union compagnonnique des devoirs unis » mais ce mouvement ne parvient pas à rassembler tous les devoirs et relancer le compagnonnage.

Le compagnonnage survit cependant attirant entre les deux guerres l’attention des traditionalistes.

Pendant le Régime de Vichy, le maréchal Pétain accorde une « charte du compagnonnage » d’où naitra l’ « Association ouvrière des compagnons du devoir ». A la libération, l’  « Union compagnonnique » reprend ses activités et les deux rites de charpentiers, indiens et soubise fusionnent avant de donner naissance à la « Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment ».

A la fin du XXe siècle le compagnonnage continue d’attirer des jeunes recrues en conciliant traditions et modernité et en recherchant l’excellence. Il s’ouvre à l’Europe.

Aujourd’hui le Compagnon est attribué à l’ouvrier qui a rempli son temps d’apprentissage et de perfectionnement sur le tour de France. Il doit réaliser un travail appelé communément « chef-d’œuvre » qui est son travail de « réception » (qui est une cérémonie qui lui donnera le titre de compagnon).

Le Compagnon continue sa formation auprès de divers patrons et « pays » ou « coteries »  sur le tour de France. Il trouve une quarantaine de maison  de compagnons. Cette maison est gérée par une femme « Dame économe », « Dame Hôtesse » ou « Mère » en fonction du degré d’initiation reçue par cette dernière. Dans les maisons sont situées les « Cayennes » et les « Chambres » (loges) où se réunissent les Compagnons de chaque Métier. On trouve aussi dans les maisons le « premier aspirant » qui seconde la mère en cas d’absence, le « Rouleur » ou « Rôleur » qui était chargé autrefois de l’embauche et qui maintenant seconde le Prévost ou le directeur tout en faisant office de maître de cérémonie.

Les Associations compagnonnique actuelles sont :

Ø  L’Association ouvrière des compagnons du devoir

Ø  L’Union compagnonnique

Ø  La Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment

Ø  La Société des compagnons selliers tapissiers maroquiniers cordonniers-bottiers du devoir du Tour de France. Famille du cuir

Ø  L’Association de Compagnons Passants Tailleurs de Pierre.

On peut considérer que le mouvement compagnonnique est typiquement français, comme l’art « gothique » qui aurait dû s’appeler art français ou flamboyant.

Les Compagnons utilisaient toutes leurs connaissances et leur temps pour cet acte de foi envers le travail et l’outil : les monuments architecturaux sont souvent les seuls témoins qui nous restent de ces hommes  qui devaient s’élever du visible vers l’invisible, ce sont des œuvres sacrées.  Le sacré fait partie intégrante de la culture ouvrière parce qu’il est  la plus radicale expression de l’identité humaine…

Certains pourraient conclure qu’en construisant, l’homme se construit lui-même, son accomplissement  se retrouve dans l’unité de la main et de la pensée.

Carrière (lexique) – mots liés au compagnonnage

Affilié : ou aspirant, ouvrier en attente de réception.

Appareilleur : ouvrier capable de tracer et diriger la mise en place.

Bidouilleur : celui qui « transforme », faussaire (argot du métier d’antiquaire).

Cayenne : loge ou maison des Compagnons.

Chien : surnom du Compagnon, signifiant fidélité. Chien blanc : surnom donné à tous les Compagnons boulangers. N’est pas péjoratif : le chien est fidèle et la farine est blanche.

Coltiner : porter sur le dos et le cou.

Conduite spectaculaire : façon d’accompagner le Compagnon quittant la ville. Conduite en règle = bonne conduite. Conduite de Grenoble = mauvaise ; équivaut à un renvoi.

Couleurs : rubans où sont brodés les symboles de chaque société et métier.

Défi : concours pour l’attribution du travail dans une ville.

Embauche (embauchage) : privilège important que chaque société procure au Compagnon (a donné lieu à des batailles sanglantes).

Esponton : celui qui n’est pas Compagnon. Injures employée envers les exclus ou les affiliés de certaines sociétés.

Gâcheur : responsable des maçons : par extension responsable du chantier.

Gagner la ville : par concours (ou par bataille). Obtenir l’exclusivité de l’embauche dans la ville.

Guilbrette : salut, très compliqué, pratiqué par les compagnons d’un même rite.

Hiram (ou Hyram) : Maître d’œuvre du Temple de Jérusalem. Roi de Tyr.

Hurlements : cris incompréhensibles qui permettent une communication secrète. Loup : dans certaines sociétés le Compagnon pratique des « hurlements » ésotériques pour communiquer avec les autres du même rite.

I.N.D.G. : lettres secrètes des charpentiers dits « indiens ». Significations diverses et controversées.

Initiatique : transmission d’un savoir à caractère secret.

Interdiction de boutique : défense de travailler dans cet atelier.

Jacquot ou Jacquet : celui qui fait le pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Il portait en symbole une coquille « Saint-Jacques ».

Lapin : surnom affectueux donné à l’apprenti. C’est aussi le nom du rabot que celui-ci se fabrique.

Nom compagnonnique : nom attribué au nouveau Compagnon. « Nouvelle naissance ».

Mère : femme qui gère matériellement et moralement la cayenne ; respectée au plus haut point.

Opératif : œuvre. Celui qui fait. (dérivé d’opéra).

Passage (marque de) : signe, souvent en forme d’outil, que le Compagnon grave dans les lieux obligés du Tour.

Premier en ville : Compagnon qui représente, à tour de rôle l’autorité dans la société.

Préséance : ordre d’importance des métiers. Chaque société adopte un ordre qui donne lieu à de violentes contestations. Attribuée selon l’ancienneté de la date de fondation.

Réception : cérémonie selon laquelle l’apprenti est admis dans la Société.  Travail de réception : œuvre personnelle ou collective jugée par les pairs.

Reconnaissance : les Compagnons s’admettent par cooptation. Pour conserver leurs secrets, ils emploient des signes spécifiques à chaque société.

Recevoir : les Compagnons ayant cayenne reçoivent d’autres métiers qui n’en ont pas.

Reconnu : accepté au sein d’une société compagnonnique.

Renard : affilié en attente de devenir chien.

Renégat : exclu définitif du Compagnonnage. On dit aussi « le dernier des derniers ».

Rouleur (roleur) : titre honorifique du Compagnon qui pratique l’embauche et l’assistance.

Tenue en chambre : réunion solennelle des Compagnons.

Toper : pratiquer les signes de reconnaissances secrets avec la main.

U.V.G.T. : Union. Vertu. Génie (ou géométrie). Talent (ou Travail). Lettres sacrées des Charpentiers Soubise.


 

 

 

 
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