Accueil arrow CONFERENCES arrow LE JARDIN DES COULEURS
Narrow screen resolution Wide screen resolution green color default color orange color
LE JARDIN DES COULEURS Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
12.05.2015 - pays de Cocagne...

 


LE JARDIN DES COULEURS.

La Culturothèque – 12 mai 2015

Michèle

 


La nature nous donne de nombreuses couleurs. L’homme a toujours essayé de les conquérir, de les reproduire, comme pour représenter les animaux sur les grottes avec de l’ocre et du noir.

Au néolithique apparaissent les premières techniques de teinture. Parmi la multitude de dénominations de couleur, beaucoup sont issues de matériaux concrets tels les végétaux, les métaux, les pierres précieuses, les animaux, …. ou de produits fabriqués.

Les progrès ont rendu les inventions chromatiques pratiquement illimitées, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Des enjeux commerciaux de la couleur ont été considérables et, les matières colorantes végétales a marqué notre histoire.

Notre région est imprégnée de ces grandes cultures même si leurs méthodes d’utilisation étaient tenues secrètes.

Sur la teinture peu de documents nous permettent d’étudier le lien de la couleur avec le vêtement. On s’accorde à situer entre le 6ème et le 4ème millénaire avant notre ère les premières activités de teinture sur support textile.

Les premiers fragments de tissus teints parvenus jusqu’à nous sont plutôt africains ou asiatiques. En Europe ce n’est que vers la fin du quatrième millénaire que nous trouvons les premiers témoignages : ils s’inscrivent tous dans la gamme des rouges. La Garance semble la plus ancienne teinture, mais aussi le kermès et certains mollusques.

La primauté du rouge semble remonter en amont de l’époque romaine et peut faire admettre aux historiens que le rouge a été le contraire du blanc :

·         le blanc était le tissus non teint mais propre et pur

·         le rouge celui qui était teint

·         le noir représentait le tissu non teint mais sale et souillé,

pendant longtemps cette notion a organisé les codes sociaux et la plupart des systèmes de représentation construits sur la couleur :

·         le noir c’est le sombre,

·         le rouge c’est le dense

·         tandis que le blanc est à la fois le contraire de l’un ou de l’autre.

Dans ce système cela ne veut pas dire que les autres couleurs n’existent pas,

·         le jaune, le vert ou le bleu sont bien présentes dans la vie matérielle et quotidienne mais sur le plan symbolique et social elles ne remplissent pas les mêmes fonctions.

Pour en revenir aux teintures antiques, si les Grecs et les Romains teignent peu en bleu, les Celtes et les Germains utilisent la guède et les peuples du Proche-Orient ou d’Afrique l’indigo.

La bible qui parle beaucoup des étoffes et des vêtements ne parle pas des couleurs et des teintures et si l’on retrouve des interprétations de couleur dans des termes grecs, hébreux ou romains ils expriment le blanc, le gris, le rouge, les rosés ou le jaune mais jamais le bleu.

En fait le bleu était la couleur des Barbares, Celtes ou Germains qui se teignaient le corps pour effrayer leur adversaire, ou en vieillissant se teignaient les cheveux en bleu pour rendre plus sombre leurs cheveux.  Pline a affirmé que les femmes des Bretons se peignaient le corps en bleu foncé avec la guède avant de se livrer à des rituels orgiaques.

On en a conclu que le bleu était une couleur dont il fallait se méfier ou se détourner….

Mais en Grèce, et contrairement aux Romains, c’est le jaune qui prédomine sur le rouge. Il donne de l’importance à celui qui en porte. Il évoque la chaleur du feu, il est opposé au Blanc.

Les Hébreux revêtaient des symboles jaunes pour lutter contre les mauvaises intentions ou pour délimiter une ère de privilèges, d’interdiction ou encore symboliser l’intangibilité.

Mais surtout le jaune est associé à la joie, à la bonne humeur à l’idéalisme.

C’est surtout au XIIe siècle, que les liturgistes commencent à parler de plus en plus fréquemment des couleurs, mais le bleu n’existe toutefois pas.

·         Le blanc est symbole de pureté,

·         le noir est lié au deuil, à la pénitence,

·         le rouge rappelle le sang versé par et pour le Christ,

·         le vert se situe entre le blanc, le noir et le rouge.

·         On précise que l’on peut quelquefois remplacer le noir par le violet ou… le vert et, le vert… par le jaune.

Pas de bleu donc dans les couleurs liturgiques.

Les prélats sont encore relativement nombreux à appuyer le rejet de la couleur car étymologiquement ils le rattachent au mot colore, de la famille du verbe cacher : la couleur c’est ce qui cache, dissimule, ce qui trompe.  Il faut s’en abstenir.

Toutefois quelques prélats qui s’intéressent à la couleur,  l’assimilent à la lumière, parmi les premiers, le célèbre Suger, qui au XIIe siècle fait de la basilique (Saint Denis) un temple de couleur car lumière, beauté sont nécessaires pour vénérer Dieu.

Petit à petit le Bleu ainsi que le jaune et l’or sera aussi synonyme de lumière. Dans ce nouvel ordre des couleurs, le bleu prendra une importance dans l’art et dans les images.

·         Marie, qui n’était pas habillée de bleu mais de blanc, ou de noir, sera représentée avec un manteau bleu.

La promotion du bleu au XIIe et XIIIe siècle ne s’exprime pas seulement dans l’art des images, le blason de Philippe Auguste comportera du bleu, bleu marial, puis bleu royal…..  (Le bleu n’est représentatif que dans 5 % des blasons vers 1200 et le sera de plus de 30 % vers 1400).

Si l’on veut tenter une étude symbolique des couleurs par catégories d’exclus on peut remarquer que le  blanc et le noir concernent surtout les misérables,  le rouge, les bourreaux et les prostituées,  le jaune les faussaires, les hérétiques et les juifs,  le vert soit seul soit associé au jaune, les musiciens, les jongleurs, les bouffons et les fous.  Mais seulement en simplifiant…. (on a vu la semaine dernière les rayures…). Mais un fait semble établi : le bleu n’est jamais ni infamant ni discriminatoire…..

BLEU :

1.       La guède ou pastel

La Vogue des tons bleus à partir du XIIIe siècle est favorisée par les progrès de teintures et surtout par le développement de la culture de la guède ou pastel (isatis tinctoria).

Il s’agit d’une plante crucifère qui pousse à l’état sauvage sur des sols humides ou argileux.

Le principe colorant (l’indigotine) se trouve essentiellement dans les feuilles.

Dès le début du 13ème siècle elle fait, comme pour la garance, l’objet d’une véritable culture industrielle pour satisfaire la demande grandissante des teinturiers qui eux, doivent répondre à la forte demande des drapiers.

Les feuilles de la première année sont cueillies et broyées à la meule pour obtenir une pâte homogène qu’on laisse fermenter deux ou trois semaines.  On forme ensuite avec cette pâte le célèbre Pastel. Puis on les laisse sécher, à l’abri dans des claires avant de les vendre au bout de quelques semaines au marchand de pastel, le « guédier ». C’est lui qui fait transformer ces coques en teinture. Cette transformation est un travail, long, délicat, salissant, nauséabond qui nécessite une main-d’œuvre spécialisée. C’est pourquoi le pastel est un produit cher, même si la guède pousse facilement et si pour teindre il n’est pas, ou guère, nécessaire de mordancer[1] comme il faut le faire abondamment pour les teintures en rouge.

Pendant des siècles la Picardie, la Normandie, la Lombardie, mais aussi en Allemagne, en Angleterre et surtout, pour ce qui touche nos proches voisins, le Lauraguais, deviendront les pays de « cocagne ».

La vogue nouvelle des bleus favorise la fortune de villes comme Toulouse, mais aussi comme Beaucaire, puisque ville de Foire les marchands se déplaçaient spécialement pour négocier les teintures de bleus.

Pour donner un exemple, le marchant toulousain de Pastel Pierre de Berny était devenu si riche qu’il put en 1525 se porter caution de l’énorme rançon demandée par Charles Quint pour libérer François 1er fait prisonnier à la bataille de Pavie. (Pierre d’Assézat…)

2.       Indigotier ou anil

Cette opulente industrie ne durera pas, cette culture sera ruinée par l’arrivée en Europe, souvent par le biais de la Foire de Beaucaire, de l’indigo des Antilles et du nouveau monde (indigotier ou anil) (indigofera tinctoria).

Ce colorant très voisin est encore plus performant, et même si l’on a tout fait pour interdire son commerce pour protéger la culture de la guède il va entrer dans la palette des teinturiers à la fin du XVIIe et tout au long du XVIIIe siècle.

L’indigo est tiré des feuilles d’un arbuste dont il existe de nombreuses variétés mais dont aucune ne pousse en Europe : l’indigotier.  L’indigotine, principe colorant très puissant se trouve dans les feuilles les plus hautes et les plus jeunes.

Il donne aux étoffes une teinte bleue, profonde et solide, sans bien sûr mordancer.

La teinture à l’indigo était connue depuis le néolithique et elle a favorisé des époques anciennes de régions comme le Soudan, le Ceylan et l’Insulinde et sera surtout exporté vers les Indes, le Proche Orient et la Chine.

Mais c’est un produit cher qui n’était utilisé que pour des produits de qualité.  Il n’avait pas de prise en Europe car pour les Romains le bleu, comme je vous l’ai dit, représentait la couleur des barbares.

3.       D’autres plantes… de bleu

D’autres plantes produisent la couleur bleue en teinturerie,

·         Le  Croton des teinturiers qui est une petite plante à feuilles grisâtres et à fruits pendants.  Jusqu’à une époque récente le croton (chrosophora tinctoria) était nommé tournesol, ou morelle ou grande héliotrope par rapprochement avec l’herbe aux verrues.  Cette plante contient un pigment très sensible qui varie du bleu au rouge.  Elle a été classée parmi les drogues de « faux teint ». En Provence elle partage le nom de « mourello » avec la guède par allusion aux préparations nécessaires pour l’extraction de la teinture : écrasement des feuilles, fermentation jusqu’à l’obtention d’une pulpe sombre devant aboutir dans les deux cas à la fabrications du bleu. Certaines recettes anciennes associent les deux plantes.  Dans le cours de l’Agriculture de Gasparin on retrouve  « Les habitants de Grand-Gallargue (gare) exploitent exclusivement et de temps immémorial l’industrie qui a pour but d’extraire les sucs de la maurelle et de les transformer en principe colorant bleu. Ils allaient recueillir cette plante dans toute la région des oliviers, parcourant Languedoc, Provence et jusqu’en Espgane. Ces industrieux voyageurs réunis en petites bandes, traversaient d’immenses distances, précédés de leurs ânes, porteurs de leur récolte. Ils connaissaient les stations de la plainte, y dirigeant leur course avec une entière certitude. Le parc de Pomerols, près de Tarascon, était une de ces stations favorites et nous les voyions arriver chaque année, peu après la moisson, pour y faire leur cueillette. Ces voyages avaient lieu de temps immémorial. » En fait ils n’avaient qu’un seul client : les Hollandais qui venaient à Montpellier pour acheter les « drapeaux », toiles imbibées de croton dont ils teignaient leur fromage de Hollande. Les fromages enveloppés de drap bleu, viraient au rouge au contact de l’acide lactique, en déteignant ils formaient la fameuse croûte colorée.

·         La persicaire (polygonum persicaria) était aussi une plante qui donnait du bleu, c’est une plante proche de la renouée et se plait en terrain humide et marécageux. On la connaît aussi comme plante de Saint-Christophe. Saint Christophe était un passeur de pont, un jour c’est le petit Jésus lui-même se présenta pour passer de l’autre côté. Christophe sentit alors tout le poids du monde lui écraser les épaules.  Mais il avait un secret : il mettait ses pas dans l’herbo de San Christaou ; la persicaire lui montrait le bon gué. La plante en effet pousse en eau peu profonde, préférant, de plus le sol caillouteux à la vase perfide.

·         Pour la teinturerie, la sève de printemps du lierre cuite donne une couleur rouge prononcée mais ses baies confèrent à la laine une couleur violette qui si on rajoute un peu de cendres tamisées peut varier dans des nuances de bleu au vert.

·         Pour la teinture des laines, la gamme des tons obtenus par les feuilles du troène est extrêmement riche : des bleus des gris, des verts, selon que les pépins sont broyés ou non avec le jus, selon la nature de la casserole utilisée.

Les teinturiers

Le métier de teinturier était fortement cloisonné et sévèrement réglementé et cette corporation tenait une place très importante dans la vie économique. Ils étaient nombreux et sévèrement organisés.

On teignait presque toujours le drap tissé, rarement le fil (sauf pour la soie) ou la laine en flocons.

Les teinturiers avaient licence de teinter une couleur, si l’on est teinturier du rouge on ne peut pas teindre en bleu.

En revanche les teinturiers de bleus prenaient souvent en charge les tons verts et les tons noirs et,  les teinturiers de rouge la gamme des jaunes.

C’est la raison pour laquelle pendant des siècles on n’a pas obtenu le vert en mélangeant le bleu et le jaune.

On pouvait aussi distinguer des teinturiers d’après l’unique matière colorante qu’ils ont le droit d’utiliser.

Par exemple au XIVe et XVe siècle on sépare parmi les teinturiers de rouge ceux qui emploient la garance,  de ceux qui utilisent la cochenille ou le Kermès.

Les uns et les autres ne sont pas soumis aux mêmes taxes, aux mêmes contrôles, n’utilisent pas les mêmes techniques et ne visent pas la même clientèle.

LE ROUGE

·         La garance des teinturiers (rubis tinctoria) ressemble beaucoup à son homologue sauvage.  Sa racine est volumineuse, elle peut atteindre la grosseur d’un doigt et s’enfonce jusqu’à 70 ou 80 cm de profondeur.  Le cœur ligneux est nettement jaune, tandis que l’aubier, charnu et juteux tache les mains de rouge. Sa culture s’effectue à partir de semis de graines ou bien en repiquant des morceaux de racine. C’est une jolie grimpante qui ne demande qu’à couvrir les talus…Les rouges qu’elle fournit son inimitable. Elle était connue depuis les Romains qui l’utilisèrent à Pompéi mais aussi à Vaison la Romaine pour l’exécution de fresques murales. Louis XIV développera la culture de la Garance dans notre Pays, c’est ainsi que Jean Althen, réfugié arménien sollicite une audience du roi. Il connaît bien la garance : il l’a cultivée en Orient pendant 15 ans en tant…. qu’esclave. Il se propose de l’implanter dans la région d’Avignon. Le Marquis de Caumont est intéressé par ce projet : il le financera, prêtant même le terrain. Les premiers résultats sont probants et l’intendant fait alors distribuer gratuitement des graines en provenance du LevantLa Révolution éclate et la culture de la Garance ne se développera vraiment qu’au début du XIXe siècle pour voir se multiplier les moulins a garance. En 1839 Le Vaucluse compte 50 usines à Garance. En 1860 le Vaucluse produit 50 % de la production mondiale de garance. Tentés par l’argent facile, les négociants falsifient la fine poudre tinctoriale (briques pilées, coques d’amandes ou sable des ocres de Roussillon : tout est bon pour augmenter le poids). La garance de Naples envahit alors le marché elle est excellente. Mais lorsqu’on découvrira l’  « alizarine » artificielle la culture de la garance s’effondrera définitivement au détriment de quelques garancières maintenues pour la teinture des pantalons de soldats.

·         Le chêne kermès (quercus coccifera) est à l’origine de l’une des plus anciennes teintures de la région méditerranéenne.

La fabrication du pastel d’écarlate

(le pastel ne désigne pas une plante en particulier mais un procédé de fabrication. La guède appelée « herbe au pastel » par allusion aux boules de pâtes confectionnées avec ses feuilles broyées qui servaient à la préparation des bains colorants - recette ancienne pour la fabrication de pastels excellents « prenez de la terre blanche pour les pipes à tabac, broyez à l’eau pour en faire une pâte, mêlez-y vos couleurs finement tamisées, ajoutez du miel et de la gomme arabique. De cette pâte, faites des rouleaux comme le doigt, séchez à l’ombre »)

·         Il a permis l’obtention de rouges somptueux insignes de la royauté et de l’autorité. C’est l’écorce de la racine du kermès, la « garouille » qui est utilisée pour la teinture des laines dans un rouge ou jaune orangé et surtout pour le travail du cuir.

·         La plus grande richesse de cet arbuste lui vient d’un insecte parasite, une cochenille, le vermillon « kermès vermillo ». Ce nom de couleur signifie « petit ver ». Les mots « carmin » et « cramoisi » dérivés de kermès évoquent aussi les nuances qu’on peut en tirer.Chez les juifs la « graine d’écarlate » est citée dans la Bible. On prétend que la tunique dont on revêtit le Christ lors de la Passion était teinte à l’écarlate.

·         Le chêne vert (quercus silex) également produit des rouges surtout utilisés pour l’artisanat du cuir. C’est l’écorce récoltée par les « rusquiers » et les « peleuses » qui donnaient des tanins de qualité. Lui aussi héberge une cochenille mais elle était moins recherchée que le vermillon et on l’appelait « la galle noire » par opposition à la galle du chêne blanc.

·         Le chêne blanc (Quercus pubescens) donne une couleur noire très utilisée lors des derniers siècles en teinturerie pour reprendre des vêtements et les transformer en vêtements de deuils. (La galle du chêne blanc est aussi utilisée comme mordant).

·         Les petits fruits du laurier-tin ou viorne-tin rendent à l’ébullition un jus rougeâtre et les brindilles fraîches communiquent à la laine mordancée de jolis tons rosés à noisette foncée.

·         L’association du térébinthe (pistacia terebinthus) et de sa galle aboutit également à l’élaboration d’un produit intéressant le teinturier : très riches en tanins et en pigments divers, ils sont utilisés pour la teinture des laines en rouge (caroubes).

·         Le Carthame des teinturiers ou safran bâtard (Carthamus tinctorius) était surtout cultivé pour les exploitations familiales car la récolte nécessitait beaucoup de personnel. Il donne de splendides résultats dans la teinture de la soie. Les couleurs obtenues sont le ponceau, nacarat, cerise, couleur de rose ou de chair.

·         Dans les champs on trouve également le gaillet jaune (gaillet uerum) qui donne des couleurs jaunes ou rouge ainsi l’orcanette des teinturiers (alkanna tinctoria) qui poussait autrefois à Marseilleveyre où elle était ramassée pour l’impression des indiennes mais plus pour les violets que pour les rouges.

·         L’arbre de Judée ou gainier (cercis siliquastrum) fournit des feuilles qui intéressent le teinturier : par ébullition sur laine mordancée ou non et sur la soie, on obtient une « riche couleur de nankin ».

 

LE JAUNE

Si le jaune est connu pour sa couleur discriminatoire des juifs il symbolise toutefois la richesse, le père, par le fait que le jaune est la couleur de l’or et du soleil, par extension il est associé à la joie, la bonne humeur, l’idéalisme.

Si en France le Bleu est associé à la monarchie, en Chine c’est le jaune qui est associé à l’empereur.

·         Gaude ou réséda : La meilleure source du jaune jusqu’à l’avènement des teintures chimiques a toujours été la gaude ou réséda (reseda luteola). C’est une plante qui aime les rocailles. Aujourd’hui c’est difficile de la rencontrer et c’est une plante protégée et il est interdit de la cueillir. Cultivée en grand pour la teinturerie.  En Provence elle est communément appelée Herbo dei Jusions, car « elle donne la couleur jaune que les juifs étaient obligés de porter autrefois dans ce pays, et d’en faire teindre leur chapeaux ». Et si à Beaucaire le quartier Gaudon tire son nom de la gaude c’est bien par rapport au fait que le quartier juif se trouvait à cet endroit et non par le fait qu’on y a cultivé la gaude (Shab).  Colbert l’avait classée au nombre des plantes « grand teint » au même titre que la guède et la garance.

·         On a utilisé aussi le solidage verge d’or (solidago virga aurea) ou en Provençal « herbe aux sorcières » qu’on a utilisé pour teindre les chapeaux jaunes des juifs. S’étant rendu au bagne de Toulon, en 1829 Victor Hugo avait écrit dans ses notes de voyage « le port du bonnet à ganse jaune signifie à long-terme, les manches jaunes à la casaque : récidive ». Les bagnards travaillant à l’extérieur étaient ainsi repérables de loin grâce à la couleur jaune…

·         Mais c’est la teinture au safran (crocus sativus) qui est d’un effet saisissant sur la soie, mais elle passe pour être fragile. C’est à Orange et Carpentras qu’il était cultivé pour surtout nuancer un jaune « bon teint » de gaude.

·         Le gaillet jaune (galium uerum), le séneçon (senecio crucifolius), le sophora ou arbre des pagodes (sophora japonica), le curcuma ou safran des indes (curcuma longa), l’hélianthe dressé (hélianthus rigidus) ainsi que la centaurée jacée, la sarrette, l’achillée millefeuille fournissent le cortège des innombrables plantes à jaunir.

 

Si de nos jours la teinturerie est affaire de chimie, il faut se souvenir nos années « baba cool » ou l’idée de retour au naturel a permis de relancer la culture des plantes tinctoriales, mais cela reste du domaine artisanal.

De nombreux publicistes font de nombreuses enquêtes pour cerner la couleur préférée des populations. Dans notre monde occidental la réponse des adultes répond à 50 % que le bleu est la couleur préférée, vient ensuite le vert puis le blanc et le rouge. Pour les enfants il n’en est pas de même c’est toujours le rouge qui vient en tête devant soit le jaune soit le bleu….

Le monde des couleurs a toujours éveillé la curiosité de l'homme, tant par sa diversité et sa complexité que par son extraordinaire contenu émotionnel.

Depuis des siècles, scientifiques et artistes s'interrogent sur la nature des couleurs, des phénomènes qui les créent, et sur les moyens à mettre en œuvre afin de les mesurer et de les utiliser.

A ces innombrables énigmes, l'homme s'est efforcé de chercher des réponses, tant dans la science et les expériences de la vie courante, que dans l'art ou la philosophie.

 

Bibliographie : De la Garance au Pastel, de Michel Garcia et Marie-Françoise DELAROZIERE - édisud nature.Michel PASTOUREAU - BLEU, histoire d’une couleur - édition du Seuil.




[1] - imprégner des tissus d’acides pour en faciliter la teinture.

 

 
< Précédent   Suivant >