PETRARQUE |
![]() |
![]() |
![]() |
PETRARQUE - La Culturothèque - Mardi 04 février 2014 Michèle Pétrarque, de son vrai nom Francesco Petrarca (en français Pétrarque) est né à Arezzo le 20 juillet 1304. Il est mort à Arques le 19 juillet 1374. Tout ce que l’on sait de Pétrarque c’est lui qui l’a écrit « Le lundi 22 juillet de l’an 1304, au lever de l’aurore, dans un faubourg d’Arezzo, appelé l’Horto, je naquis, en exil, de parents honnêtes, Florentins de naissance et d’une fortune qui touchait à la pauvreté ». Son père était notaire Ser Petrarco et, guelfe blanc[1], il avait soutenu l’intervention en Italie de Charles de Valois, frère de Philippe le bel, prétendant à la couronne impériale. De ce fait il a eu tous ses biens confisqués par les Guelfes noirs au pouvoir et a fait l’objet d’un bannissement politique, c’est la raison pour laquelle la famille de Pétrarque a dû s’expatrier dans le village de Incisa in Val d’Arno (proche de Florence) puis rejoindre Pise, Marseille et ensuite le Comtat Venaissin, la famille loge à Carpentras en 1312 ou Pétrarque étudie la grammaire et la rhétorique[2]. On dit qu’il a eu pour maître, un toscan : Convenole de la Prata. Son père, afin qu’il puisse payer ses études aurait donné à Convenole de la Prata un livre de Cicéron contenant le De Gloria (entre autres) qui est aujourd’hui perdu. Pétrarque aurait tenté de le lui racheter puisqu’à la mort de son maître il dira qu’il a « perdu à la fois son livre et son maître ». C’est avec ce maître Toscan que Pétrarque acquerra plus tard le goût des belles lettres malgré ce qu’il en dit : « Je séjournais quatre ans à Carpentras, petite ville voisine d’Avignon, du côté du levant, et dans cette ville j’appris un peu de grammaire, de dialectique et de rhétorique, autant que l’on peut en apprendre à cet âge et qu’on peut en enseigner à l’école ». En plus du livre de Cicéron son père devait donner au maître quatorze éminées[3] de blé et Pétrarque devait apporter son vase à vin et son gobelet pour boire au cours des repas. Il aurait été encore à Carpentras lorsque, le 1er mai 1314, les cardinaux sont entrés en conclave pour élire le nouveau Pape. Ce conclave a été difficile et pour différentes raisons le deuxième Pape d’Avignon, Jean XXI ne sera élu que le 13 août 1316… et c’est juste après cette élection (automne 1316) que Pétrarque nous dit qu’il est allé suivre des cours de droit à l’Université de Montpellier. « Je me rendis à Montpellier, où je consacrai quatre années à l’étude des lois ; puis à Bologne, où pendant trois ans, j’entendis expliquer tout le corps du droit civil ». « Là-bas aussi, quelle tranquillité avions-nous, quelle paix, quelle abondance, quelle affluence d’étudiants, quels maîtres ». Il perd sa mère en 1318 ou 1319, on ne sait pas exactement. Eletta était âgée de 38 ans et une légende dit que cette disparition lui a inspiré ses premiers vers. Son père serait-il devenu fou ? En tout cas, il aurait brûlé tous ses livres en 1320 et Pétrarque en compagnie de son frère Gérard sont partis continuer leurs études à Bologne qui était alors le plus grand centre européen d’études juridiques. C’est là que Pétrarque rencontre Giacomo Colonna et surtout c’est là qu’il prend conscience d’une nouvelle forme de poésie écrite, non plus en latin, mais en langue vulgaire (le plus souvent le toscan). Peut-être Pétrarque avait il eu l’occasion de s’intéresser au « De vulgari eloquentia » (De l’éloquence vulgaire) de Dante ? Pétrarque retourne, avec son frère, à Avignon en 1326 à la mort de son père ou, « il mène une vie mondaine et légère ». En fait l’héritage de leur père leur permet de vivre effectivement cette vie insouciante et mondaine, mais juste quelques temps. « Là, je commençais à être connu et mon amitié fut recherchée par de grands personnages. Pourquoi ? J’avoue maintenant que je l’ignore et que cela m’étonne ; il est vrai qu’alors cela ne m’étonnait pas car, selon la coutume de la jeunesse, je me croyais très digne de tous les honneurs ». Il se donnait alors a une activité littéraire et le « raffinement de sa personne » lui ont permis d’acquérir rapidement dans cette société mondaine une réputation prometteuse. D’ailleurs on dit que c’est lui qui a lancé la mode des vêtements noirs qui a été portée par les hommes durant une grande partie du siècle. Mais, autant pour lui que pour son frère, il leur fallait assurer leurs revenus. Ils reçoivent tous les deux les ordres mineurs, ainsi que Giacomo Colonna. C’était la seule possibilité pour eux de percevoir des revenus ecclésiastiques. En 1327, dans Avignon qui lui semblait à cette époque pleine de charme, il rencontre Laure à l’église du couvent Ste Claire. Sur son manuscrit de Virgile il note « Laure, célèbre par sa vertu et longuement chantée par mes poèmes, apparut à mes regards pour la première fois au temps de ma jeunesse en fleurs, l’an du Seigneur 1327, le 6 avril, à l’église de Sainte-Claire d’Avignon, dans la matinée ». Laure était la femme d’Hugo de Sade, elle avait 17 ans. Ce serait un évènement banal que Pétrarque en tombe amoureux si ce n’est son génie de Poète qui l’a fait entrer dans l’histoire de la littérature mondiale… Pétrarque dans son amour pour Laure est fidèle aux règles de l’Amour Courtois. L’Amour Courtois appelé « fin’amor » ou « fol’amour » est une façon de se comporter en présence d’une femme de qualité et on retrouve l’expression de l’Amour Courtois dans la poésie et la littérature du moyen âge. Cette expression a été très florissante, surtout en Languedoc qui a été influencée par Aliénor d’Aquitaine et son Grand Père Guillaume IX de Poitiers, duc d’Aquitaine qui s’inspire des poètes arabo-andalous. On l’interprète généralement par l’amour profond et véritable d’un prétendant à sa dame. L’homme doit être à son service, à l’affut de ses désirs et lui rester fidèle. Bien sûr c’est un amour hors mariage, prude, chaste et totalement désintéressé. Généralement il s’agissait d’un homme d’une condition inférieure de la dame (souvent des chevaliers). L’amant doit s’amplifier de son désir et la femme doit rester lointaine et feindre l’indifférence (le joï). L’Amour Courtois s’établit hors mariage et la femme mariée peut laisser parler son cœur si elle est courtisée selon les règles précises de l’amour courtois, elle peut mettre son amant (platonique) à l’épreuve pour s’assurer de son amour réel : c’est l’ « assag ». On trouve ce thème en littérature moyenâgeuse mise en œuvre par les troubadours (« trobar ») qui ont l’art de « trouver » en matière de poésie. Les genres littéraires courtois sont exprimés par « la canso », « la tenso » qui élargit le sujet à la politique ou d’idées générales sous formes de dialogue, de discussion ou de débat. Souvent chantée « la tenso » était souvent accompagnée d’une mélodie et le roman qui lui parle d’épopées, de gloire et d’aventures (Lancelot, Rolland…) C’est dans le Canzionere (Chansonnier) que Pétrarque consacre ses poèmes à son amour pour Laure. Le Canzonière est un recueil de 366 poèmes composés en italien qui marquera la poésie lyrique que les générations futures nommeront le « pétrarquisme ». C’est une « canzone » (chanson ou canso) qui reprends les états d’âmes du poète par rapport à l’amour qu’il porte à Laure. Ce recueil est composé de 317 sonnets qui se répartissent en 29 chansons, 9 sextines, 7 ballades et 4 madrigaux. Pétrarque nous laisse neuf éditions manuscrites de son Canzionere. Il y a travaillé de sa jeunesse jusqu’à l’année de sa mort. Il se compote de deux parties. La première « Rime in vita » est imprégnée par ce que lui inspire son amour pour Laure, la seconde « Rime in morte » ramène Pétrarque à ses souvenirs de l’être aimée, malgré que l’on peut considérer qu’il a joué avec les deux parties, impliquant des vers d’une partie dans l’autre. Bien sûr c’est l’amour pour Laure qui est le thème du Canzionere mais pas que ! On y trouve aussi l’aspiration à la gloire, la méditation sur la vie, la foi chrétienne qui est souvent en conflit avec la recherche de joies terrestres. Il faut aussi remarquer le symbole du nombre des vers : 365, un pour chaque jour de l’année plus la chanson dédiée à la Vierge, mais Pétrarque nous fait remarquer qu’il a surtout compté le nombre de jours d’une année bissextile car, Laure est morte une année Bissextile. Laure n’avait que 17 ans lorsque Pétrarque l’aurait rencontrée. Elle est née en 1310 et elle était l’épouse de Hugues II de Sade (Son fils Hugues III était un aïeul direct du Marquis de Sade). Elle avait épousé son Mari dans la Chapelle des Pénitents Blancs de Noves (contrat de mariage rédigé le 16.06.1325). « Béni soit le jour et le mois de l’année./ La saison et le temps, l’heure et l’instant/ Et le beau pays, le lieu où fut atteint/Par deux beaux yeux qui m’ont tout enchaîné. » Des thèses sont engagées pour savoir si Laure a bien existé. Il semblerait que Laure de Noves ait pu inspirer Pétrarque mais à priori il aurait « arrangé » les dates correspondant à sa rencontre et a sa mort. L’argument qui est avancé pour dire que Laure n’a pas existé est la thèse du mythe de la nymphe Daphné qui, poursuivie par Apollon amoureux est changée en laurier. Laurier = Laure, et Pétrarque écrit dans ses vers le plus souvent LAURO (le laurier) ou l’AURA (le vent), l’AUREO (le doré). Mais quand même quelquefois il parlait de « LAURETA ». Un courrier adressé à Giacomo Colonna en 1337 parle de Laure ainsi « Il est dans mon passé une femme à l’âme remarquable, connue des siens par sa vertu et sa lignée ancienne et dont l’éclat fut souligné et le nom colporté au loin par mes vers. Sa séduction naturelle dépourvue d’artifices et le charme de sa rare beauté lui avaient jadis livré mon âme. Dix années durant j’avais supporté le poids harassant de ses chaînes sur ma nuque, trouvant indigne qu’un joug féminin ait pu m’imposer si longtemps une telle contrainte ». Il y aurait eu aussi les portraits réalisés par le peintre Simone Martini à la demande de Pétrarque : Le sien et celui de Laure. Pétrarque nous dit que Laure est morte le 6 avril 1348 de la peste «Laure, illustre par ses vertus et fort célébrée dans mes vers, m’apparut pour la première fois pendant la jeunesse en 1327, le 6 avril dans l’Eglise Ste Claire à Avignon, à la première heure du jour ; et dans la même cité dans le même mois, au même sixième jour et à la même première heure en l’an 1348, cette éclatante beauté fut soustraite à la lumière alors que j’étais à Vérone, bien portant, ignorant hélas de mon malheur ! Mais la malheureuse nouvelle me fut apportée à Parme par une lettre de mon ami Louis dans le dix-neuvième jour du mois suivant. Ce corps si beau et si chaste de Laure fut enseveli au couvent des frères mineurs, le jour même de sa mort à vêpres. » L’oncle du marquis de Sade, l’abbé Jacques de Sade, propriétaire du château de Saumane, a écrit ses « Mémoires pour la vie de François Pétrarque » où il démontre que Laure était son aïeule. Voltaire lui avait fait parvenir une lettre le 12 février 1764 en ces termes : « Vous remplissez, Monsieur, le devoir d’un bon parent de Laure et je vous crois allié de Pétrarque, non seulement par le goût et les grâces mais pace que je ne crois point du tout que Pétrarque ait été assez sot pour aimer vingt ans une ingrate ». Jacques de Sade lorsqu’il a reçu ce mot était en prison et… c’est une autre histoire ! Laissons l’histoire de Laure, rappelons nous seulement qu’elle aurait eu 11 enfants et de son côté Pétrarque en a eu 2. Reprenons aussi la vie de Pétrarque, car s’il écrit ses poèmes, il lui faut toutefois des revenus pour vivre, même à cette époque on ne vit pas d’amour et d’eau fraiche. Son frère deviendra chanoine, son ami Giacomo deviendra Evêque de Lombez qu’il rejoindra pour un séjour estival en 1330. « Ce fut un été quasi divin grâce à la franche allégresse du maître de céans et de ses compagnons ». De retour à Avignon, Pétrarque entre au service du Cardinal Giovanni Colonna : il y restera 17 ans mais ne se plait plus du tout à Avignon qui devient la cité des papes et ce qui lui semble « être une nouvelle Babylone ». Pétrarque n’arrêtait pas de déverser sur la ville les pires calomnies ou médisances : « O Avignon, est-ce ainsi que tu vénères Rome, ta souveraine ? Malheur à toi si cette infortunée commence à se réveiller ! » . Pour Pétrarque Avignon était « l’enfer des vivants, l’égout de la terre, la plus puante des villes…. La patrie des larves et des lémures… la ville la plus ennuyeuse du monde… le triste foyer de tous les vices, de toutes les calamités et de toutes les misères …. La Cour d’Avignon un gouffre dévorant que rien ne peut combler…. Avignon, ce n’est plus une ville, c’est la sentine[4] de tous les crimes et de toutes les infamies ». En 1337 il fuit Avignon pour s’installer dans une maison à Fontaine de Vaucluse. Sa maison. Son Paradis. Son « Hélicon transalpin ». C’est là qu’il vient écouter « la voix enrouée des eaux » et surtout c’est là qu’il écrit. C’est là que son serviteur (Raymond Monet) lui apprend l’art de pêcher, de cultiver son jardin, de débusquer le gibier. Plus tard c’est à lui qu’il laissera, en 1353, les clés de sa maison avec mission d’offrir l’hospitalité à ses amis venant en ce lieu (mais cette année là, une bande de pillards attaque Fontaine de Vaucluse et la maison de Pétrarque est brûlée). Pour Pétrarque la famille Collona devient sa nouvelle famille, le père de Giacomo sera pour lui le père qu’il a perdu jeune, un père modèle pour qui il témoignera toujours de la reconnaissance. A Avignon, toutefois Pétrarque commence a être connu et son amitié recherchée par de grands personnages, comme je vous l’ai déjà dit, c’est vrai qu’il est élégant, il a de la prestance et son éloquence ainsi que ses talents poétiques attirent l’admiration. Pourtant il continue à ne pas aimer Avignon et il va même s’attaquer aux cardinaux : il les traite de boucs ! Il va même adresser une lettre, indiquant qu’un cardinal « pesait de tout son poids sur les malheureuses chèvres et ne dédaignait aucun accouplement » il précisait aussi qu’ « il troublait tous les enclos en laissait aucune chèvre dormir tranquillement pendant la nuit somnifère » et d’un autre cardinal il disait qu’ « il n’épargnait pas les tendres chevreaux ». Et, cloua même au pilori le cardinal Jean de Caraman, petit-neveu de Jean XXII « … un petit vieillard capable de féconder tous les animaux. Il avait la lascivité d’un bouc ou s’il y a quelque chose de plus lascif et de plus puant qu’un bouc …. Il avait dépassé sa soixante-dixième année, il ne lui restait plus que sept dents, il avait la tête blanche et chauve et il était si bègue qu’on ne pouvait le comprendre ». Dans le tragicomique, il raconta qu’il était dans le plus simple appareil, coiffé de son chapeau de cardinal, pour convaincre une jeune prostituée apeurée qu’il était membre du Sacré Collège « Ainsi ce vétéran de Cupidon, consacré à Bacchus et a Vénus, triompha de ses amours, non en armes, mais en robe et en chapeau. Applaudissez, la farce est jouée ». Pétrarque était un randonneur ? Pétrarque était un voyageur c’est sûr. Même son amour pour Laure ne l’a pas retenu à Avignon, après son périple à Lombez il est allé à Paris, Liège, Aix-La-Chapelle ce qui lui a fait traverser toute la France et la vallée du Rhin. En 1336, avec son frère Gérard, il aurait fait l’ascension du mont Ventoux. Il a décrit sa randonnée de Malaucène jusqu’au sommet. La aussi certains mettent en doute son ascension au mont Ventoux mais il semblerait qu’il ait bien fait cette randonnée : dans son récit il a simplement changé la date. Même si Pétrarque avait en haine la ville d’Avignon, elle lui a quand même servi à mener son projet qui a occupé toute sa vie, il a appris la langue grecque avec des ambassadeurs venus mettre un terme au schisme entre les églises catholiques et orthodoxes, et aussi de mettre en place un réseau culturel qui couvrait l’Europe et même l’Orient. Avec des relations qui partageaient le même idéal humaniste de l’aider à retrouver dans chacun de leur pays les textes latins des anciens qui pouvaient posséder les bibliothèques des abbayes, des particuliers ou des villes. Lors de ses voyages pour aller à la rencontre de ces personnes il a pu retrouver quelques textes majeurs tombé dans l’oubli : le Pro Archia de Cicéron ainsi que l’Ad Atticum, Ad Quintum et Ad Brutum à Vérone. A Paris il a trouvé les poèmes élégiaques de Properce ainsi que la révélation de Quintilien (qui va marquer Pétrarque au point de lui faire renoncer définitivement aux plaisirs des sens). Pétrarque va soumettre ces textes à un minutieux travail philologique[5] et les corrigera par des travaux de rapprochements avec d’autres manuscrits. C’est ce travail qui lui permettra de recomposer la première et quatrième décade de l’Histoire Romaine de Tite-Live. D’autre part, Pétrarque va faire recopier ces documents afin de les rendre accessibles. Comme Dante Pétrarque admirera les auteurs classiques. Pour son travail Pétrarque aimait se retirer à Fontaine de Vaucluse. Il y retrouvait son ami le plus cher, Philippe de Cabassolle, évêque de Cavaillon qui y avait aussi son château épiscopal qu’il considérait comme un « bien petit évêché pour un si grand homme ». C’est à lui qu’il va dédier son De Vita Solitaria qu’il écrit en 1346. Mais c’est aussi à Fontaine de Vaucluse qu’il rédige De Viris Illustribus, Africa (neuf livres qui ont pour héros Scipion l’Africain), Psalmi Penitentiales (ou il implore la rédemption), De Ocio Religiosorum (après avoir rendu visite à son frère chartreux à Montrieux), ses traités Secretum meum et De otio religioso (ou il fustige les mœurs de la Cour pontificale d’Avignon). Pétrarque est une « bête de travail », c’est impressionnant le travail qu’il peut accomplir et il reconnaît lui-même que « En résumé, presque tous les opuscules qui sont sortis de ma plume (et le nombre est si grand qu’ils m’occupent et me fatiguent encore jusqu’à cet âge), ont été faits, commencés et conçus ici ». Dans sont Vallis closa il fait revenir tous ses beaux moments vécus à Fontaine, et à un ces amis à Florence il écrit « J’ai acquis là deux jardins qui conviennent on ne peut mieux à mes goûts et à mon plan de vie. J’appelle ordinairement l’un de ces jardins mon Hélicon transalpin, garni d’ombrages, il n’est propre qu’à l’étude et il est consacré à notre Apollon. L’autre jardin, plus voisin de la maison et plus cultivé, est cher à Bacchus ». En marge de son Histoire Naturelle de Pline, il illustre quelques marges avec des croquis de la Fontaine avec en premier pan un échassier. Sa notoriété était si grande qu’on lui a offert la couronne de lauriers. Il avait le choix entre Paris et Rome. Il choisit Rome car il voulait être honoré par Robert d’Anjou, roi de Naples et comte de Provence car il considérait que c’était le seul qui pouvait le juger « de ses talents ». Robert d’Anjou lui propose de le couronner à Naples mais Pétrarque préfère l’être à Rome, et c’est le 8 avril 1341, jour de Pâques qu’il reçoit la Couronne de laurier d’Apollon qui lui fera être porté aux nues par tout ce que l’Occident comptait de lettrés. Mais Pétrarque a été déçu de cette notoriété il dit « Cette couronne n’a servi qu’à me faire connaître et me faire persécuter », « Le Laurier ne m’a porté aucune lumière, mais m’a attiré beaucoup d’envie ». Pétrarque qui aimait « égratigner les autres », apparemment ne supportait pas de l’être ! Pétrarque s’est battu pour faire revenir la Papauté à Rome. Il plaignait Rome qu’il décrivait sous les traits d’une vieille femme qui suppliait à genoux de la délivrer de son infortune et, surtout après être couronné, cette idée devient une obsession. Mais les personnes en qui il plaçait toute sa confiance pour ce retour à Rome se sont révélées être des personnes malhonnêtes… Laure serait morte 21 ans, jour pour jour, après sa rencontre avec Pétrarque de la Peste, son ami et protecteur le Cardinal Giovanni Colonna 3 mois après. Ils seraient mort de la peste noire qui a sévit cette année de 1348. « La postérité pourra-t-elle croire à tant de malheurs ? ». Il ne lui reste plus qu’à compiler les sonnets du Canzionère, des poèmes qui allaient faire pendant des siècles le tour de l’Europe entière et de Laure et Pétrarque des amoureux de toujours. Pétrarque bien que souvent opposé à Clément VI, notamment dans sa demande de retourner à Rome, s’entendait bien avec lui mais avec Innocent VI la guerre était déclarée entre les deux hommes, aussi Pétrarque choisit d’aller se faire oublier en Italie et laisse ainsi sa maison à Fontaine. Son ami Boccace lui avait fait parvenir une lettre du Sénat de Florence lui proposant de venir enseigner à l’Université Florentine qui venait d’ouvrir et aussi de rentrer en possession des biens paternels. Cette lettre était couverte de louanges envers Pétrarque. Mais Pétrarque aurait refusé, ne voulant plus retourner à Florence qui avait banni sa famille. Il devient l’ambassadeur de Giovanni Visconti et se fixe à Milan. Pétrarque revient le 13 janvier 1361 à Villeneuve lès Avignon, en tant qu’Ambassadeur des Visconti, pour remettre au roi de France Jean II le Bon de la part du Milanais, une bague perdue par lui, ainsi qu’une autre pour le futur Charles V. Le roi de France, ravi, de son discours aurait voulu le retenir à sa Cour mais Pétrarque a préféré rejoindre Milan. A peine rentré, son fils venait de mourir de la peste. Il fuit donc Milan et l’épidémie qui ravageait cette région pour se réfugier à Padoue puis à Venise où il y reste 5 ans, rejoint par sa fille, son gendre et sa petite fille (Eletta). A Venise il sera traité d’ignorant par un groupe de lettrés et il composera à leur intention le De sui ipsius et multrum ignorantia. En 1367, avec sa fille et son gendre il s’installe à Arqua et c’est là qu’il apprend l’entrée triomphale d’Urbain V à Rome. Il en est heureux mais un an après Urbain V déclare les Visconti coupables de révolte contre l’Eglise et prêche la guerre contre Barnabo Visconti. Pétrarque se rend à Udine pour participer à la guerre contre les Visconti. C’est deux ans après, lorsqu’il se rendait à Rome auprès du Pape, qu’il est frappé d’une syncope, le 4 avril 1370. Il rédige alors son testament. Il écrit aussi son Apologia contra Gallum où il réfute le maintien de la papauté en Avignon, il apprend avec bonheur le vœu de l’installation définitive de Grégoire XI à Rome (1376). Il lui faut encore reprendre sa toge d’ambassadeur pour aider à délivrer le fils de Francesco de Carrare qui l’avait employé lorsqu’il était à Venise et que les Vénitiens avaient pris en otage. Un an plus tard il meurt à Arqua, le 19 juillet 1374. Sa fille l’a retrouvé avec la tête qui reposait sur un livre. C’est sa fille qui lui fait élever un mausolée et son gendre deviendra son exécuteur testamentaire. Même si Pétrarque, qui aimait parler de lui-même et nous fournit de nombreux éléments, il est très difficile de caractériser sa personnalité même si l’on peut dire qu’il a toujours proclamé sa haine contre son époque et son dégoût pour ses contemporains. C’est peut-être ces raisons qui l’ont fait se réfugier chez ses « Chers Anciens » et peut-être aussi s’est-il consolé en les imitant, et en se réfugiant dans la solitude. Mais je pense que sa personnalité est assez difficile à cerner car, même si il refuse son temps il participe activement à la vie politique et, si il a connu un seul amour il n’en dédaigne pas pour autant le plaisir avec les femmes. On peut aussi voir que si il est chrétien, sans aucun doute, il n’en aurait pas quand même préféré vivre sous le paganisme[6] . En tout cas il est présent dans son siècle en introduisant les belles lettres mais il garde les yeux fixés sur l’avenir en composant l’image qu’il veut laisser de lui. [1] Les guelfes et les gibelins sont deux factions (parti ou, plus souvent, brigate ou sette1) médiévales qui s'opposèrent militairement, politiquement et culturellement dans l'Italie. À l'origine, elles soutenaient respectivement deux dynasties qui se disputaient le trône du Saint-Empire Germanique : la pars Guelfa appuyait les prétentions de la dynastie des « Welfs » et de la papauté puis des Angevins, la pars Gebellina, celles des Hohenstaufen, et au-delà celles du Saint-Empire romain germanique. [2] - Techniques de l’art oratoire, l’art de bien parler… [3] - certaine quantité de farine ou de grains pour payer à la place de l’argent.
[4] - égout, cloaque [5] La philologie est l'étude de la linguistique historique à partir de documents écrits. Elle vise à rétablir le contenu original de textes connus par plusieurs sources, c’est-à-dire à sélectionner le texte le plus authentique possible, à partir de manuscrits, d'éditions imprimées ou d'autres sources disponibles (citations par d’autres auteurs, voire graffiti anciens), en comparant les versions conservées de ces textes, ou à rétablir le meilleur texte en corrigeant les sources existantes. [6] - ni chrétien, ni juif. |
< Précédent | Suivant > |
---|