LE SECRET D'AGATHA CHRISTIE |
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LE SECRET D’AGATHA… CHRISTIE. Les Jeudis de La Culturothèque Le 5 janvier 2012
En décembre 1926, Agatha Christie disparaît pendant une dizaine de jours avant d'être retrouvée dans un hôtel de Harrogate où elle séjourne… Cette disparition reste aujourd’hui encore un mystère.
Les romans d’Agatha Christie sont des Best-sellers dans le monde entier et sont adaptés régulièrement au petit et grand écran. La romancière anglaise reste une référence incontournable de la littérature policière « depuis 100 ans, nous ne cessons d’écrire de simples variations sur ses œuvres » (Jean-Christophe Grange). Les romans d’Agatha sont à l’image de sa vie : ponctués de voyages, de rencontres et d’aventures improbables. A travers l’évocation de son personnage, nous allons essayer de lever le voile sur les mystères qui l’entourent.
Agatha Mary Clarissa Miller est née le 15 septembre 1890 à Torquay, dans le Devon en Angleterre. Fred Miller, son père, américain, avait épousé la nièce de sa belle-mère et fille d’un capitaine de l’armée britannique, Clarisse (Clara) Margaret Boehmer que son père et sa belle-mère avaient adopté. Le Grand Père d’Agatha lui avait laissé une fortune qui devait permettre à toute la famille de vivre de ses rentes sans aucune inquiétude financière. « Il n’y avait rien de remarquable. Il n’était pas spécialement intelligent. Je crois seulement qu’il avait le cœur simple et bon, et qu’il aimait vraiment ses semblables. Il possédait un grand sens de l’humour et faisait facilement rire les gens. Aucune mesquinerie en lui, aucune jalousie : il était généreux à l’extrême. Naturellement heureux et serein.» dit Agatha. Sa mère «avait une personnalité énigmatique et marquante –plus forte que celle de mon père-, elle avait des idées étonnamment originales mais, par timidité, manquait désespérément de confiance en elle. Je crois que, au fond, c’était une grande mélancolique.» Agatha à un frère et une sœur plus âgés qu’elle : Madge et Monty. Elle passe son enfance dans une maison que sa mère avait achetée : à la place de louer une maison à Torquay alors qu’ils devaient n’y rester que quelques mois, (Fred et Clara devaient initialement s’installer en Amérique) Clara avait acheté Ashfield car de toutes les maisons qu’elle avait visité c’est la seule qui lui plaisait mais elle n’était pas à louer mais à vendre. Agatha grandira dans cette maison, paisible, au sein d’une famille où les parents s’aiment et aiment leurs enfants. «Ô ! ma chère maison, mon nid, mon gîte. Le passé l’habite… Ô ! ma chère maison.» Agatha reçoit une éducation à domicile : elle est très forte en mathématique mais nulle en grammaire et orthographe. Elle est très imaginative et s’invente des chatons, puis une Mrs Green qui avait 100 enfants et enfin de nombreuses amies avec qui elle invente des jeux et qui lui tiendront compagnie pendant plusieurs années. Elle apprend à lire seule à 5 ans. Elle lit beaucoup et écrit très tôt des poèmes, des contes et des nouvelles encouragée par sa mère. La famille s’installe pour 6 mois à Pau. Agatha apprend le Français. Lorsqu’elle a 11 ans, son père meurt d’une crise cardiaque. Sa sœur se marie et a un petit garçon Jack, son frère est engagé dans la guerre des Boers. Une mauvaise gestion de la fortune du grand-père entraîne une situation difficile. Sa mère décide malgré tout de garder Ashfield au prix de grands sacrifices d’une vie mondaine. Mais Clara s’occupe bien de sa fille et toujours imprévisible décide de la mettre à l’école de Torquay puis de l’envoyer en France suivre des cours de musique et de chant, puis des cours de théâtre. Agatha a un certain talent mais sa timidité a raison de ses talents et elle revient alors en Angleterre. « Parfois je me demande ce qui se serait passé si j’avais poursuivi ma scolarité. J’aurais progressé, j’imagine, et je me serais totalement investie dans les mathématiques, matière qui m’a toujours captivée. Je serais alors devenue une mathématicienne de troisième –ou quatrième- ordre et ma vie se serait déroulée de toute façon tout à fait heureuse. Je n’aurais sans doute pas écrit de romans. Les mathématiques et la musique auraient suffi à me satisfaire. Elles se seraient emparées de toute mon attention et m’auraient fermé le monde de l’imaginaire ». Agatha grandit : on flirte, on se fait la cour. « La pureté n’était pas un vain mot, à l’époque. Et nous ne nous sentions pas du tout refoulées pour autant. Les amitiés romantiques, d’où l’amour physique –ou son éventualité- n’était certes pas exclu, nous satisfaisaient entièrement…. …Vous savez que ce n’est qu’un jeu, mais une forme d’apprentissage aussi. Les troubadours avaient bien raison de composer leurs chansons sur le pays du Tendre. Je peux lire et relire Aucassin et Nicolette pour son charme, son naturel et sa sincérité. Jamais plus, votre jeunesse passée, ne retrouverez vous ce sentiment particulier, cette sensation forte de l’amitié avec un homme, cette impression d’être en symbiose, d’aimer les mêmes choses, de penser les mêmes choses…. ». Ensuite Agatha part à la chasse au mari… joue au polo, sort avec des amis. Elle va au bal. Elle a des soupirants, elle reçoit des demandes en mariage, elle se fiance. Puis elle tombe amoureuse d’Archibald Christie. Elle romp ses fiançailles et décide de se marier tout de suite. Non ils devront attendre : ils n’ont pas d’argent pour s’établir. Nous sommes en 1914. La guerre éclate. Archi doit partir et elle l’accompagne à la gare « il était sûr, comme tous ceux de l’aviation, qu’il allait se faire tuer et qu’il ne me reverrait jamais…. J’eus moi aussi la certitude que je lui disais adieu, que je ne le reverrais plus. Je me rappelle pourtant être montée me coucher, cette nuit-là, et avoir pleuré, pleuré au point de ne plus pouvoir m’arrêter, puis soudain, sans transition, avoir sombré, épuisée dans un profond sommeil. ». Rentrée à la maison elle se précipite à son détachement d’aide volontaire aux blessés. Elle apprend les gestes des secouristes, elle apprend à faire des pansements, à soutenir les infirmières et les médecins. Son plus grand travail est de s’occuper des malades : donner un verre d’eau, écrire des lettres… Quelques temps plus tard elle est appelée à la pharmacie : elle doit préparer les onguents, les médicaments et les suppositoires. Ce travail l’intéresse plus. Elle s’applique, prend des cours, suit des stages chez des divers pharmaciens. Elle remarque que quelques pharmaciens ne sont pas « règlos ». Elle observe, imagine… Archie à une permission de 3 jours pour Noël. Ils décident de se marier. Ils arrivent à trouver un pasteur et à organiser les formalités administratives pour se marier la veille de Noël. Archie repart le surlendemain. Les mois passent. La guerre s’enlise. « L’idée d’écrire un roman policier me vint tandis que je travaillais au laboratoire de pharmacie de l’hôpital. Idée qui avait mûri dans mon esprit depuis le défi antérieur de Madge…. Je me mis à réfléchir au type d’intrigue que je pouvais utiliser. Comme j’étais encore entourée de poisons, peut-être était-il assez naturel que je choisisse la mort par empoisonnement…. ». Agatha avait deux heures libres tous les jours. Elle imagine un meurtre, des personnages et le héros : Hercule Poirot. Elle écrit La Mystérieuse Affaire de Styles. Son roman terminé elle l’envoie à un éditeur… qui le renvoie pas intéressé, un autre, puis un autre et encore… ainsi jusqu’à une nouvelle permission d’Archie qui lui recommande d’aller voir un de ses amis directeur chez Methuen. Suite à cette recommandation on garde son manuscrit… on le garde longtemps. Entre-temps la guerre se termine. Agatha et Archie trouvent un logement, ont une petite fille : Rosalind. Agatha oublie sa « Mystérieuse Affaire de Sytles ». 2 ans après avoir laissé son manuscrit elle reçoit un appel téléphonique : l’éditeur serait d’accord pour l’imprimer mais… il faudrait changer la fin et il faut signer un contrat qui l’engage pour 5 romans. La Mystérieuse Affaire de Styles est éditée à 2000 exemplaires : c’est après la guerre, il n’y a pas de papier et puis c’est un premier roman. Il s’est bien vendu, mais Agatha n’en retire que 25 livres. Pas de quoi mettre du beurre dans les épinards. Agatha reçoit des propositions de journaux (le Weekly) pour des feuilletons, c’est les débuts de Tommy et Tuppence Beresford. Elle écrit The Secret Adversary qui deviendra en français Mr Brown. Archie trouve un travail à la City, Agatha est mère au foyer (elle a toujours mis cette profession sur ses feuilles d’impôt). Archie a une proposition de travail pour l’exposition universelle. Il doit faire le tour du monde. Agatha le suit. Elle a le mal de mer mais adore voyager. Le voyage dure 11 mois. Rosalind est laissé au soin de sa sœur et de sa mère. « Faire le tour du monde fut l’un des évènements les plus palpitants de mon existence ». Agatha en profitera aussi pour se baigner et faire… du surf ! De retour Archie n’a plus de travail. Archie se passionne pour le golf. Elle fait un troisième roman intitulé Le Crime du Golf. Elle avait écrit trois romans, elle était heureuse en ménage… Elle écrit Le Meurtre de Roger Ackroyd « qui a été, de loin, mon plus grand succès ». Lors du décès de sa mère Archie est en Espagne, elle fait un long séjour à Asfield pour faire le tri dans la maison. Agatha est très fatiguée. Archie ne la rejoint pas le WE : il préfère ses parties de Golf ! De retour à Londres, il lui annonce qu’il veut divorcer. « Ces paroles marquaient sans doute la fin de toute une partie de ma vie : la partie du bonheur, de la confiance, de la réussite. ». Le 3 décembre 1926, Agatha Christie appelle à la rescousse, par téléphone, sa secrétaire, qui arrive le plus vite possible à son domicile, les portes sont ouvertes, les portes du garage aussi, la voiture a disparu. Agatha n’est pas là, sa petite fille de 7 ans est dans la maison. Le lendemain, on trouve sa voiture abandonnée, accidentée, dans une forêt, près d’un étang avec son manteau de fourrure et ses papiers… Il fait froid, on ne peut se promener en tailleur… Pourtant Agatha s’est volatilisée. La police drague l’étang, les journaux publient sa photo et promettent une récompense… Les hypothèses les plus folles sont échafaudées. Coup médiatique, Meurtre (par son mari), enlèvement, suicide, échappée volontaire, attaque d’Extra-Terrestres ? Les recherches se poursuivent pendant 11 jours, des battues sont organisées dans toute l’Angleterre, pour la première fois on fait même appel à l’aviation pour la retrouver. On retrouve Agatha onze jours plus tard dans un Hôtel à Harrogate où elle s’est inscrite sous le nom de la maîtresse de son mari. Archie se rend aussitôt auprès d’elle. Agatha ne le reconnait pas. Que fait-elle à plus de 400 km de son domicile ? Comme s’y est-elle rendue. Agatha a été raccompagnée chez elle par des médecins qui ont diagnostiqué une forme d’amnésie. Elle est ensuite restée seule, isolée du monde extérieur, pendant des semaines. Agatha prétend ne se souvenir de rien. Elle maintient cet oubli jusqu’à sa mort : elle ne dit pas un mot de cet épisode dans son autobiographie. Après sa mort, dans ses papiers on a trouvé cette note « La clef du mystère de ma disparition, se trouve dans ma chambre du Péra Palace à Istanbul ». Des recherches ont été entreprises et on a trouvé derrière la porte, dans le parquet une cache. Dans cette cache une clef. La clef du Mystère sans doute…. A Istanbul ? Pourquoi Istanbul ? En 1927, Divorcée Agatha part seule en voyage à bord de l’Orient Express et rencontre à Bagdad un archéologue Max Mallowan de quinze ans plus jeune qu’elle. Elle passe le reste de son existence avec lui. Elle l’accompagne chaque année, pour trois mois, en Syrie en Irak pour des campagnes de fouilles archéologiques qu’elle transpose comme décor dans quelques histoires, notamment Meurtre en Mésopotamie. Agatha heureuse en ménage écrit des romans, des pièces de théâtre aussi… Sacrée « Reine du crime » elle a connu un succès mondial. Auteur de nombreux romans policiers son nom est associé à celui de deux héros : Hercule Poirot et Miss Marple dont on connaît des séries télévisées. Le secret d’Agatha, ne serait-il pas la particularité de ses romans qui consiste en un sens de l’intrigue assez particulier. Pour elle le crime n’est pas un simple évènement mais un fait expliqué par la personnalité de la victime et... de l’assassin. Pour trouver la solution Agatha Christie pose au lecteur des questions : pourquoi, quand, comment ? Elle est persuadée que le ou les coupables peuvent être démasqués après des recherches sur les antécédents de la victime. En principe dans ses romans tout indice matériel est absent et elle fait toujours faire une recherche intellectuelle ou psychologique à ses héros. La singularité de ses romans repose aussi sur le fait que n’importe qui peut devenir un assassin : suite à une dispute, pour protéger quelqu’un, pour de l’argent, par amour, lutte entre le bien et le mal, suite à des troubles de jeunesse, être confronté à des criminels internationaux.
Agatha a été élue présidente du Detection Club[1] en 1957. Elle est devenue Dame Agatha Christie suite à la distinction de Dame Commandeur dans l’ordre de l’Empire britannique qu’elle a reçue des mains de la reine Elisabeth en 1971. Dans son roman « Hercule Poirot quitte la scène », son héros s’éteint en août 1975 (Le New York Time avait même publié une nécrologie le 6.8.75), Miss Marple résout sa « Dernière Enigme » en 1976 dans un titre posthume car Agatha Christie s’éteint le 12 janvier 1976. Mais alors… Le Secret d’Agatha ? Le secret · c’est d’écrire à trois doigts sur une machine à écrire au rythme d’un ou deux livre par an ? · C’est de regarder autour de soi pour puiser son inspiration ? · C’est de savoir tisser des intrigues à l’infini autour de quelques objets quotidiens ? · C’est de mener en bateau jusqu’au bout le lecteur… mais en ne lui cachant (quand même) jamais aucun indice ? · C’est de vous donner un livre qui, lorsque vous le commencez, vous tient jusqu’à ce que vous l’ayez terminé ? |
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