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Mémoire d'un passé oublié : la vie à la campagne Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
02.04.2014 - souvenirs heureux.

Mémoire d’un passé oublié : la vie à la campagne.

La Culturothèque -  1er avril 2014 – Michèle.                                                                                                           

Aujourd’hui la vie à la Campagne est ordonnée autour du tracteur, des machines agricoles, de la météo, de la télévision, des comptes d’exploitation, de rentabilité, des coopératives  etc…  Ce n’était pas ainsi du temps de notre jeunesse ou du temps de nos parents et grands parents…

En 1955 la France comptait plus de 2,3 millions d’exploitations agricoles  pour 43 millions d’habitants.

Entre la famille (2 générations, voire 3) et les ouvriers agricoles on peut considérer que 10 personnes vivaient sur une exploitation ce qui fait que  pratiquement la moitié de la population française était concernée par le travail des paysans.

La vie s’ordonnait donc autour de la vie à la ferme, des saisons et d’évènements  mais que l’on vive dans un petit village de montagne ou dans une campagne ensoleillée de Provence les paysans vivaient bien repliés sur eux-mêmes et produisaient tout ce dont ils avaient besoin pour leur nourriture, leur chauffage, leur habillement et transformaient aussi  les matières premières, souvent avec l’aide des voisins.

J’ai vécu mon enfance à la campagne.  Dans une campagne de montagne et, même si  je suis  un peu plus jeune que beaucoup d’entre vous j’ai pu me rendre compte de ce qu’était la vie à la campagne autrefois. Elle est bien similaire à de nombreux paysans et  quand je parle d’autarcie, c’est  quelque chose que j’ai bien connu dans mon enfance.

Que ce soit pour la nourriture ou pour tout ce dont nous avions besoin, tout était le résultat du travail de la ferme mais aussi de l’entraide qui existait entre les voisins.

Dans mon enfance le matin mes parents se levaient plus ou moins tôt suivant les saisons, il n’y avait pas l’heure d’été et d’hiver, c’était le lever et le coucher du soleil qui rythmait les journées …  

En général, l’hiver mon père se levait le premier pour allumer le feu,  (l’été aussi d’ailleurs).   Après avoir  bu son café il filait à l’étable pour arranger les litières et faire têter les veaux. Lorsqu’il faisait froid les vaches restaient à l’étable toute la journée et on leur donnait du foin. L’élevage du veau était la source du seul revenu financier de la ferme. 10 ha étaient exploités. C’était peu, uniquement pour faire vivre un troupeau de 8 à 10 vaches pour seulement 2 à 3 veaux par an. A l’époque, un veau c’est un veau. Aujourd’hui on n’élève plus beaucoup de veau de cette façon, et lorsque c’est le cas il a l’appellation de « veau sous la mère ». 

Ma mère sitôt levée filait dans le jardin chercher 2 ou 3 carottes, prenait un oignon et allait dans la pièce froide que l’on appelait « chais » car il y avait aussi 2 ou 3 barriques de vin chercher des haricots secs et des pommes de terre. Puis dans un placard intégré dans le mur de la pièce principale elle tirait un pot de graisse dans lequel étaient  conservé des morceaux de viandes : cochon, oie ou canard. Elle en sortait un morceau pour chacun et remplissait  la «oule » à laquelle elle rajoutait  l’oignon qu’elle faisait rissoler avec la graisse qui fondait, les carottes et ensuite les pommes de terre et  les haricots secs et complétait avec de l’eau. Quelquefois elle remplaçait les haricots par un chou et l’été c’étaient des haricots verts, des fèves ou des blettes, mais la recette était toujours la même. La « oule » était placée sur la plaque du feu, contre la braise et les buches de bois, c’est ainsi qu’était préparé les repas de la journée pour toute la famille, à midi on mangeait la viande et quelques légumes et le soir les restes, souvent allongés de tartines de pain trempées dans le jus de la soupe.

Pendant la période scolaire mon père, en rentrant de l’étable, allait allumer le poêle de la classe et garnissait le panier afin de l’alimenter dans la journée.

De mi novembre à mi-décembre,  mes parents  s’installaient dans une étable où il y avait des oies et des canards. Ils  s’asseyaient  chacun sur un tabouret et prenaient un entonnoir,  une cheville de bois et à côté d’eux un seau rempli de maïs égrainé. Ils prenaient une oie ou un canard entre les jambes et introduisaient l’entonnoir dans le bec, y mettaient du maïs dedans  et le faisaient descendre avec la cheville de bois, doucement en caressant souvent  le jabot des palmipèdes pour faire mieux passer le maïs.  Les oies et les canards une fois gras étaient cuits au chaudron, en confit et conservé dans la graisse, les foies étaient apportés le jeudi au marché pour être vendus et les duvets bien conservés pour en faire des édredons ou des oreillers.

Le gavage  terminé il fallait soigner les poules, les poulets, les lapins, les chiens et le cochon. Au cochon on lui donnait une pâtée composée de betteraves, de pommes de terre d’un peu de graisse du lait et un peu d’orge ou de farine de maïs. On gardait l’eau de la vaisselle pour avoir un peu plus de gras. On faisait la vaisselle avec de l’eau bouillante, sans détergeant, et on gardait cette eau pour « diluer » la pâtée qui était cuite tous les deux jours au feu dans le grand chaudron pendu à la crémaillère.

La matinée pouvait commencer.

Mes parents nous levaient, nous « débarbouillaient » et nous partions pour l’école, à l’époque on commençait à 9 h.

La classe était unique, du CP à la classe de préparation au certificat d’études nous étions tous ensemble. Ma grand-mère venait 2 fois pas semaine, elle nous faisait faire de la broderie ou du tricotage ou racontait des histoires aux plus petits….

Dans la ferme il y avait toujours du travail. L’hiver, c’est vrai il y en avait moins, mais il fallait quand même amener les vaches boire à l’abreuvoir, réparer et entretenir les outils : faux, fourches, râteaux, joug, cordes  mais aussi égrainer le maïs, faire la farine, fendre du bois, garnir les râteliers, ranger le grenier à foins, éparpiller le fumier, tailler la vigne et surtout couper le bois dans la forêt.

Quelques évènements égayaient les travaux journaliers. Lorsqu’on tuait le cochon par exemple. Le cochon était  tiré de l’étable par un crochet enfoncé dans sa gorge, une fois installé sur une maie renversée et on l’égorgeait. Un homme récupérait  le sang en tournant sans cesse. On retournait la maie et on versait sur le cochon de l’eau bouillante, on le « raclait » avec des racloirs, on le retournait  puis, une fois épilé,  on le pendait au milieu de la grange. Une fois pendu on ouvrait son ventre et les femmes partent à la rivière « laver les boyaux ». Pendant ce temps on finissait de nettoyer le cochon, on récupérait  la viande du ventre. Les  hommes alimentaient le feu de la cheminée, prenaient de grandes grilles et mettaient de bons morceaux de viande, quand les femmes rentraient on pouvait se mettre à table ! Au menu : bouillon de poule au vermicelle pour faire chabrot, de la viande grillée que l’on appelle chez moi la « carboide » et le « padénach » qui était constitué de pommes de terre cuites à la poêle avec des morceaux d’abats du cochon. La détente s’installait jusqu’à la fin de la journée…. 

Le cochon était traditionnellement « cuisiné » deux jours après : jambons pour les pique-niques de fenaisons et de moissons qui étaient pendus dans le conduit de la cheminée, pâtés et aussi saucisse séchées puis conservée dans l’huile, les saucissons étaient eux pendus au plafond  ainsi que les ventrêches et les fritons. Les morceaux de viande étaient cuits à la graisse pour être conservés pour toute l’année, d’autres étaient bien salés et installés dans le saloir. Tout le monde mangeait  ensemble à midi  car en général une journée suffisait à transformer le ou les  cochons. Le menu de ce jour changeait un peu  du jour ou on tuait le cochon : il y avait du pot au feu, du boudin, de la viande grillée et pommes de terre et quelques fruits au sirop, car les parentes et les voisines venaient donner un coup de main. En remerciement, le lendemain, nous leur portions un morceau de boudin et un morceau de « milhas » qui avait cuit  après le confit dans un reste de graisse auquel on avait rajouté de l’eau, du lait et incorporé petit à petit de la farine de maïs. Une fois cuit on versait cette pâte dans un tiroir recouvert d’un torchon fariné. Une fois refroidie on la découpait en morceaux que l’on mangeait soit en tranches grillées ou cuites à la poêle sucrées à la confiture ou au miel, soit coupés en petit morceaux dans un bol recouvert de lait chaud et sucré : c’était le bol de céréales de l’époque. Le régal des enfants était de « curer » le chaudron. On nous donnait à chacun une cuillère et on raclait le chaudron de cuivre, sans aller trop haut, car il y avait du « ver de gris » qui était néfaste pour la santé !

Si  il y avait du travail dans la ferme, l’hiver, il y en avait aussi dans la maison. Sortir la cendre, secouer les édredons, balayer, faire des lessives. Ma mère avait une lessiveuse où elle faisait bouillir tous les cotons : torchons, tabliers de devant mais aussi slips, culottes, maillots de corps. Tout devait être d’une blancheur immaculée !

Quelquefois nous avions un gâteau à la poêle en sortant de l’école : œufs, farine de maïs, lait qu’on sucrait avec de la confiture. Les œufs étaient ramassés tous les jours, on les nettoyait afin que ma mère les échange à l’épicier contre un peu de sucre et de lessive.

Le soir, de temps en temps il y avait les veillées. Les hommes se réunissaient pour jouer aux cartes et parler politique avec quelquefois des discussions animées qui se terminaient pratiquement toujours par des brouilles et les femmes tricotaient ou égrainaient le maïs en se faisant quelques clins d’œil car elles « connaissaient la chanson ». Cela se faisait à  la lueur de la lampe à pétrole accrochée au plafond et qui descendait presque au milieu de la table. C’était en général un cadeau de mariage. Ma grand-mère me racontait que de son temps c’était  une chandelle qui éclairait la table et chaque famille apportait une à la veillée. Les hommes buvaient du vin mais les femmes et les enfants du vin chaud agrémenté de miel.

Le printemps c’était le travail aux champs, labourer, herser, semer …

Je vous ai parlé d’autarcie. Il fallait donc cultiver pour nourrir les poules, oies et canards, les cochons, donc on semait du blé, du maïs des betteraves. Mais semer les pommes de terre c’était le plus dur. On les préparait d’abord : on coupait une pomme de terre en plusieurs morceaux qui devaient comporter un ou deux « oeils », puis on les plantait tout les 50 cm dans une raie que faisait la charrue (araire, le brabant était réservé aux paysans qui pouvaient atteler plusieurs paire de boeufs). Les enfants étaient de corvée, car la terre est basse il fallait marcher courbé. C’est mon père qui tenait la charrue dont le timon était accroché au joug de deux vaches attelées ensemble. Sa fierté c’était de faire des raies bien droites. A la fin de la journée on regardait le champ avec la joie du travail bien accompli.

Il fallait s’occuper aussi du jardin. Quand on parlait du jardin, chez nous  il y avait toujours  petit terrain près de la maison ou étaient plantés choux, carottes, celeri et poireaux, surtout pour les potées d’hiver mais le jardin c’était surtout un champ ou des rangées de haricots (le coco tarbais), d’oignons, étaient semées pour la conservation. Il y avait aussi des haricots verts bien sûr, des carottes, des fèves et quelques blettes qui ressemblaient à des betteraves.

Il fallait aussi aller garder les vaches, la clôture électrique est venue plus tard chez moi (1960 environ).

Le soir toujours pareil, il fallait faire « l’écurie » c'est-à-dire enlever les bouses, mettre de la paille…. Les vaches avaient toujours l’habitude de s’installer à la même place, elles ne se chamaillaient jamais. Quelquefois une allait donner un coup de corne à une autre mais elle revenait aussitôt à sa place. On les attachait puis faisait têter les veaux puis on trayait les vaches, à la main bien sûr. Mon père suivant les saisons tirait soit une casserole (3 litres) soit un seau (10 l) de lait qu’il nous fallait ramener à la maison rapidement pour le faire bouillir. Avant on retirait la crème. Ma mère en faisait quelquefois du beurre le dimanche avec la crème de la semaine. Pas de frigo, elle était conservée dans un pot avec une assiette dessus au « chais ». Quand j’ai été plus grande on m’a permis de faire des gâteaux, je faisais de la Chantilly avec cette crème mais seulement le dimanche. Jamais je n’ai retrouvé le goût qu’avait cette crème. Mais on faisait plus régulièrement du fromage : des ronds avec une croute et une pâte blanche avec des petits trous. Lorsqu’on faisait bouillir le lait, il restait toujours quand même de la crème, il y avait une « peau » que l’on enlevait avec une cuillère on la mettait dans un verre et avec un peu de sucre c’était notre régal. Et si quelquefois le lait tournait, alors ça c’était notre fête : on avait un genre de « brousse » que l’on dégustait à s’en lécher les babines.

On n’avait pas de dessert, seulement pour les grandes occasions. On avait toujours des pommes, conservées dans  le chais, en tas à côté des pommes de terre. On avait aussi des noix, noisettes, des châtaignes à la saison que l’on faisait griller à la poêle trouée. Quand il y avait beaucoup d’œufs ma mère nous permettait de faire des crêpes sur le poêle à bois…

On buvait du vin de la petite vigne que soignait amoureusement mon père, mais aussi du cidre qui était fait au pressoir à la fin de l’été avec les pommes récoltées pour la plupart dans des pommiers qui poussaient dans des haies…

Le pain était fait une fois par semaine et cuit au feu de bois dans un four du village. Avant de commencer une « miche » on faisait le signe de la croix !

Au printemps il y avait quelques fêtes du genre communion ou mariage. A cette occasion on invitait la famille.

Je me souviens de la communion de mon frère, plus tard, c’était en 1968 ma mère avait fait entièrement le repas avec la production de la ferme au menu : Charcuterie (pâté, jambon, saucissons),  œufs mimosas, brochets à la mayonnaise (pêchés par mon frère et mon père à la rivière), poule en sauce, poulets rôtis, pommes de terre à la poêle,  et fraises melba. Ma mère faisait de la glace en faisant cuire du lait et des œufs avec du sucre et une fois cuit, mettait ce liquide dans un moule qu’elle couvrait et une fois refroidi le mettait dans une bassine déjà à moitié remplie de glace et qu’elle complétait. C’était magique de sortir au bout de quelques heures la crème glacée. C’était toute une affaire pour avoir cette glace. Il fallait l’acheter à la ville voisine et la ramener dans des sacs de jute. Pour la communion de mon frère y avait  eu des grèves et ma mère n’avait pas pu avoir du sucre, elle avait donc dû demander à la famille quelques verres de sucre aux uns et aux autres. En tout cas, je peux vous dire que ces fraises melba avaient régalé l’attablée (50 personnes quand même !).

Le début de l’été on fanait. C’était le grand travail de la ferme, celui qui nous laisse le plus de souvenirs. Il faut dire qu’il occupait tous les membres de la famille et les oncles et tantes venaient nous aider. Le soir on allait faucher le foin. Je me souviens quand mon père partait avec la faux sur son épaule mais plus tard il attelait les vaches et accrochait le timon d’une faucheuse mécanique  au joug des vaches. Il fallait avoir bien aiguisé les lames ! Je montais avec lui sur cet engin qui me faisait peur et c’était amusant de regarder les sauterelles qui sautaient de tous côtés. Quand on arrivait au dernier rang ça sautait encore plus. Le lendemain en fin de matinée, on allait faner, c'est-à-dire éparpiller le foin pour le faire sécher. On le retournait encore le soir et le lendemain. Ensuite le surlendemain on le ratissait pour le mettre en tas. En fin d’après midi, on attelait deux vaches pour amener le char dans le pré. Un homme était sur le char pendant que d’autres lui passaient des fourchées de foin. Il était là pour équilibrer le chargement qu’on attachait bien serré. Il arrivait quand même quelquefois que sur le chemin du champ à la ferme le char se renverse et alors il fallait recommencer !...  En fait pendant quelques jours on passait son temps dans ces prés, on y mangeait, on faisait la sieste et on travaillait. Encore un des bons souvenirs : c’est le bol rempli d’eau fraiche dont la bouteille restait dans la rivière, ou dans la source,  un peu de vin, du sucre et on trempait notre pain là dedans au gouter !....

Après les foins c’étaient les moissons. On coupait le blé à la faucille. Il y avait un geste pour arriver à le couper, si on n’avait pas ce geste c’était dur, très dur. Le blé était mis en gerbe puis rentré à la ferme en attendant la batteuse qui s’installait dans la cour et durant toute une journée elle engloutissait tout le blé et ressortait la paille d’un côté et le grain de l’autre pour le mettre en sac. J’ai le souvenir de ces journées pleines de poussière et de bruit. Mais le soir c’était la fête, les hommes se réunissaient pour manger et  faisaient le concours de celui qui découpait  le plus vite un poulet tenu au bout d’une fourchette. En un rien de temps les morceaux parfaitement découpés n’attendaient plus que les gourmands. Là aussi, quelquefois, à la fin du repas il y avait quelques échauffourées car les hommes buvaient quelques verres d’eau-de-vie.

L’eau-de-vie était un alcool fabriqué par le « bruleur de vin » ou « bouilleur de cru ». Il arrivait généralement à la fin de l’été ou au début de l’automne dans un village. Chaque paysan amenait soit des fruits, chez nous des prunes, soit le reste de la vendange précédente qu’il transformait  en alcool. Cette eau-de-vie servait chez nous à fabriquer des liqueurs, à conserver des fruits (cerises) mais aussi à désinfecter.

Il fallait ensuite ramasser les pommes-de-terre, les légumes qu’il fallait trier et préparer pour tout l’hiver comme les oignons qu’il fallait tresser pour les pendre au grenier, les haricots qu’il fallait écosser et faire sécher. Les autres légumes avaient aussitôt mangés après récolte, sauf les haricots verts mis en conserve.

L’automne était la période de ramassage du maïs. A l’aide de pointes en bois on ouvrait les « cabeils ». Ce travail était pénible car dans les champs les feuilles de maïs nous  « raclaient » la tête, les mains et à la fin de la journée c’était douloureux même si… il fallait décharger le tombereau pour mettre les épis dans le séchoir.

On allait aussi ramasser les betteraves pour les cochons….

Les champs étaient vides, le labourage s’imposait et puis il fallait à nouveau semer les céréales  pour la saison suivante.

A la maison on pouvait ranger les bocaux de confitures réalisées à la fin de dures journées ou aussi quelques fruits au sirop stérilisés dans des bocaux qui pourraient servir à l’occasion de quelques fêtes.

Chez moi, avant la rentrée ma mère lavait tous les planchers : on sortait les meubles et on les lavait à grandes eaux avec aussi de l’eau de javel, chez des voisins les pièces étaient blanchies à la chaux.

On repassait les draps et nappes qui avaient été utilisés et lavés durant l’été. Bouillis dans la lessiveuse, c’est la cendre qui servait de lessive, puis rincés dans la rivière. Chez nous on étendait sur de grands fils de fer qui faisaient toute la longueur de la cour, c’est ainsi que les draps et les nappes séchaient au soleil. Le linge était ensuite plié et attendait le temps du repassage. Les fers étaient chauffés sur la plaque du feu (ou sur  le poêle à bois si c’était plus tard dans la saison). Il en fallait deux, pendant qu’on  en utilisait un, l’autre chauffait.

Draps, nappes, torchons et même vêtements étaient surtout fait avec du lin ou du chanvre (je me souviens du chanvre qui croupissait dans l’eau d’une fontaine assez longtemps et ensuite  on le faisait sécher avant de le broyer pour en extraire la filasse qui était donnée au tisserand du village voisin). Quelques champs étaient réservés à la culture de ces plantes qui étaient traitées ensuite tissées pour en faire des draps qui étaient vendus au mètre et acheté par les familles qui se transmettaient leur trousseau de génération en génération : en général le linge ne manquait pas et c’est la raison pour laquelle on pouvait se permettre d’attendre les beaux jours pour laver le linge et ensuite prendre le temps pour le repassage.

Souvent chez moi on refaisait les matelas. Ils étaient faits de laine de mouton que ma mère avait lavé et relavé à la rivière, puis longuement brossé. Un matelassier venait le coudre à la ferme, la toile était achetée au marché, le jeudi, qui se déroulait dans la ville voisine.

La laine de mouton aussi était récupérée pour faire des draps de laine. Je me souviens d’avoir porté les fameuses pèlerines de cadis.

C’est au marché aussi que mon père allait vendre les veaux. La ville était très réputée pour ce marché qui se déroulait sous une halle couverte. L’affaire se concrétisait par une poignée de main et le versement en espèces de la somme convenue. Mon père y allait à pied et revenait aussi à pied : un sou gagné à l’époque c’était un sou à économiser. J’ai vu plus grande le bus qui avait une charrette derrière pour les veaux, mon père ne l’a jamais utilisé.

L’argent du veau devait être utilisé seulement pour  la gestion de la ferme : pierre à aiguiser, fourche, bêche, faucille… ou pour les semences mais rarement pour la maison ou les vêtements. On récupérait ceux des parents, oncles, tantes, cousins, cousines. Toutes les femmes savaient à peu près coudre et quelquefois faisaient « du neuf avec du vieux ». C’est ainsi que j’ai appris à détricoter des pulls, à découdre des jupes ou des manteaux pour en faire d’autres vêtements. Les hommes chez moi portaient le béret, les femmes aussi. Au pied des sabots de bois.

A noël il arrivait souvent que le père-noël apporte des vêtements aux poupons offerts par une tante plus fortunée, ces vêtements étaient taillés ou tricotés avec des restes de quelques « retouches ». Les garçons avaient souvent des jouets en bois, toupies, quilles etc… taillées dans du noisetier le soir au coin du feu. Chez moi il n’y avait pas de tradition particulière si ce n’est que ma mère faisait une daube (sanglier, lièvre, biche… suivant ce qui avait été rapporté par les chasseurs). Cette daube cuisait toute la nuit et elle faisait partie du repas du lendemain midi, il n’y avait pas de bûche au dessert, ma mère nous faisait une omelette norvégienne…. chez nous il y avait toujours ma tante et mes cousins mais en général ce jour là chacun restait chez soi.

La tradition était plus marquée pour le jour de l’an ou les enfants allaient souhaiter la bonne année dans toutes les maisons du village et on leur donnait 1 sou. Je ne sais pas si vous vous rappelez de ces pièces de 1 franc…. Mon frère et moi on donnait l’argent à nos parents, c’était pour nous payer quelques tours de manège lors de la fête dans le village voisin.

L’argent on le voyait seulement à cette occasion,  on savait qu’il servait surtout pour le médecin ou… le vétérinaire. Une vache malade c’était toute une remise en question sur la survie de la famille….

A l’époque on était moins hygiénique, on prenait un bain tous les dimanches. Encore, les enfants, je ne me souviens pas du tout avoir vu ou imaginé comment mes parents ou grands parents se lavaient. Nous on « barbotait » dans un grand bac avec un morceau de savon de  Marseille avec lequel on lavait aussi nos cheveux puis on nous rinçait en nous lançant un seau d’eau tiède.  L’hiver on était bien heureux de recevoir assez vite une serviette rèche avec laquelle on nous frictionnait, pas besoin de peeling. Les cheveux recevaient un rinçage supplémentaire avec une eau vinaigrée.

A l’école, le lundi, on surveillait nos mains, notre cou, nos ongles et nos genoux et on nous questionnait pour savoir si nous avions changé de sous-vêtement, ce n’était pas un bon moment car on était toujours très mal à l’aise et surtout très malheureux pour ceux qui étaient renvoyés de la classe...

J’arrête là  l’évocation de la  vie à la Campagne autrefois, même  si je  pouvais vous parler de tant et tant d’autre détails de notre vie dans le village où j’avais 8 ans lorsque l’électricité y est arrivée et  12 ans lorsque l’eau a pu arriver dans les maisons, j’avais 20 ans lorsque nous avons eu la salle de bain et les WC modernes seulement deux mois avant que je quitte la maison….

J’espère qu'à l’évocation de ces souvenirs en avoir ravivé quelques uns de votre enfance …

 
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