L'ARRESTATION DES TEMPLIERS |
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L’arrestation des Templiers. La Culturothèque – 15 avril 2014 Michèle Ils étaient présents dans toute la France mais aussi en Europe. On a vanté leur église pendant deux siècles et puis le 22 mars 1312 la bulle papale « Vox in excelso » prononce l’abolition de l’ordre du Temple et celle du 2 mai « Ad providam » attribue les biens des Templiers aux Hospitaliers. S’il y a une affaire qui a fait couler beaucoup d’encre c’est bien l’arrestation des Templiers. Les archives nationales possèdent des documents sur l’ordre d’arrestation du 14 septembre 1307, sur l’interrogatoire des Templiers, les inventaires des biens de certaines maisons du Temple ou encore le compte de transfert des prisonniers depuis Paris vers les châteaux d’Île de France et la Provence (24 janvier au 12 février 1308). Comment, pourquoi les « Pauvres Chevaliers du Christ et du temple de Salomon » ont pu être arrêtés et pourquoi cette arrestation a fait couler tant d’encre ? Au début les « Pauvres Chevaliers du Christ et du temple de Salomon » peuvent se compter sur les doigts de la main lorsque leur Maître fondateur Hugues de Payns fonde l’ordre en 1119 pour protéger les pèlerins qui se rendaient à Jérusalem. Afin de se rendre au Saint-Sépulcre qui selon la tradition chrétienne renferme le tombeau du Christ, lieu de pèlerinage par excellence, les pèlerins devaient acquitter un droit d’entrée très lucratif aux musulmans qui détenaient Jérusalem depuis le VIIe siècle. D’autre part, en 1009 le sultan fatimide Al-Hakim qui se croyait investi d’une autorité divine persécute les chrétiens et interdit l’accès au Saint-Sépulcre et quelques chroniqueurs de l’époque (Raoul Glaber, Adhémar de Chabannes….) répandent l’idée d’un complot anti-chrétien fomenté par les conseillers juifs du Sultan. Cette rumeur crée une vive colère qui se retourne contre les juifs d’Europe et déclenchent une série de pogroms qui prendront place entre 1009 et 1012. A partir de 1027 les relations s’améliorent mais le contexte politique instable qui voit se succéder fatimides et abbassides créent une insécurité et, si les pèlerinages reprennent, souvent sous forme de cortèges armés, la guerre entre les musulmans (qui avaient déjà pris Saint-Jacques-de-Compostelle en 997 avec la prise de la cité Sainte mais sans détruire le tombeau de St Jacques) et les chrétiens qui revendiquent, même si elle n’a pas été détruite, la « vengeance du Saint-Sépulcre » et de l’arracher aux infidèles pour le salut de leur âme ! L’idée de la croisade en terre sainte contre les « infidèles » se développe et le pape Urbain II, le 27 novembre 1095, au concile de Clermont lance la première croisade qui est bien entendue. Le St Sépulcre à Jérusalem L’empereur de Rome à Jérusalem avait établi la liberté de conscience et avait fait du christianisme la première religion officielle de l’Empire en se convertissant lui aussi à la religion catholique (323). Vers 329 il fait édifier à Jérusalem une basilique du Saint-Sépulcre au-dessus du tombeau du Christ. C’est à partir de cette époque que l’on voit de nombreux fidèles partir vers la Palestine vénérer le tombeau du Christ. L’accomplissement suprême était de mourir au cours de ce pèlerinage, et la prise de Jérusalem par les musulmans au VIIe siècle n’avait pas mis fin à ces pérégrinations car le Coran reconnaît l’enseignement du Christ (mais sans le considérer comme un Dieu, seulement comme un prophète). C’est seulement suite à la conduite du calife Hal Hakim que les chrétiens ont été privés de l’accès au « tombeau sacré » et que l’idée de la croisade pour libérer le Saint-Sépulcre et la Terre-Sainte est née. C’est donc aux cris de « Dieu le veut ! » que des milliers de personnes, exaltées par des prédications de religieux (Bernard l’Ermite) cousent une croix sur leurs vêtements et se font croisés pour libérer les lieux saints. A pied, à dos de mulet ils périront pratiquement tous sous les coups des armées bulgares et turques après avoir commis de nombreuses exactions (vols, pillages, brigandages, viols…) sur leur passage. Ils n’avaient pas attendus l’appel de la croisade officielle qui partira le 15 aout 1096 sous la responsabilité de quatre grands seigneurs : Godefroy IV de Bouillon (de Boulogne -Lorrains et Allemands), Hugues de Vermandois (les Français du Nord - frère du roi de France Philipe 1er, avec Robert Courteheuse), Raymond IV Comte de Toulouse (Les Français du Midi) et Boémond de Tarente (Normands de Sicile). La route est dangereuse, constamment les pèlerins subissaient des attaques de brigands ou de musulmans. En 1119 les pèlerins subissent une attaque meurtrière qui est relatée par de nombreux chroniqueurs qui font prendre conscience de la nécessité d’une milice armée capable de protéger les pèlerins mais aussi, il faut assurer leur accueil sur place car toujours plus nombreux que les monastères de Sainte-Marie-la-Latine (hommes) et Sainte-Marie-Madeleine (femmes) peuvent plus contenir. Vers 1050 est fondé, près du Saint-Sépulcre, un Hôpital dédié à Saint Jean Baptiste par un Italien, Gérard. C’est dans ce contexte qu’arrive, à Jérusalem, Godefroy de Bouillon, chef des Croisés. Le succès de la première croisade se répand dans tout l’Occident et les fidèles sont encore plus nombreux à prendre, chaque année, le chemin de Jérusalem. D’emblée il donne à Gérard quelques terres qu’il avait en France, d’autres chevaliers imitent sa générosité et les revenus de l’Hôpital sont considérablement augmentés et Gérard réussit à se libérer des frères soignants des autres monastères et fonde une congrégation nouvelle dont les membres prennent le nom d’ « Hospitaliers de St-Jean-de-Jérusalem ». L’ordre est mis d’emblée sous la protection du Pape et la règle établie par Raymond du Puy, successeur de Gérard, est approuvée par Calixte II en 1120. Cette règle engageait les nouveaux religieux à recevoir dans leurs hôpitaux les pauvres pèlerins de Terre Sainte et de les protéger durant tout leur voyage au tombeau du Christ. Godefroy de Bouillon qui avait été désigné roi de Jérusalem mais qui a refusé le titre a préféré porter celui d’Avoué du Saint-Sépulcre et met en place l’ordre des chanoines du Saint-Sépulcre qui a pour mission d’aider le patriarche de Jérusalem dans ses diverses tâches. Plusieurs chevaliers croisés se mettent au service du patriarche. En Occident, déjà une institution similaire constituée de chevaliers « Les chevaliers de Saint Pierre » avait été créée pour protéger les biens des abbayes et des églises. Ces chevaliers étaient des laïcs. Donc en Orient c’est tout naturellement que l’institution créée s’appelle « les Chevaliers du Saint Sépulcre ». Hugues de Payns a probablement intégré cette institution vers 1115 et, en parallèle aux « Hospitaliers de St-Jean-de-Jérusalem » il a l’idée de créer une « milice du Christ » (militia Christi) qui ne s’occuperait que de la protection des chanoines du Saint-Sépulcre mais aussi des pèlerins sur les chemins de Terre Sainte. Les chanoines s’occuperaient d’affaires liturgiques, les Hospitaliers des fonctions charitables et la milice du Christ de la fonction purement militaire de protection des pèlerins. Cette répartition n’était pas nouvelle, elle reproduisait l’organisation de la société médiévale qui était composée de prêtes et moines (ceux qui prient) de guerriers et de paysans, mais réunir ceux qui prient, ceux qui se battent et ceux qui travaillent n’est pas aisé. Le 23 janvier 1120, lors du concile de Naplouse, naît la milice des « Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon » en référence au lieu où ils sont hébergés par Baudouin II : une salle de son palais qui jouxte l’ancienne mosquée Al-Aqsa identifiée alors comme l’ancien temple de Salomon, ils ont comme mission de défendre les Etats latins d’Orient et surtout de « garder voies et chemins contre les brigands, pour le salut des pèlerins » pour la rémission de leurs péchés. Les débuts sont difficiles, le recrutement assez hésitant : les moines doivent porter des armes ! Le premier don (30 livres angevines) sont données par Foulque d’Anjou qui deviendra par la suite roi de Jérusalem. Mais malheureusement la milice a besoin de plus de notoriété en Occident pour recruter de nouveaux chevaliers et obtenir des dons qui feraient vivre la milice en Terre Sainte. Hugues de Payns et cinq autres chevaliers vont faire une tournée (Poitou, Normadine, Angleterre, Flandre, Champagne…) et si l’Angleterre donne de nombreux dons ce n’est pas suffisant et l’ordre est condamné à plus ou moins longue échéance. Heureusement Hugues de Payns peut participer au Concile de Troyes qui confirme la création du Temple et le dote d’une règle propre ayant pour base la règle de St Benoît et quelques emprunts à la règle de Saint Augustin que suivent les chanoines. C’est à l’occasion de ce concile qu’Hugues de Payns rencontre Bernard de Clervaux qui va faire « l’éloge de la nouvelle milice » dans lequel il légitime la possibilité pour un Templier de tuer un ennemi. Robert de Craon qui succèdera à Hugues de Payns comme Maître va assurer un développement important aux Templiers en augmentant leurs privilèges en obtenant du pape de nombreux avantages comme par exemple octroyer les dîmes à l’Ordre…. Très vite l’ordre, sous la protection de Bernard de Clervaux, va avoir un recrutement important et en Occident il va s’organiser comme dans les abbayes qui étaient de vastes exploitations agricoles. Leur objectif est de travailler pour ravitailler les maisons templières d’Orient. Ces maisons portaient le nom de commanderies. Les commanderies : Donc en fait une commanderie était un monastère dans lequel vivaient les frères de l’ordre du Temple en Occident. Elle servait de base pour financer les activités de l’ordre en Orient, pour assurer le recrutement et la formation spirituelle mais aussi militaire des frères de l’ordre. La commanderie était constituée à partir de donations foncières et immobilières. Il y en avait partout en Europe. Les dons : Tout homme qui entrait dans l’ordre pouvait faire le don d’une partie de ses biens au Temple mais les dons pouvaient provenir de toutes catégories sociales. Par exemple Henri II Plantagenêt a cédé au Temple la maison forte de Ste Vaubourg et son droit de passage sur la Seine au Val-de-la-Haye en Normandie, Louis VII céda durant deux ans une rente établie sur les étals des changeurs à Paris, un chanoine pouvait donner une redevance perçue par lui… des exemples il y a ! Les dons pouvaient être de nature différentes : un don foncier (le plus intéressant mais n’a porté que sur quelques parcelles, la motivation était d’invoquer le salut de son âme ou la rémission de ses péchés), le don des pèlerins avant de partir en Terre sainte (peu nombreux car ces dons étaient remplacés par des legs testamentaires) ou le contre-don qui permettait à l’ordre de recevoir un don rémunéré assurant au donateur d’un avoir lui permettant de recevoir de quoi vivre. Ce qui était important pour l’Ordre du Temple c’était d’organiser et de rassembler le tout en un domaine cohérent. Il fallait donc aux moines procéder à des échanges ou des ventes afin de rassembler les terres pour optimiser les revenus qui pouvaient en être tirés. La commanderie était organisée comme un Monastère avec les frères qui avaient fait vœu de clôture qui organisaient, géraient et vendaient les produits de la commanderie et les frères qui travaillaient pour faire rentrer de l’argent. Tous les bénéfices de la commanderie servaient à entretenir les frères d’Orient, les chevaux, mais aussi la construction de forteresses dans les Etats Latins d’orients qui permettaient de sécuriser les routes fréquentées par les pèlerins chrétiens autour de Jérusalem. Seuls les documents d’archives, et en particulier les cartulaires de l’Ordre du Temple permettent d’attester de l’origine templière d’un bâtiment et aujourd’hui on en compte très peu qui présentent un ensemble complet : commanderie de Coulommiers dans Nord, celle d’Arville au Centre et la commanderie de la Couvertoirade au Sud. L’Ordre du Temple possédait donc des monastères appelés commanderies en Occident et des forteresses en Orient ou dans la péninsule Ibérique. Ils n’avaient pas de trésor à proprement parler si ce n’est les coffres fermés à clé dans lesquels étaient gardés de l’argent, des bijoux et des archives. Ces coffre-fort étaient appelés « huche » et étaient tenus par les Maître des Commanderies d’Occident (les commanderies de Paris ou de Londres servaient de centres de dépôts et chaque commanderie pouvait fonctionner grâce à une trésorerie aussi conservée dans un coffre) et d’Orient. Le commandeur en effectuait la comptabilité et pouvait autoriser le prêt d’argent (sans intérêt). C’est ainsi que lors de la IIe croisade Louis VII non seulement est sauvé 4 fois de l’ennemi par les Templiers qui, de plus, complètement désargenté emprunte 2 000 marc à l’Ordre du Temple pour continuer sur Jérusalem où il subira une défaite cuisante. (« Nous ne voulons pas cacher à ta discrétion, la somme d’honneurs, de révérence et de secours que les frères du Temple nous prodiguèrent, à nous et aux nôtres, après notre arrivée en Orient. Nous ne voyons pas, nous ne pouvons même pas imaginer comment, sans leur aide et leur assistance, qui ne nous firent jamais défaut, nous aurions pu subsister dans ce pays…. » « C’est pourquoi il faut, nous t’en supplions chaleureusement, que les Templiers, déjà bénis de l’amour de Dieu, se ressentent de notre amour et de nos faveurs. Ils nous ont prêté une somme considérable de monnaie, et il est nécessaire de la leur rendre sans délai, pour que leur maison n’ait pas à en souffrir. Envoie-moi donc sans retard 2000 marcs d’argent pour que je le leur rende… »). Il est vrai que les Templiers, bien qu’ils n’aient pas vocation à manipuler l’argent (les moines Templiers ont bien fait vœu de pauvreté…) on a constaté qu’ils avaient exécutés des opérations de banque et de plus en plus nombreuses. D’autre part, on sait que Louis VII avant de partir avait confié une partie du trésor royal au Temple ainsi d’ailleurs que Henri II d’Angleterre. Au fil du temps on retrouve des commanderies sur toutes les grandes voies de pèlerinage et les grands axes de circulation notamment la voie stratégique du Rhône avec par exemple une implantation à Orange, Montélimar, Aix, Arles, Marseille, St Gilles qui, elle, s’est considérablement développée au point de diriger une dizaines de maisons subalternes car St Gilles était aussi un port important où s’embarquaient les « paumiers » (ceux qui ramenaient une branche de palmier…) sur les navires de l’Ordre du Temple ou celui de l’Hôpital. Après avoir assuré la protection des pèlerins, les moines du Temple s’impliqueront assez vite suite la défense des Etats Chrétiens en Orient surtout après l’apparition d’un ennemi redoutable Nur al-Din qui prône l’idéologie du « jihad » (« guerre sainte ») contre les Francs avec l’idée de réaliser l’unité du monde musulman. C’est un grand danger car jusqu’à présent l’Orient musulman est très divisé avec par exemple au nord la Syrie partagée entre trois émirats (Alep, Mossoul, Damas) qui souvent s’allie avec les « latins », au Sud l’Egypte fatimide qui contrôle la place forte d’Escalon, menace permanente sur le royaume de Jérusalem, ensuite ce sera la menace de Saladin et la 7ème croisade marquera un siècle plus tard la perte totale de Jérusalem que les Templiers ont héroïquement tenu jusqu’à la mort de Louis IX. Mais, malgré l’union des Templiers et des Hospitaliers l’ordre du Temple cesse d’exister en Terre sainte le 12 août 1291 lorsqu’ils se réfugie à Chypre après la prise de Château-Pèlerin. Le Temple qui avait suscité une belle unanimité et une aide précieuse des rois, des seigneurs et de toute la population n’a plus la popularité à la naissance de l’Etat qui affirme ses pouvoirs monarchiques. L’ordre est devenu puissant, riche et petit à petit un sentiment de méfiance s’établit pour laisser place à une hostilité déclarée. Il en est de même avec les autorités religieuses qui contestent les revenus ecclésiastiques non précisées dans les donations. Les origines de la chute de l’ordre du Temple ont des origines bien plus complexes que la simple volonté du roi de France Philippe IV le Bel qui veut s’emparer du Trésor des Templiers. Déjà avec la chute de St-Jean-d’Acre le 28 mai 1291 l’existence de l’Ordre est bien remise en cause car n’étaient-ils pas créés pour assurer la défense des pèlerins en Terre sainte ou des Etats latins d’Orient ? Les « consciences » chrétiennes se posent la question (même si les moines soldats défendent toujours les pèlerins qui se rendent à Compostelle par exemple ou qui restent une menace pour les Arabes qui lorgnent sur l’Occident). Le point le plus important de la chute de l’Ordre est plutôt les conflits permanents entre les ambitions du Pape et celles du Roi de France. Il est important de rappeler que les Templiers n’ont d’autre autorité que celle du Pape. Les Templiers sont une puissance économique importante, ils sont aussi une puissance militaire avec des places fortes stratégiques. Les Templiers peuvent intervenir n’importe où et simplement à la demande du Pape qui ne se gêne pas d’intervenir directement dans les querelles de succession qui concernent le Saint Empire romain germanique, dans les affaires intérieures des royaumes d’Angleterre et de France, par exemple excommunier Jean sans Terre qui pour éviter que le roi de France ne s’empare de l’Angleterre n’a d’autre choix que de se soumettre au Pape et de devenir son vassal l’année suivante (Innocent III en 1212) ou lancer un interdit à Philippe Auguste pour avoir renvoyé sa femme Isambourg... Le successeur d’Innocent III, Boniface VIII pape depuis le 24 décembre 1294 veut lui aussi imposer cette conception théocratique de la société et rentre de ce fait en conflit ouvert avec Philippe le Bel qui veut assurer son autorité dans son royaume. De plus Boniface VIII publie la bulle « Unam Sanctam » qui proclame la supériorité du pape sur tous les hommes quelle que soient leurs conditions, rois ou empereurs. Avec l’aide de son conseiller, Guillaume de Nogaret, Philippe le Bel suggère un concile pour déposer Boniface VIII qui, aussitôt s’empresse d’excommunier le roi de France par la bulle « Super Patri Solio ». Guillaume de Nogaret décide donc, avec l’aide de Colonna, de tendre un guet-apens au Pape qui s’est retiré dans sa ville natale, Agnani (7.09.1303). Une bousculade s’ensuit et le pape aurait été giflé mais réchappe au guet-apens pour mourir 34 jours après. Le pape qui lui succède, Benoit XI est bien soucieux d’apaiser les tensions en accordant le pardon aux comploteurs (sauf à Guillaume de Nogaret) mais son pontificat est de courte durée puisqu’il meurt le 7 juillet 1304 (il aurait peut-être mangé des figues empoisonnées… par Guillaume de Nogaret). Le 5 juin 1305 Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux est nommé pape sous le nom de Clément V. Son pontificat est attaché à la chute et à la fin de l’ordre du Temple. Il faut préciser que les Templiers étaient tombés en disgrâce auprès du peuple car si ils ont été des héros en Orient, en Occident ils sont vus plutôt comme des seigneurs avides et orgueilleux et vivant dans un luxe ostentatoire. Où sont la foi, l’humilité, l’austérité des débuts de l’Ordre ? Il y a aussi des bruits qui courent sur leurs mauvaises mœurs : sodomie, idôlatrerie, hérésie (on les soupçonne de sympathie pour l’Islam). « Boire comme un Templier », « jurer comme un Templier » sont des expressions populaires qui veulent tout dire !... Dans les premières années du XIVe siècle la vie quotidienne devient de plus en plus difficile : les impôts deviennent plus importants, les guerres de Flandre ont engendré une crise financière que Philippe le Bel tente de résoudre avec des dévaluations monétaires et en 1306 le peuple se révolte contre le roi qui doit se réfugier… dans la forteresse du Temple de Paris. D’autre part, Jacques de Molay, élu en 1293 à Chypre où l’ordre s’était réfugié, ne veut pas faire évoluer l’ordre. Il reçoit en 1306 une lettre de Clément V qui lui demande de venir en France pour discuter d’une nouvelle croisade et dans cette lettre il propose à Jacques de Molay de fusionner avec l’ordre Hospitalier. Jacques de Molay quitte l’île de Chypre à la fin de l’année 1306 et argumente faiblement que la générosité des fidèles sera moins grande si les ordres fusionnent et d’autre part s’il n’y a plus qu’un seul ordre qui occuperait l’avant-garde et l’arrière-garde ? De toute manière le problème n’est pas là. En France la révolte s’élève et il faut faire quelque chose. Guillaume de Nogaret va mettre en place la première rafle policière de l’histoire avec perfection. En effet, le 13 octobre 1307, un vendredi, tous les Templiers de France sont arrêtés en même temps. Les accusations ont pour prétexte les aveux d’un Templier de Béziers, Esquieu de Floyran qui confirmait les pratiques « obscènes » en usage chez les frères. Philippe le Bel, profondément pieux, est choqué par la confession du « renégat » mais le pape tergiverse et ne veut pas détruire l’ordre du Temple qui peut encore lui être utile. Jacques de Molay avait été informé de la menace et avait demandé au pape d’ouvrir une enquête mais le Roi de France pressé par un peuple qui se soulève fait partir une correspondance le 14 septembre 1307 à tous les baillis et sénéchaux de France justifiant l’arrestation des Templiers « Philippe, par la Grâce de Dieu, Roi de France… C’est une chose amère, une chose déplorable, une chose assurément horrible à penser, terrible à entendre, un crime détestable, un forfait exécrable, et de grand et de prodigieux scandale… au rapport de plusieurs personnages dignes de foi, non toutes fois sans un grand étonnement et frayeur, qui est parvenu à nos oreilles : « Que les Templiers, cachent le loup sous l’apparence de l’agneau, quand ils entrent en leur ordre, nient par trois fois Jésus Christ, lui crachant autant de fois contre la face et, tout nus, baisent celui qui les reçoit en premier lieu, à l’anus, en second au nombril et enfin, à la bouche… » et il rajoute une longue liste de « crimes » commis par les frères du Temple et conclut par les instructions précises pour les arrêter le vendredi 13 octobre 1307. Guillaume de Nogaret, ce matin là frappe aux portes de la maison templière de Paris pour arrêter le Maître et les 138 frères présents. Complètements stupéfaits par leur culot les Templiers se laissent enfermer, sans résister, en prison. Dans toutes les commanderies du royaume la même scène se déroule : les sénéchaux et baillis, munis de l’ordonnance royale signifient leur arrestation aux Templiers. En même temps leurs biens son inventoriés et confiés à des commissaires royaux en attente de décision de justice. Plusieurs centaines de Templiers sont jetés en prison, à part Gérard de Villers, Maître de la milice en France et quelques chevaliers, tous sont jetés en prison en attendant leur jugement. Philippe le Bel, dès le lendemain fait intervenir Guillaume de Nogaret pour une proclamation aux chanoines et aux docteurs de l’université mettant tous les maux de la France sur le compte des Templiers et le surlendemain c’est le peuple de Paris, réunis dans les jardins du Palais, qui entend les atrocités commises par les frères du Temple qui sont maintenant entre les mains des dominicains et conseillers du roi. Philippe le Bel informe aussi les rois d’Angleterre, d’Aragon que les Templiers de France sont arrêtés et leur demande de faire de même. Sceptiques ils n’en font rien mais le 22 novembre 1307 ils reçoivent la bulle papale « Pastoralis praeminentiae » qui ordonne l’arrestation de tous les Templiers et de mettre leurs biens sous la tutelle de l’Eglise. Philippe le Bel n’attend pas le soutien des souverains européens ni celui de l’Eglise pour ouvrir le procès des Templiers mais il est rappelé à l’ordre du fait que les Templiers sont religieux et ne dépendant que du Pape ils doivent être jugés par une juridiction religieuse. Philippe le Bel confie donc la tâche à l’inquisition par l’intermédiaire de son confesseur Guillaume de Paris. Un bras de fer s’engage alors entre le roi et le pape : c’est au pape d’ordonner l’enquête et il va donc suspendre les pouvoirs de Guillaume de Paris le 17 octobre en réunissant les Templiers à la curie (administration pontificale) pour les assurer de sa protection. Deux jours plus tard les premiers aveux tombent : reniement à la Sainte Croix, sodomie, adoration d’une idole ou d’un chat noir. Voilà les fautes avouées…. Sous la torture. Jacques de Molay, le Grand Maître interrogé avoue aussi et de plus confirme ses aveux devant les docteurs de l’université de Paris et accepte d’écrire à tous les Templiers pour leur demander de « dire la vérité » et « d’avouer leurs fautes ». On sait que plusieurs frères n’ont pas survécu à la torture, la confession des autres peut-elle être sincère ? De toute façon ils sont emprisonnés et dès lors ils deviennent l’objet d’une lutte entre le roi de France et le pape. Clément V se rend bien compte de la volonté de Philippe le Bel de prendre le pouvoir sur lui… mais Clément V est un « mou », indécis et de plus il est à Avignon à portée de l’armée royale. Il va agir tout de même : la bulle « Pastoralis praeminetiae » était un moyen de mettre les biens des Templiers sous séquestre en assurant qu’ils leur soient rendus à l’issue du procès, il délègue aussi deux cardinaux (Etienne de Suisy et Béranger de Frédol) pour avoir la confirmation que les Templiers sont bien sous la tutelle de l’Eglise mais… il accepte que Philippe le Bel, sous prétexte que l’Eglise n’ait pas les moyens de les garder, les Templiers restent sous contrôle du roi de France. Lorsque les Cardinaux interrogent les Templiers ceux-ci dénoncent les violences, tortures qu’on leur a fait subir et révoquent leurs aveux. Clément V sait donc à quoi s’en tenir sur leurs soi-disant fautes avouées. Le jeu se poursuit alors entre le roi et le pape et chacun avance tour à tour des pions pour prendre l’avantage… Philippe le Bel convoque les Etats Généraux à Tours afin d’inciter le peuple à réclamer le châtiment dû aux Templiers, il fait circuler des pamphlets (anonymes) qui s’attaquent aux frères du Temple accusés d’hérésie, il fait pression par ses conseillers Guillaume de Nogaret en tête, sur le pape… qui continue à hésiter et lors du consistoire du 29 mai 1308, en présence de Clément V, celui-ci est carrément attaqué « Votre Sainteté a répondu d’une façon générale, sans toutefois rien dire de précis du cas particulier. Vous avez vu que les esprits des auditeurs présents en avaient été considérablement surpris et que cela avait déterminé chez tous un grave scandale. Car les uns vous soupçonnent de vouloir favoriser les Templiers !... ». L’inquisition est rétablie et la suppression de l’ordre est acquise : le pape finit par céder. Mais… il demande quand même à entendre lui-même des Templiers emprisonnés. Il veut gagner du temps. Mais Philippe le Bel lui envoie à Poitiers 72 Templiers soigneusement choisis et… ils réitèrent devant lui les aveux faits précédemment, comme ce chevalier Etienne de Troyes qui raconte « Je résistai de toutes mes forces, mais un des frères présents tira son épée et, me touchant aux côtés avec la pointe, il me cria : « Si tu ne renies pas le Christ, je vais te percer de cette épée et tu mourras sur-le-champ ». Tous les autres me menacèrent également de la mort, aussi, je finis par renier le Christ, une fois seulement… ». Tous ces frères entendus par le pape étaient des frères sergents dont certains ne faisaient plus partis de l’ordre. Le pape n’est pas dupe et veut entendre les dignitaires mais Guillaume de Nogaret prétexte qu’ils sont trop malade pour les entendre, leur entrevue est reportée au mois d’août 1308 mais ils sont entendus par des représentants du pape et les conseillers du roi : Nogaret et Plaisians (ce qui est totalement illégal). Tous reconnaissent leurs fautes. 13 août 1308 le pape est contraint de faire la bulle « Faciens misericordiam » et nomme les représentants pour les procès des Templiers. Ce sera l’inquisition qui mènera les procès avec à leur tête le confesseur du roi Guillaume de Paris et leurs biens sont gérés conjointement entre le clergé et les agents royaux. Après consultation des rapports des commissions pontificales concernant le procès, Clément V s’en va rejoindre Avignon le 13 août 1309 à l’abri de représailles menacées par le roi contre lui. Les procès vont se poursuivre sous les commissions pontificales non contre les Templiers mais contre l’Ordre… les dépositions sont confuses, les Templiers interrogés cherchent par-dessus tout à gagner du temps puis quelques uns commencent à renier leurs confessions, à dénoncer ces fautes arrachées par la torture et même Jacques de Molay reviendra sur ses aveux mais avec des explications assez confuses « Je ne suis pas aussi savant qu’il conviendrait, ni d’assez grand conseil pour défendre l’Ordre. Cependant je suis prêt à le défendre, selon mes possibilités ; car, autrement, je m’estimerais vil et misérable et je pourrais être réputé tel par les autres, si je ne défendais pas un Ordre dont j’ai reçu tant d’avantages et d’honneurs. Cependant, il me paraît difficile d’en présenter une défense convenable, car je suis prisonnier des seigneurs Pape et Roi… ». Le 6 février 1310 on remarque un changement radical : les 16 Templiers interrogés (sauf un) clament leur innocence, et défendent l’Ordre avec véhémence, il en sera ainsi lors de tous les autres procès… et lors de l’interrogatoire de 550 Templiers le 28 mars 1310 ! Les Templiers ont-ils retrouvés foi en leur Ordre ? La situation de Philippe le Bel semble bien compromise. Mais Philippe le Bel réagit en faisant nommer par le pape l’évêque Philippe de Marigny, frère de son conseiller Enguerrand de Marigny qui convoque le concile du 10 mai 1310 chargé de clore l’enquête diocésaine sur les Templiers. Le lendemain sont condamnés à mort 150 Templiers qui ont « avoués leurs fautes » et le lendemain ils sont brûlés près de la porte St Antoine à Paris. Dans les semaines qui viennent d’autres Templiers subissent le même sort et le 26 mai 1311 la commission clôture l’épais dossier contre l’Ordre du Temple dans l’attente du concile chargé de statuer sur son sort. Ce concile est réuni à Vienne, le 16 octobre 1311 en présence de nombreux prélats venus de toute l’Europe : Angleterre, Ecosse, Irlande, Italie, Espagne, Allemagne, Danemark et bien sûr de France. Il s’agit de régler les modalités de la suppression du Temple. Sept Templiers se présentent affirmant vouloir défendre l’Ordre et informant que plus d’un millier de leurs frères sont présents dans la contrée… mais Philippe le Bel avait convoqué les états généraux du Royaume à Lyon (à deux pas de Vienne) escorté de nombreux gens d’armes. Le message est bien compris par Clément V. Le 22 mars 1312, Clément V promulgue la bulle « Vox in excelso » prononçant l’abolition de l’Ordre « Considérant la mauvaise réputation des Templiers, les soupçons et les accusations dont ils sont l’objet ; considérant la manière et la façon mystérieuse dont on est reçu dans cet Ordre, la conduite mauvaise et antichrétienne de beaucoup de ses membres ; considérant surtout le serment demandé à chacun d’eux de ne rien révéler sur cette admission et de ne jamais sortir de l’Ordre ; considérant que le scandale donné ne peut être réparé si l’Ordre subsiste ; considérant en outre le péril que courent la foi et les âmes, ainsi que les horribles forfaits d’un très grand nombre de membres de l’ordre… nous abolissons, non sans amertume et douleur, non pas en vertu d’une sentence judiciaire, mais par manière de décision ou ordonnance apostolique, le susdit ordre des Templiers avec toutes ses institutions ». Deux autres bulles vont suivre : « Ad providam » du 12 mai 1312 qui dit que les biens de l’Ordre du Temple sont attribués à celui de l’Hôpital exceptions faites de l’Espagne et du Portugal. Les Hospitaliers qui sont restés bien réservés durant les Procès du Temple héritent de tous les biens et bien sûr peuvent solder, sans souci, la facture que leur adresse Philippe le Bel de 200 000 livres pour l’entretien des biens du Temple depuis octobre 1307 et, « Considerantes dudum » datée du 06 mai 1312 qui prévoit deux cas : les Templiers qui ont avoué ou ont été reconnus innocents recevront une pension et pourront demeurer dans les anciennes maisons de l’Ordre ou dans les monastères de leur choix, ceux qui ont nié ou se sont rétractés (relaps) seront poursuivis et punis avec la plus grande sévérité : c’est le sort qui a été réservés aux 5 grands dignitaires malgré que la bulle précise que leur sort particulier soit réservé au pape Clément V. Mais que s’est-il passé pour eux ? Face à leurs juges ils renouvèlent leurs aveux de crimes. Ont-ils espéré que le pape serait clément envers eux avec une promesse dans ce sens pendant leur emprisonnement ? Le 18 mars 1314 doit être rendue la sentence des dignitaires Templiers : ils sont condamnés à la prison à vie. Un cardinal se lève pour demander à Jacques de Molay de renouveler ses aveux et alors là coup de théâtre le Grand Maître proteste de son innocence en ces termes « J’ai trahi ma conscience : il est temps que je fasse triompher la vérité. Je jure donc, à la face du ciel et de la terre, que tout ce qu’on vient de dire des crimes et de l’impiété des Templiers, est une horrible calomnie. C’est un Ordre saint, juste, orthodoxe : je mérite la mort pour l’avoir accusé, à la sollicitation du pape et du roi…. Que ne puis-je expier ce forfait par un supplice encore plus terrible que celui du feu !... », Geoffroy de Charnay, précepteur de Normandie imite le Grand Maître, les autres acceptent la sentence. Les quatre prévenus sont remis en prison sous les huées de la foule impatiente d’arriver au bout de ce procès et Philippe le Bel fou de rage convoque son conseil et sa condamnation est sans appel : Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay doivent être brûlés vifs, comme relaps. Une fois de plus le roi outrepasse ses droits et fait amener les deux Templiers près du Pont Neuf, les fait attacher à un poteau et les flammes se consument lentement « On les vit si résolus à subir le supplice du feu avec une telle volonté qu’ils soulevèrent l’admiration chez tous ceux qui assistèrent à leur mort »... dit le chroniqueur Guillaume de Nangis, un autre dit que le Grand Maître aurait dit, presque étouffé par la fumée, n’ayant plus que la langue libre « Clément, juge inique et cruel bourreau ! je t’ajourne à comparaître dans quarante jours devant le tribunal du souverain juge » et quelques un soutiennent qu’il aurait aussi cité Philippe le Bel à comparaître dans un an…. La légende des Templiers naît à partir de ce bûcher…. Et le Trésor ? Le trésor des Templiers est bien présent dans toutes les régions de France ou même d’ailleurs… On dit que la veille de l’arrestation des Templiers le Grand Maître aurait fait quitter trois grands charriots chargés d’or du Temple pour la forteresse de Gisors (Eure) pour les uns, pour celle de Tomar au Portugal pour les autres, pour d’autres encore pour l’Angleterre ou aussi la région du Puy de Dôme où peut-être Rennes-le-Château ou rassurez vous nous avons bien respecté le panneau de ne pas faire de fouilles dans le village… alors nous n’avons ramené que le trésor d’une belle amitié et de bons moments passés ensemble !
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