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LA CAMARGUE : sa géographie, ses enjeux au-delà du folklore Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
07-10-2014 : ...Mais l'homme résiste et que serait la Camargue sans l'homme ?

 Un bel exposé. Bien documenté et riche en illustrations... ! Merci Janice.

 

LA CAMARGUE

Histoire et Enjeux

Culturothèque – 7 octobre 2014

Janice LERT - Guide conférencière, agréée par le Ministère de la Culture.

 

1.       La Camargue historique :

La Camargue (le delta du Rhône) est de formation récente  (6000 à 7000 ans) et aucun site archéologique n’a été découvert datant d’avant l’arrivée des Phocéens à Massalia (600 av. J-C).   Il est difficile de dire si les sites très anciens peuvent être attribués aux Phocéens ou aux indigènes.  La vie dans le delta à cette époque devait s’organiser autour de la pêche et du sel, avec peut-être également l’élevage de moutons et une transhumance annuelle vers les Alpes de Haute Provence ou le haut Languedoc.

La mise en valeur de la Camargue suit celle de la ville d’Arles.  Le contrôle du delta est important pour les Romains car il permet une pénétration vers le nord de l’Europe.  De grandes villas s’y établissent : elles sont recouvertes souvent par des mas aujourd’hui.   La vie y est donc intense, mais doit s’adapter aux mouvements capricieux du fleuve. 

Pendant le haut Moyen-Age le Christianisme pénètre en France par le delta, et une présence chrétienne est attestée depuis au moins le 6e siècle, avec une chapelle située sur l’emplacement de l’actuelle Eglise des Saintes-Maries de la Mer.  Les Chrétiens luttent contre les Sarrasins qui occupent la région entre les 7e et 10e siècles.  A certains moments la Camargue sera désertée et les habitants prennent refuge dans les villes fortifiées ; en période de paix la Camargue est exploitée par les religieux qui contrôlent les salins (Ulmet et Psalmody) et aussi de grosses exploitations agricoles.  Elle vit toujours en symbiose avec les villes d’Arles et de Nîmes.

Les Guerres de religion marquent la fin de cette période féodale.  Après la guerre, et pour payer ses dettes, la ville d’Arles vend les terres le long des bras du fleuve qu’elle tenait en fief.  La noblesse arlésienne et nîmoise, surtout celle qui a soutenu Henri IV, achètent ses terres, et les exploitations définies à cette époque-là sont essentiellement les mêmes qu’on retrouve aujourd’hui.  Certains des bâtiments des mas modernes datent de cette période des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.  Néanmoins la vie en Camargue était difficile, et ces familles se contentaient souvent d’y mettre les enfants les plus fragiles ou des fermiers pour exploiter les terres.

Cette vie va changer après la grande crue de 1856 et l’endiguement du Rhône.   Les digues vont empêcher les limons fertiles d’arriver sur les terres, qui sont naturellement salées.  Le système d’exploitation des terres, avec une rotation basée sur la production de blé une année et la mise en pâturage l’année d’après avec une fertilisation naturelle par les moutons, va disparaître.  L’agriculture sera sauvée une première fois par la vigne, et beaucoup de bergeries vont se transformer en caves.  Puis la Camargue sera sauvée une deuxième fois avec l’arrivée des industriels Pechiney et Solvay, qui vont extraire du sel le sodium et le chlore dont l’industrie chimique notamment a besoin.       

 

2.        La Camargue moderne :

La Camargue actuelle est composée d’une variété de paysages étonnamment divers.  Le nord du delta est composé de terres fertiles, alors que plus on va vers le sud plus on trouve des terres stériles.  Des bois s’établissent sur les bourrelets, les rives des bras du fleuve ou d’anciens lits.  Plus au sud, des pelouses à saladelle servent de pâtures aux taureaux et aux chevaux.  Les marais sont exploités pour la chasse ou la sagne (roseaux coupés pour le chaume).  Les sansouïres et les baïsses, où ne pousse que la salicorne, sont des terres stériles. 

Les activités actuelles des camarguais reflètent cette diversité des reliefs, mais aussi des évènements que les camarguais eux-mêmes ne contrôlent pas mais avec lesquels ils doivent vivre : d’abord l’endiguement du Rhône, qui a changé la nature des terres agricoles, et puis l’aménagement du Rhône avec des barrages qui arrêtent les sables et limons.  La Camargue actuelle n’évolue plus et les terres deviennent de plus en plus stériles.

Malgré cela, la Camargue s’est encore une fois adaptée, et voici quelques-unes des activités qui permettent aux camarguais de survivre aujourd’hui.

 

2.1               L’Agriculture : L’agriculture reste toujours la principale source de revenu pour les camarguais, avec, depuis la deuxième Guerre Mondiale, une reconversion vers le riz.  Cette production a nécessité des investissements importants pour la création des rizières et l’amenée d’eau douce, mais le riz est une céréale qui peut pousser dans des terres salines, puisque l’eau douce draine le sel, et ces terres ainsi drainées peuvent ensuite être utilisées pour d’autres cultures.  Les riziculteurs dépendent des subventions de l’Europe pour rester compétitifs, et ils sont actuellement inquiets pour leur avenir.

L’élevage joue aussi un rôle important, avec la production de taureaux pour les festivités dans les arènes.  On cherche à valoriser la viande de taureau avec la création d’un label AOP (appelation d’origine protégée), ce qui permet de rentabiliser les animaux qui ne sont pas aptes aux courses camarguaises ou corridas.  L’élevage de chevaux de race Camargue est pratiqué par quelques manades : ce cheval est un excellent animal pour les promenades.

 

2.2  La chasse. Le tourisme.

Les propriétaires camarguais peuvent avoir d’autres revenus.  Des terres qui ne sont pas cultivables peuvent être louées aux sociétés de chasse qui paient très cher le droit de venir chasser les canards ou les petits mammifères.

Certains agriculteurs tirent aussi une partie non négligeable de leur revenu d’activités touristiques : accueil de groupes, chambres d’hôtes, etc.  Pour cela ils mettent en avant les « traditions » camarguaises.  Or ces traditions sont en fait de création très récente, elles ont été mises au point par une équipe au début du 20e siècle pour promouvoir la Camargue rurale, face à la révolution industrielle qui risquait de faire disparaître cette Camargue qu’ils aimaient, et dont le chef de file était Folco, Marquis de Baroncelli-Javon.  On a ainsi « défini » le gardian, sa cabane, la croix gardiane, etc.

Ces traditions néanmoins colorient la vie actuelle en Camargue et rendent la destination accueillante surtout pour des étrangers en quête de belles plages et qui n’ont pas peur des moustiques… 

 

2.3     La protection de la nature

Les étrangers cherchent aussi une nature préservée, et celle de la Camargue, bien qu’artificielle puisque modifiée depuis des siècles par l’homme, est maintenant contrôlée par plusieurs organismes : d’abord la Réserve Nationale, gérée par la Société pour la Protection de la Nature, présente en Camargue depuis 1927, alors que le besoin de préserver la nature n’existait pas encore.  Cette réserve de 13,500 ha est une «zone tampon » entre les saliniers dans le sud de l’île et les agriculteurs dans le nord, autour de l’étang du Vaccarès.  Puis le Parc Régional a été créé après la deuxième guerre mondiale, pour rassembler les acteurs en Camargue et promouvoir les activités en plein air tout en préservant la Nature.  Ce parc couvre la totalité de l’île de la Grande Camargue, soit 75,000 ha.  Les activités à l’intérieur de cet espace sont règlementées, ce qui crée des contraintes pour certains propriétaires.

Récemment un nouvel organisme a vu le jour qui joue un rôle de plus en plus important en Camargue : il s’agit du Conservatoire du Littoral.  Le Conservatoire a pour but l’achat de terres qui longent les corps d’eau, mer ou fleuves, pour les extraire aux promoteurs.  Il serait actuellement propriétaire d’environ 25.000 ha en Camargue.  Certains lots sont petits ; d’autres, comme la Réserve Nationale, couvre des milliers d’hectares.  Alors que les propriétaires traditionnels sont soumis à des règlementations de plus en plus stricts, vendre ses terres au Conservatoire peut être une échappatoire, mais constitue également une déclaration d’abandon, car le Conservatoire n’a aucun budget pour entretenir les lots qu’il achète.  Est-ce cela l’avenir qu’on souhaite ?

 

Conclusion :

La Camargue a su, siècle après siècle, renaître.  Portée d’abord par le Rhône, ensuite par le sel, pendant des siècles par le blé et les moutons, puis par la vigne, dernièrement par le riz, aujourd’hui par le tourisme, ces terres ont toujours fait rêver.  C’est un monde où la présence de l’homme a toujours été difficile -- médiocrité du sol, rigueurs du climat, moustiques, manque d’eau douce – on dirait que la nature fait tout pour chasser l’homme… Mais l’homme résiste, et que serait la Camargue sans l’homme ? 

 

 

 

 

 

 
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