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27.10.2015 - Qui vit dans les grottes ?

 


EDOUARD-ALFRED MARTEL INVENTEUR DE LA SPELEOLOGIE

La Culturothèque – 27 octobre 2015  - Michèle

 


On l’a vu lors de notre sortie à La Caverne du Pont d’Arc… que les grottes ont toujours intéressé les hommes. A la grotte Chauvet on nous parle d’œuvres d’art datées de – 36 000 ans, l’époque des chasseurs-cueilleurs et oui, déjà les hommes étaient des artistes !

Comme l’a dit notre guide, les grottes en fait n’ont jamais été habitées. Peut-être les hommes ont utilisés quelques grottes peu profondes comme abri de temps en temps, mais c’est surtout pour se rapprocher des dieux et des croyances que les hommes préhistoriques ont fréquenté ces lieux….

 

La spéléologie. Le mot spéléologie vient du grec ancien formé de « spelaion » qui signifie « grotte » de « logos » qui veut dire « raison, parole »…  La spéléologie est une science récente. C’est une activité qui consiste à repérer, explorer, étudier, cartographier ou visiter les cavités souterraines ou artificielles puis… à partager les connaissances relatives à ces cavités souterraines. Celui qui pratique la spéléologie est un spéléologue. Le spéléologue, contrairement aux idées reçues, doit être plus qu’un bon sportif qui de plus n’a pas peur de s’engouffrer dans la terre (et bien sûr ne doit pas souffrir de « claustrophobie » comme moi !). Il doit avoir de multiples facettes. Aujourd’hui c’est un scientifique mais aussi comme on a pu s’en apercevoir à la grotte Chauvet il doit être un artiste en plus d’avoir des connaissances concernant les plaques tectoniques, les volcans, l’ère glaciaire, l’anthropologie et aussi tout ce qui peut concerner les habitats troglodytiques, les souterrains… etc. Il lui faut encore des qualités de dessin, de la curiosité et l’envie de partager ses découvertes ou quelquefois simplement ses « intuitions ».

Je vous dis tout ça, car c’est ce que je pense mais… je ne crois pas être loin de la définition exacte donnée par la Fédération Française de Spéléologie : « La spéléologie est une activité pluridisciplinaire à forte plus-value éducative, elle allie à la fois des aspects scientifiques, environnementaux, sportifs et de loisirs. Elle a pour objectif l’exploration du karst et des milieux souterrains, naturels, artificiels ou anthropiques afin de contribuer de manière active à l’étude, la connaissance et la conservation des terrains de pratique de la spéléologie, tout en tenant compte des éléments du patrimoine de surface. » Donc s’il y a une Fédération concernant la Spéléologie, il y a donc des règles pour la pratique. Les puristes emploient le mot de « spéléiste » ou « touriste » pour désigner les adeptes de ce sport, mais on trouve également les mots de « trekking », « safari » ou « randonnée » ou « chasse » pour classer cette activité. C’est vrai que si on fait des randonnées avec Néné, quelquefois on peut faire de la spéléologie ! On peut aussi pratiquer la spéléologie en milieu aquatique. Dans ce cas on désignera le spéléologue par le terme par « spéléoplongeur » ou « spéléonaute ».

 

L’histoire de la spéléologie est assez récente. On la situe après la mode des aventuriers du XIXe siècle avec le développement des sciences qui a suivi le Siècle des Lumières, des courants « romantiques » et la mode du XVIIIe siècle qui poussait à rapprocher des mythes.

Les premières explorations ont commencées dans la Slovénie, ce qui était à l’époque l’empire austro-hongrois. Dans l’histoire de la Spéléologie on parle des cavités de la Carniole à partir de 1778 puis 1841 avec le fond de Trébiciano (ou Trébic), puis la grotte d’Adelsberg et les cavités avoisinantes explorées par Adolf Schmidl entre 1850 et 1857, qui a publié « Zur Höhlenkunde des Karstes » qui sera reconnu comme la première description remarquable d’une caverne et cet ouvrage est qualifié de fondateur de la spéléologie moderne. Le premier institut de spéléologie au monde est créé en 1920 en Roumanie (Cluj) par le biologiste Emile Gustave Racovitza. Mais… malgré tout, on peut dire que la spéléologie est une « science » française dont le précurseur est Edouard-Alfred-Martel.

En effet avec ses 1500 explorations et 922 références de publications son œuvre fait la référence de la spéléologie (malgré quelques réserves sur des théories qu’il a émises).

 

Mais… Qui est M. Edouard-Alfred Martel ?

Ses aïeuls étaient juristes, son père aussi. E.A. Martel est né à Pontoise (Val-d’Oise) le 1er juillet 1859. Il a fait des études au Lycée Condorcet à Paris puis il suit la trace de son père en passant sa licence en Droit pour devenir Avocat au Tribunal de commerce de la Seine.

Quel rapport entre son métier et la spéléologie ? Aucun.

E.A Martel il a eu la chance de faire partie d’une famille qui aimait les voyages.

Enfant il est allé tout près de mon village, dans les Pyrénées pour découvrir la Grotte de Gargas. J’y suis allée aussi petite… Mais je ne me rappelle pas trop la grotte. Simplement cette oppression qui m’enserrait la poitrine et qui, malheureusement me poursuit chaque fois que je visite une grotte. Mais.. là n’est pas notre propos. Edouard Martel, au contraire de moi, lui à dû apprécier cette visite. Et paraît-il qu’à cette époque on y rentrait avec des bougies. Il a écouté le guide à la « Salle de l’Ours » qui parlait surtout du travail effectué par Messieurs Guarigou et de Chasteigner les « inventeurs » de cette Grotte. Mais arrivé à un passage surbaissé, le guide explique qu’il faudrait s’engager ici à plat ventre dans un boyau incommode. Le père de E.A. Martel avec son complet jaquette et son haut de forme comme on en portait à l’époque et sa maman avec sa robe et jupon de crinoline ont dû sûrement décliner cette invitation. E.A. Martel ne se souvient sûrement pas de cette visite dans les grottes de St Bertrand de Comminges, il n’avait que 5 ans ! Quelles impressions en a-t-il gardé ? Je pense que le boyau dans lequel il n’a pas pu entrer dans cette grotte est peut-être le seul devant lequel il a fait demi-tour ?

15 jours après Gargas il visite la Grotte de Eaux Chaudes dans la vallée d’Ossau. Cette grotte est située dans la commune de Laruns qui est un Centre Thermal fréquenté par l’Impératrice Eugénie qui aurait lancé la mode du thermalisme et de la... spéléologie.

Moi j’aime penser que c’est à Gargas et aux Eaux Chaudes qu’est née la vocation de E.A. Martel pour les mondes souterrains, ou alors parfois je me dis que aussi qu’il a beaucoup rêvé, comme beaucoup d’enfants, en lisant les romans de Jules Verne ?

 

Son père et sa mère lui font faire d’autres voyages. En Allemagne, en Suisse, en Italie et l’on a la trace de sa visite, en 1879, à la grotte d’Adelsberg en Autriche. E.A. Martel a alors 20 ans, il poursuivait brillamment ses études en ayant sûrement concrétisé son goût pour les explorations, puisqu’il obtient  le premier prix de géographie en 1877.

Les grottes d’Adelsberg sont quand même beaucoup plus impressionnantes que celles de Gargas ou des Eaux Chaudes. On écrit souvent que la vue de ces cavernes va décider de sa vocation.

Pourtant, lui-même écrit sur ce sujet : « J’ai dû le goût de la curiosité des phénomènes naturels uniquement à la maîtresse-école des leçons de choses et à quelques voyages d’enfance à Chamonix, en Suisse, aux Pyrénées ».

Effectivement si les années de droit à la Faculté de Paris se terminent il s’intéresse toujours à la géographie et il passe toutes ses vacances à voyager en France. Il relève de nombreux défauts de la carte d’Etat Major dans les régions qu’il fréquente, notamment autour de Cauterets et dans l’Estérel.

Sa femme, Née Aline de Launay, aimait bien évoquer la vie aventureuse à laquelle elle avait été mêlée, sans pour autant y participer « Je me contentais de l'accompagner et de l'attendre à la sortie des gouffres en admirant le « recto » du paysage alors qu'il en découvrait le « verso » dans les entrailles de la terre... si vous aviez vu dans quel état il remontait !... un véritable égoutier ! »

Il voyage beaucoup, tantôt pour le plaisir, mais aussi il est souvent chargé de mission officielles. On trouve ses travaux dans les Causses, le Jura, la Savoie, le Dauphiné, Les Pyrénées, la Bretagne, le Vercors, la Provence mais aussi en Belgique, en Péloponnèse, en Norvège, en Irlande, aux Baléares, au Caucase, en Asie Mineure et dans plusieurs régions des Etats Unis.... Partout il découvre des merveilles.

Mais il y a un lieu qu’Edouard Martel appréciait plus que tout. D'ailleurs sa femme nous le dit « Les plus beaux sites du monde n'ont jamais valu pour lui les plateaux arides des Causses, ses « Chers Causses » auxquels il revenait tous les ans, qu'il a pour ainsi dire écumés, les parcourant dans tous les sens avec sa caravane itinérante transportant les échelles de corde, les treuils, les poulies, les bateaux de toile, le téléphone, les appareils à lumière électrique et à magnésium. L'émoi était grand parmi les populations des hameaux perdus qu'il traversait. Les gens se demandaient s'il s'agissait d'un cortège d'émigrants ou d'un cirque, mais les « renseignés » précisaient que c'était la troupe du « Monsieur qui voyageait pour les trous ! ».

 

Le 27 juin 1888 des Calèches chargées du poids des hommes et du matériel entrent dans Camprieu. Dans les campagnes ont est alors occupés à couper les foins mais tout le monde se presse autour de l'étrange caravane. On se pose mille questions... On se gausse de ces « Messieurs de Paris » qui pensent que ce sera aujourd'hui que le Bonheur va livrer ses secrets !

Edouard Martel et son équipe avaient effectivement l'intention de traverser le plateau de Camprieu, mais personne ne croyait à cette traversée chimérique... Bien des enfants du pays avaient essayés auparavant et même on raconte que pas plus tard que le 7 février de la même année un dénommé « Vidal la Tronche » a disparu dans la perte du Bonheur. On n'a jamais retrouvé son corps. Bramabiau donnait bien la preuve de l'inviolabilité du mystère souterrain.

Vous imaginez bien que les histoires de ce genre, titillaient Edouard Martel plutôt qu'elles ne le dissuadaient !

Donc ce 27 juin « ces messieurs » sont enfin prêts. Edouard Martel décide de passer à l'action. Le matériel est descendu car il a prévu, par prudence, de tenter la traversée depuis la sortie des eaux. En effet, les grottologues ne risquaient pas d'être entraînés par les lames du torrent si de grandes cascades se présentaient. Martel est à pied d'œuvre, Gabriel Gaupillat et Philippe Cheilly, ses acolytes, restent dehors. Une échelle démontable est dressée pour l'escalade de la première cascade souterraine. Trois hommes partent en reconnaissance, reviennent presque tout de suite en criant « ça va loin ! ». Ils ont vu un vaste bief, dans la salle du Hâvre, et il est décidé de se servir du fameux « osgood ». Martel et Gaupillat partent en éclaireurs, sur leur canot en s'aidant de cannes avec des crochets pour progresser.  Foulquier, plus agile, les rejoint par les corniches. Après avoir tenté l'escalade d'une cheminée par laquelle ils espéraient contourner la difficulté de la rivière, ils poursuivent l'exploration jusqu'à une cascade qui les contraint au retour : le bateau ne pouvait pas être hissé tout en haut.

Mais rien n'est perdu, ne vous inquiétez pas ! Le lendemain ils décident de tenter la traversée en suivant Edouard Martel qui était sûr maintenant ne pas trouver de cascade abyssale. L'instituteur du village qui l'avait suivi est intimidé, il rebrousse chemin.

Edouard Martel continue à l'aide de cordes, d'échelles pliables, de lampes à magnésium, mais sans osgood qui avait été dans une autre salle, et les hardis pionniers réussissent la jonction avec le point atteint le jour précédant au prix d'acrobaties et de meurtrissures. Après 1300 m d'aventure, ils sont tous sortis de la grotte. Un exploit de taille venait de se réaliser, Edouard Martel avait triomphé de l'incrédulité des paysans ! Tout le village était présent pour rédiger le procès verbal de la traversée de Bramabiau qui fait aujourd'hui... figure d'acte de naissance de la spéléologie !

 

La même année Edouard Martel avait révélé la grotte de Dargilan qui captive tous les visiteurs par ses dimensions impressionnantes et par la variété de ses concrétions aux couleurs naturelles très accentuées. Elle avait été découverte par un jeune berger en 1880, Sahuquet, mais il avait fallu attendre le matériel et l'audace d'Edouard Martel pour en parcourir chacune de ses galeries. C'est la première grotte ouverte au public et elle se visite depuis 1890 ! Edouard Martel doit être fier de chacun de ses visiteurs il disait toujours « Allez donc voir Dargilan, même si vous croyez connaître les plus jolies cavités d'Europe », Jean Cocteau qui l’avait visitée avait dit que Dargilan était « le théâtre dont il a rêvé » !

 

C'est en juillet 1889 qu'il découvre le gouffre de Padirac. Il y descend seul. Nous y sommes aussi descendus au printemps dernier, mais pour nous cela a été plus facile avec les escaliers, assez sportif tout de même, et les ascenseurs. Mais pour lui ce devait être plus impressionnant de descendre dans ce colossal entonnoir. Il en parlait ainsi : « il me semblait être au fond d'un télescope ayant pour objectif un morceau circulaire de ciel bleu ».

Pendant des heures et des heures, Edouard Martel et ses compagnons venus le rejoindre par l'échelle de corde, scrutent le fond de l'abîme guidés par le murmure d'une eau courante … Découvrir cette rivière souterraine, la suivre dans son parcours a été le but désormais de l'exploration.

Pourtant de tout temps le gouffre de Padirac avait attisé l'imagination et alimenté de nombreuses légendes. On a parlé de flammes qui s'en échappaient parfois... d'un fabuleux trésor que des soldats anglais y avaient caché à la fin de la guerre de 100 ans... Où bien sûr le diable rodait et on racontait même que celui-ci aurait créé le gouffre d'un coup de talon.

Edouard Martel n'était pas impressionné par les légendes, au contraire elles le poussaient à toujours aller vérifier ce qu'il y avait au fond des antres de la terre. En tout cas, à peine il a posé le pied sur le sol de Padirac qu'il s'engage dans le gouffre avec seulement des bougies et une lampe à magnésium suivi par ses fidèles compagnons.

Il faudra de nombreuses expéditions, à pied en canot pour franchir les boyaux étroits des stalagmites et stalactites mais Edouard Martel est convaincu : l'Aventure ne fait que commencer ! « Nul être humain ne nous a précédé dans ces profondeurs, nul ne sait ou nous allons ni ce que nous voyons. Rien d'aussi étrangement beau ne s'est jamais présenté à nos yeux, ensemble et spontanément nous nous posons la même question réciproque : Est ce que nous ne rêvons pas ! ».

Il dira souvent « Il faut y entrer sans craintes, qui sait ce quelle surprise nous attends » !

 

Martel n'avait aucune crainte, c'est sûr ! Mais il était bien entouré  par une équipe aussi passionnée que lui. Je ne vous citerai pas les noms de ces acolytes mais Armand, son second a participé à bien des aventures de Martel pendant 20 ans. En France mais aussi à l'étranger. C'est Armand qui sera chargé par la suite par le Club Alpin Français des aménagements difficiles comme à Dargilan, au Rocher de Capluc, l'Hermitage Saint Michel et d'autres points en corniches du Tarn et de la Jonte. C'est lui qui a monté le grand escalier de fer de 36 m dans le gouffre de Padirac et... il en a été l'un des premiers guides.

 

Armand retrouve Edouard Martel le 18 septembre 1897 à l'hôtel des Voyageurs du Rozier et lui annonce « Hier en redescendant de la Parade, je suis tombé par hasard sur un maître trou... Les grosses pierres que j'y ai jetées s'en vont au diable avec un vacarme pire que partout». Le lendemain, Martel et Armand arrivent sur les lieux, lourdement équipés « mille kilos d'échelles, cordes, téléphone, lit de camp, caisses de luminaires, vêtements, provisions, outils... »  écrira Edouard Martel.

Armand descend le premier l'à-pic de 75 m, sans rencontrer de difficultés majeures. Dès qu'il prend pied au sommet du cône d'obstruction, il s'écrie « C'est immense ! ». Il découvre ensuite la Forêt-Vierge et téléphone à Martel : « Monsieur Martel, c'est splendide ! Il y a au moins 100 colonnes. La plus haute a bien 25 m. Je n'ai rien vu de pareil. Descendez voir ».

La première expédition dure trois jours et permet de sonder un second puits de 87 m. Martel déclare « Comme le gouffre était anonyme, je décidai, séance tenante, qu'il s'appellerait l'Aven Armand ». L'exploration continue durant plusieurs années durant lesquelles Armand organise des visites guidées pour des amateurs.

(En 1925 des entrepreneurs Toulousains acquièrent les terrains et les droits indispensables à un aménagement de  l'Aven Armand est constitué, aménagé autour des stalagmites ainsi qu'un éclairage en 4 couleurs, cette grotte fait partie d'une des plus belles à visiter, et je pense réserver au printemps prochain une visite spectaculaire aux randonneurs, qui vous raconteront !...)

 

Je ne vais pas vous parler de toutes les grottes de la région découverte par Edouard Martel mais je vais faire une petite parenthèse concernant la grotte des Demoiselles. Si cette grotte était connue depuis longtemps, on sait qu'elle a caché des Camisards, c'est Martel qui en 1884 l'a explorée dans sa totalité... Mais inutile de vous en parler vous connaissez sûrement tous la Grotte des Demoiselles !

 

Edouard-Alfred Martel n’était pas qu’un découvreur de grottes, il était aussi un écrivain. Ses œuvres majeures sont « Les Cévennes » (1889) dans lequel il décrit cette région et ses beautés. De très nombreux ouvrages ou guides sur la région y font références  ou  simplement citent des passages de son livre ainsi que de son autre publication de 1894 « Les Abîmes » dans laquelle il décrit les merveilles du monde souterrain qu’il a découvert de 1888 à 1893, soit 230 cavités et grottes et 250 km de galeries qu’il a explorées avec Louis Armand.

 

Il faut ajouter qu’il est aussi bien secondé pour ses publications et recherches scientifiques par son ami et beau-frère Louis de Launay (il a épousé en 1890 Aline de Launay), professeur de géologie et futur membre de l’Académie des Sciences. C’est Louis de Launay qui apporte la base scientifique aux articles de la revue « La Nature » dont Martel et de Launay sont successivement rédacteurs en chef.

 

La liste de ses explorations sont nombreuses, je vais vous citer quelques expéditions  comme l’Irlande où il découvre le lac souterrain de Marble Arch (Irlande du Nord), l’Angleterre où dans le Yorkshire il réalise la première descente dans le gouffre de Gaping Gill, puits de 110 m. Cela pour l’année 1895. C’est cette même année qu’il fonde la Société de Spéléologie qui publie un bulletin périodique « Spelunca ».

L’année suivante il répond à l’invitation de l’archiduc Luis Salvator, cousin de l’empereur autrichien Franz Joseph et se rend à Majorque pour explorer le sous-sol de l’île. Il y découvre le plus grand lac souterrain de l’époque à la grotte de Drach….  Mais, comme je vous l’ai déjà dit, il a parcouru presque toute l’Europe  (Au Monténégro il étudie le cours de la Trebisnjica qui est la plus longue rivière souterraine du monde…).

 

C’est en 1899 qu’il a quitté définitivement sa vie professionnelle…

 

C’est en 1905 qu’il a exploré le grand canyon du Verdon. Il est en mission pour le compte du ministère de l’Agrigulture afin de faire des relevés hydrogéologiques précis sur l’alimentation et la potabilité de la résurgence de Fontaine l’Evêque.  

Le 11 aout, ils sont une vingtaine d’hommes à partir à bord de trois barques. La progression est très difficile, ils sont amenés à rebrousser chemin, à porter les provisions et le matériel à dos d’homme. Le deuxième jour Martel et Blanc, instituteur vont jusqu’à La Mescla lieu ou l’Artuby se jette dans le Verdon. Les autres hommes suivent allant de gué en gué et portant les embarcations devenues inutilisable. Ils continuent sur les bords, sur terre car la rivière est à sec. Ils marchent ainsi toute la journée pour arriver dans un étroit couloir où une deuxième barque se fracasse envoyant les hommes et le matériel dans les eaux. Le second campement est établi à l’Imbut (étroit ou entonnoir en Provençal). Ici Martel aurait renoncé à cette expédition mais ses équipiers ne voulaient pas abandonner suite aux efforts qu’ils avaient accomplis pour arriver jusque là.  Le 13 août le groupe repart et pénètre dans le canyon proprement dit. La progression est difficile, très difficile. Ils établissent leur troisième campement… Le 14 août ils continuent, lentement, très lentement au milieu des troncs d’arbres et le chaos des rochers. Une partie de l’équipe abandonne, les hommes sont épuisés et découragés.

Martel et Armand arrivent finalement au « Pas du Galetas », près du pont romain d’Aiguines (aujourd’hui disparu sous les eaux du lac artificiel de Sainte-Croix). La première exploration de bout en bout du grand canyon du Verdon est réussie !

 

Indépendamment de toutes ses explorations qui nous apportent aujourd’hui ces lieux touristiques, il est aussi à l’origine d’une loi qui porte son nom : La Loi Martel. Cette loi interdit le jet de cadavres d’animaux et de détritus putrescibles dans les grottes. Edouard Martel avait été fortement intoxiqué après l’absorption d’un « bouillon de veau » dans le gouffre de Laberrie, à Catus dans le Lot. Un cadavre de veau en décomposition avait pollué l’eau de la résurgence dans laquelle Martel avait bu. Martel avait écrit au Préfet du Lot au sujet de cet empoisonnement.

Son action a eue des conséquences sur la santé publique et la loi Martel a été remaniée et abrogée par la suite pour être remplacée par d’autres lois sur la pollution de l’eau.

 

Edouard Alfred Martel a été  Lauréat de l’Académie des sciences, président de la section d’Hydrologie scientifique du Comité national de géodésie et de géophysique, membre de la Société de géographie et membre de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze.

Le 5 janvier 1909 il est même devenu membre titulaire du Conseil Supérieure d’Hygiène Publique de France … mais ce qu’il n’a pas voulu reconnaître c’est l’art pariétal paléolithique et était souvent en conflit avec les préhistoriens !

Il faut dire qu’à  l’époque on n’avait pas les moyens scientifiques de datation des éléments de la nature et il n’a pas été le seul à faire des erreurs d’interprétation….

 

Il recevra de nombreux titres comme le Grand prix des sciences physiques décerné par l’Académie des sciences en 1907, il est Officier de la Légion d’honneur (22.07.1909) pour avoir rendus des services au Ministère de la Guerre dans l’étude des questions d’hygiène militaire, épidémies de fièvre typhoïde de Cherbourg et Saint Brieuc  et Commandeur de la Légion d’Honneur reçue le 11 juin 1927 lors de la cérémonie d’inauguration de sa propre statue dressée au bord du Tarn.

S’il est vrai qu’Edouard-Alfred Martel est reconnu en France, il est aussi reçu une reconnaissance intenationale. Bernard Gèze (1er Président de la Spéléologie) nous dit : « C’est incontestablement à Edouard-Alfred Martel que l’on doit la véritable naissance de la Spéléologie non seulement en France mais dans le monde entier. Les Russes le reconnaissent comme « père » de leurs recherches souterraines car il a décrit des cavernes de Transcaucasie, les Américains ont officiellement rendu hommage à sa mémoire le jour où, suivant ses directives, ils ont réussi à trouver la liaison entre Mammoth-Cave et Flint-Ridge-Cave dans le Kentucky, portant ainsi à près de 500 km les galeries topographiées dans un seul réseau karstique… On a dénommé des grottes en son honneur jusque dans le Karst type et des gouffres Martel un peu partout, y compris pour l’un des deux plus gigantesques qui soient connus dans des quartzites (au Vénezuela) ; il y a des Clubs Martels dans toute l’Europe, mais aussi jusqu’au Japon ou à Cuba. Je me permettrai d’ajouter que c’est certainement en souvenir de lui que l’on m’a fait l’honneur de me choisir, en tant que Français, comme premier président de l’Union Internationale de Spéléologie, lors de sa fondation à Ljubljana (Slovénie) en 1965 ».

Il est mort  le 3 juin 1938 à Saint-Thomas-La-Garde, non loin de Montbrisson.

 

Ses œuvres principales comptent plus de 1000 publications…

·         Les Cévennes (1890)

·         Édouard-Alfred Martel, Les abîmes : les eaux souterraines, les cavernes, les sources, la spéléologie : explorations souterraines effectuées de 1888 à 1893 en France, Belgique, Autriche et Grèce, Paris, Librairie Ch. Delagrave,‎ 1894, 578 p.

·         Le massif de la Bernina - en collaboration avec A. Lorria (1895)

·         Irlande et cavernes anglaises (1897)

·         Le Trayas et l'Estérel (1899)

·         Édouard-Alfred Martel, La Spéléologie, ou science des cavernes, Chartres, impr. de Durand,‎ 1900, In-16, 126 p.

·         Édouard-Alfred Martel, Les Cavernes de la Grande-Chartreuse et du Vercors, Grenoble, impr. de Allier frères,‎ 1900, In-8, 87 p.

·         Édouard-Alfred Martel, Le gouffre et la rivière souterraine de Padirac (Lot) : historique, description, exploration, aménagement (1889-1900), Paris, Librairie Ch. Delagrave,‎ 1901, 180 p.

·         La Photographie souterraine (1903)

·         " Carte de l'Estérel " (Touring-Club de France) dressée en 1903 par E. A. Martel avec Mr. P. Boissaye

·         La spéléologie au XXe siècle (1905)

·         Le sol et l'eau : traité d'hygiène - en collaboration avec de Launay, Ogier et Bonjean (1906)

·         Édouard-Alfred Martel, L'évolution souterraine, Paris, E. Flammarion,‎ 1908, 388 p.

·         La Côte d'azur russe (1909)

·         Les cavernes et les rivières souterraines de la Belgique (1910) par E. Van Den Broeck, E.-A. Martel & Ed. Rahir - 2 tomes

·         Édouard-Alfred Martel, Le Nouveau traité des eaux souterraines, Paris, 0. Doin, G. Doin,‎ 1928, 838 p. Le Nouveau traité des eaux souterraines, 1922

·         Les causses et gorges du Tarn, (1926)

·         Édouard-Alfred Martel, La France ignorée : Sud-Est de la France, Paris, Librairie Ch. Delagrave,‎ 1928,

·         Les Causses majeurs (1936)


 

 

 
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