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LA CONQUETE DE L'OUEST AMERICAIN AVEC LUCKY LUKE Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
14.01.2014 : un petit air péquenot.

LA CONQUETE DE L’OUEST AMERICAN AVEC LUCKY LUKE

La Culturothèque – 14 janvier 2014

Michèle

Lorsque le Mayflower débarque à Cap Cod (Massachusetts) en 1620, l’Amérique voit les premiers colons s’établir durablement dans ce qu’on appelait alors la « Nouvelle-Angleterre ». A bord du bateau des pèlerins vont fonder des lois et des principes de la future colonie et seront considérés comme les pères fondateurs des futurs Etats-Unis d’Amérique.

L’histoire des Etats Unis est jalonnée ensuite d’évènements  dont les plus importants pour comprendre le pays sont la guerre d’indépendance des Etats-Unis, l’industrialisation et la guerre de Sécession. Ces évènements se sont déroulés de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle.

De 1840 à 1860 la population américaine est multipliée par 20. Les transports se développent. Tous les transports : voies fluviales (canaux, Grands lacs, fleuves –Mississipi, Saint Laurent- premiers navires à vapeurs, notamment les transatlantiques qui relient l’Amérique a l’Europe) – voies ferrées (en 1855 le pays compte déjà 25 000 km de lignes) – messageries (Le télégraphe, le pony express…) mais malgré la construction de villes « champignon » le pays reste majoritairement rural.

C’est cette révolution des transports qui a préparé ce qu’on appelle la « conquête de l’ouest ». Les colons américains empruntant des pistes de l’Orégon ou de Californie dans des charriots bâchés, immortalisé par la littérature dans un premiers temps puis par le cinéma avec les « Westerns ».

Cette littérature, puis ces  « film de l’ouest » vont populariser ce que l’on appelle « la naissance de la nation américaine ». Elle va raconter la douleur qui a été nécessaire à la construction du pays et l’on soutient que l’épopée des pionniers aurait forgé l’identité même du peuple américain.

Les colons américains empruntent dès lors les pistes de l’Orégon ou de Californie et suivent la piste de Santa Fe, puis préfèrent emprunter le raccourci de la Cimarron plutôt que de se risquer dans le passage montagneux de Raton Pass.

A partir des années 1880 le Far West va devenir le thème de nombreux spectacles (dont le célèbre Wild West Show de Buffalo Bill -+ Calamity Jane- qui fera même une tournée en Europe –rencontre de la Troupe avec Mistral et Folco de Baroncelli-) et ce thème va devenir source d’inspiration pour les pionniers de l’industrie cinématographique (premier western : Vol du grand rapide tourné en 1903 aussi connu sous le nom de « l’Attaque du grand train » qui s’inspire des exploits du « Wild Bunch[1] » dans les années 1890).

Le cinéma va mythifier largement les cows-boys, ces simples vachers qui vont être transformé en héros vertueux aux qualités irréprochables (comme les « gardians » de Camargue) et des hommes comme Billy the Kid, Jesse James … vont devenir des légendes[2] mis en scène comme des héros vertueux joués par Gary Cooper, John Wayne… (La chevauchée fantastique  1939 – Rio Bravo 1959 – La Rivière Rouge 1948  - Butch Cassidy et le Kid 1969 – Le train sifflera trois fois 1952)…. avec les indiens dans les rôles des méchants avec une inversion toutefois dans les années 1960.

A la télévision qui ne se souvient pas de Le Lone Ranger (1949-1957), Au nom de la Loi (1958 1961)  (suivi de La petite maison dans la prairie 1974, Colorado 1978, Dr Quinn 1993…)

Le mode « Western » arrive à grand pas en Europe… par la Musique avec  « La fanciulla del West » ou « La Fille du Far-West » opéra de Giacomo Puccini (1874) avant d’attendre 1967 avec Joe Dassin « Les Daltons », et … bien sûr par la bande dessinée !

Personnellement, j’ai découvert l’univers du western par deux indiens, dont l’un s’appelait Kocis et l’autre Flèche-de-Lune, ils faisaient la seconde partie d’un petit format, « Ivanhoé ». Ces deux indiens coulaient des jours heureux dans la Vallée Heureuse et vivaient au milieu d’une harde de chevaux sauvages qui sont leurs amis. Kocis a la particularité de comprendre le langage des chevaux. Malheureusement, la quiétude de nos héros est interrompue, trop souvent,  par la venue de la civilisation sous forme de l’homme blanc. Ces héros sont issus de la collaboration de Roger Lecureux (Les Pionniers de l’Espérance, rédacteur en chef de Vaillant, Al Capone chez Dargaud, Rahan, Capitaine Apache, les Robinsons de la Terre…) et de Joseph Garcia, dit le « Zèze », Beaucairois.

 

Le plus célèbre cow-boy de la bande dessinée, mais aussi universel, reste toutefois « Lucky Luke ». Eternellement jeune, il est né en 1946 ! « Il est au fond un gars de partout et de nulle part, il s’est écarté du Far West, est allé sur le Mississipi, en Pennsylvanie et même en dehors des Etats-Unis (au Mexique et au Canada)….) –Morris 1970-.

Il apparaît dès le départ comme un battant capable de faire le coup de poing et d’enchainer les courses-poursuites avec la frénésie d’un dessin animé  de Tex Avery. Au début, il n’a que 4 doigts comme Mickey, il a une dégaine de « loustic » avec une mèche noire sous son chapeau, une chemise jaune, un foulard rouge : noir, jaune, rouge, les couleurs du drapeau belge ! « Je l’ai fait plus loufoque au début, mais c’est sous l’influence de l’éditeur que je l’ai modifié. Dupuis le trouvait trop caricatural…  à cette époque le héros devait être respecté, …. Il voulait qu’il serve de modèle aux gosses…  en appliquant ces règles on arrivait à un personnage très, très fade, à un boy-scout ».

Sa rapidité de tir est légendaire. Mais il tue rarement : une seule fois. C’est dans  « Lukcy Luke et Phil Defer dit le Faucheux » (1954). C’est parce que l’histoire parait dans le Moustique, le magazine de radio et télé de Dupuis, pas dans Spirou.

Au fil des albums son arme ne sera plus une menace : sa réputation suffit. Et, si on la met en doute, comme dans « Billy the Kid », il fait un trou dans un papier découpé.

Au début Lucky Luke ne fume pas, puis il se met à fumer… pendant 36 ans « cela faisait partie des westerns que j’essayai de parodier ». Le tabac est un attribut viril. Lorsqu’en 1971 on l’adapte pour la première fois à l’écran il garde la cigarette mais la série d’Hanna-Barbera Productions (1984) exige des changements : il doit se modérer sur l’utilisation des armes à feu, les blanchisseurs chinois, les mexicains qui font la sieste et les domestiques noirs et la cigarette doivent passer à la trappe ! « Ils préféraient que le héros ne donne pas le mauvais exemple en fumant, je l’ai donc supprimé. Cela ne me dérange pas vraiment. J’ai mis un brin d’herbe à la place qui lui donne un petit air péquenot. ». L’organisation Mondiale de la santé donnera à Morris le 7 avril 1988 une récompense pour cette « bonne conduite ». Goscinny avait arrêté le tabac avant de décéder d’une crise cardiaque et Morris aussi fera de même « Je savais que Lucky Luke n’allait jamais attraper le cancer, mais pour moi, j’en étais moins sûr… ».

Morris a choisi le journal Spirou pour publier ses bandes dessinées car il trouve le journal plus ouvert et plus fantaisiste que son concurrent marqué par le style d’Hergé. De plus il travaille pour le studio de dessins animé des éditions Dupuis. Il habite chez Jijé (Joseph Gillain[3]) considéré aujourd’hui comme le père de la bande dessinée et qui à l’époque est le seul « auteur belge à faire sérieusement de la bande dessinée » selon Morris. Il y retrouve André Franquin (Spirou et Fantasio), Will (Tif et Tondu).

C’est au contact de Jijé qu’il apprend les techniques de la bande dessinée.

En 1948 Jijé craint une troisième guerre mondiale qui transformerait l’Europe en zone occupée par les troupes de Staline. Il décide de partir pour les Etats-Unis dans l’espoir de se faire engager chez Walt Disney. Il entraine avec lui Franquin et Morris pour qui ce voyage était motivé par l’envie de découvrir les décors et les méthodes de travail des auteurs américains. Il considérait les Etats Unis comme le pays de la bande dessinée. Après plusieurs mois passé au Mexique Jijé et Franquin retournent en Europe mais Morris reste aux Etats Unis d’où il envoie régulièrement des planches au journal Spirou. C’est la qu’il sort « La Mine d’or de Dick Digger » premier album de Lucky Luke. Morris a de nombreux contacts avec les auteurs de bande dessinée et c’est sous leur influence qu’il va faire de Lucky Luke une parodie des  héros de western. C’est aussi là-bas qu’il donne naissance aux Daltons s’inspirant des véritables frères Daltons sur lesquels il se documente à la bibliothèque de New York. « C’est en 1951, à New York, où je vivais à l’époque, que l’idée me vint de mettre en scène dans ma bande des personnages historiques, puisque les figures truculentes foisonnent dans les annales de l’Ouest et que, jamais et nulle part, la  réalité n’a autant dépassé la fiction qu’au nom de l’inénarrable conquête de ce continent… L’idée de ces quatre frères unis au service de la même mauvaise cause m’avait séduit …. La carrière criminelle des Daltons n’a duré que deux ans et ne se compose uniquement que d’attaques de trains et, c’est vrai, réalisées avec de nombreuses maladresses, témoignant totalement d’imagination, accompagnées d’inutiles tueries et ne rapportant que des butins de misère ».

Il faut dire que la réalité est proche des propos de Morris car les circonstances de la mort de deux Daltons n’est pas digne de leur réputation car ils font leur casse affublés de fausses barbes grossières puis… se laissent convaincre qu’un mécanisme bloque l’ouverture des coffres, alors… même que celui-ci est ouvert !

Dans la vraie vie les Daltons sont 5 frères et… 10 sœurs. Leur père d’origine Irlandaise s’était installé dans le Kansas où il a élevé des chevaux, été vendeur et tenu un bar. Il avait la réputation d’être un homme austère et pénétré de principes religieux. Il avait épousé la belle Adeline Younger, une cousine éloignée de Jesse James qui lui a donné 15 enfants et avait installé sa famille dans une ferme achetée avec ses économies. La ferme était toute petite et une succession de mauvaises récoltes a fait installer la famille Dalton dans le territoire Indien où la famille peut vivre à l’abri du besoin. Les enfants sont élevés selon la morale rigoriste, dévoués à leur mère qui leur a donné le goût du travail, des études. Ils s’emploient à vivre en cherchant à gravir les échelons hiérarchiques sociaux : Ben et Cole par exemple entrent à l’université, Franck devient Marshall, William entrepreneur prospère en Californie à qui on prédit un brillant avenir politique…. Mais Lewis, criblé de dettes, va devenir alcoolique avant d’abandonner sa femme et ses enfants puis c’est Franck qui meurt dans l’exercice de sa profession.  Grattan récupère la fonction de marshal. Bob et Emmett se rendent au Nouveau-Mexique pour y faire des affaires, en chemin, à Silver City ils commettent leur premier « crime »….

Enfin, dans Lucky Luke, ces « chevaliers sans peur et sans reproches » sont démystifiés, ridiculisés sans pitié : Morris prend  même soin de les « occire » à la fin de l’épisode de « Hors-la-loi ». Rassurez vous Morris se rend compte de son erreur mais, comment faire revenir des personnages qui sont historiquement morts ? C’est ainsi que les cousins jumeaux des Daltons vont faire leur apparition dans « Lucky Luke et la Bande de Joss Jamon » (1956) et sur le registre de l’hôtel on découvre leur nom : Joe,William, Jack et Averell et c’est René Goscinny qui choisit les prénoms.

Morris, par l’intermédiaire de Jijé avait rencontré René Goscinny qui travaillait, à la chaine, dans une entreprise de cartes postales fabriquées à la main. Voulant se concentrer uniquement sur l’aspect graphique et, aussi, donner un nouvel élan à la série, Morris contacte Goscinny pour écrire le scénario d’un Lucky Luke. C’est avec Goscinny que les scénarios de Lucky Luke commencent à avoir une véritable épaisseur. C’est Goscinny qui trouve l’idée de faire revenir les Daltons avec les cousins fictifs prénommés Joe, William, Jack et Averell  plutôt que de faire revenir les fameux bandits enterrés. C’est aussi pour lui une liberté dans les personnages.

Deux ans plus tard, Morris à l’idée d’introduire un nouveau personnage : Rantanplan. Un chien stupide qui prend le contre-pied complet de Rintintin ! Ici le chien est un bâtard sans grâce et contrairement à Rintintin qui sauve Rusty et les soldats de nombreux dangers, Rantanplan ne cesse de mettre en danger Lucky Luke et fait tout de travers mais, on peut être assuré qu’il ne le fait pas exprès : il été élevé dans un Pénitencier, est connu pour son intelligence, sa bravoure.

En 1968 Morris quitte après 21 ans le journal Spirou pour rejoindre Pilote et son éditeur René Dargaud. Bien lui en a pris : même les deux derniers épisodes édités chez Spirou et cartonnés chez Dargaud obtiennent un succès sans précédent.

Le rythme de travail de Morris et Goscinny ne va pas fléchir : Dalton City et l’année suivante Jesse James.

Jessie James et son entreprise familiale. Une histoire ponctuée de meurtres et agrémentées d’anecdotes destinées à nourrir la mythologie de l’Ouest. En effet cet ancien soldat sudiste veut rendre justice aux agriculteurs ruinés et humiliés du Missouri au lendemain de la défaite.

Le père de Jessie avait peu à peu arraché aux vastes étendues sauvages un terrain de 40 acres mis en culture par des esclaves. Comme d’autres propriétaires il a été révolté lorsque l’Etat n’a pas reconnu l’esclavage et ne voulant pas prendre parti dans la guerre civile déclenchée, Robert James abandonne sa femme, ses enfants et s’en va en Californie pour prêcher la parole de Dieu aux chercheurs d’or (mais sûrement qu’il rêve plutôt d’y faire fortune). A peine arrivé il meurt du choléra.

Jesse n’a aucun souvenir de son père, sa mère va se remarier 2 fois, la guerre va les obliger à quitter leur ferme et la guerre de Sécession sera son école… du crime. La vengeance de tortures infligées à sa famille le fait entrer dans la légende. Dans l’imagerie populaire il entre dans la légende en vengeant les petites gens et en défendant leur bien à l’image de Robin des Bois… mais les autorités s’insurgent contre cette rumeur et il faudra que la série de vols, plus ou moins brillamment accomplis, se perde au fil des morts, son efficacité pour finir par accueillir dans la bande celui qui les trahira en tirant dans le dos de Jesse James.

René Goscinny avait certainement  en mémoire le très beau film sorti dans les salles en 1957 lorsqu’il écrit son scénario car il reprend la même vision de la famille James, une famille de confédérés ruinée par la guerre de Sécession…

Dans cet album, il faut remarquer que Lucky Luke ait preuve d’une culture étonnante pour un simple Cow-Boy : il connait la Marche Funèbre de Chopin et… est même capable de reproduire la partition sur un rouleau de piano mécanique avec les balles de son six coups. Il va même déjouer les plans de Jesse James parce qu’il a lu les Aventures de Robin des Bois…

Les grandes absentes des bandes dessinées sont les femmes. Cette absence est due essentiellement à la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse qui fait peser un risque de censure sur toutes les bandes dessinées qui se risqueraient à faire figurer un personnage du beau sexe dans une attitude affriolante. Hergé, expliquait que la Castafiore était le maximum de féminité qu’il pouvait se permettre.

Morris s’amusait à dessiner des femmes nues dans les cadres aux murs des Saloons recouvertes, systématiquement, par l’éditeur. C’est avec l’arrivée au Ministère de la Culture de Jack Lang qui, sans abroger la loi, va permettre une application plus souple et moderne.

Calamity Jane avec ses manières de charretier, ses talents de fine gâchette et ses gâteaux immangeables, la « squaw dingo » comme l’appellent les Apaches, n’a sans doute aucune raison de devenir une vraie Lady qui finira par imposer le respect à tous les habitants d’El Plomo comme à Lucky Luke.

Dans « Calamity Jane » c’est la première (et unique) fois que Lucky Luke va partager  la vedette avec un autre personnage. Dans l’album Goscinny et Morris inventent la parité en BD. Avec Calamity Jane, ils campent un personnage assez proche de l’image que l’on a gardée de la plus célèbre aventurière de l’Ouest. Ils en font aussi  un portrait de la femme moderne, tiraillée, au fil des pages, entre sa nature intrépide et ses aspirations à une féminité plus classique…

On sait que ce n’est pas seulement son côté garçon manqué et sa soif d’aventures qui ont poussé Martha Canary à partir vers l’Ouest, contrée si dangereuse et si peu fréquentée par les femmes. A la mort de ses parents elle aurait fuit sa communauté de mormons pour échapper au mariage polygame auquel elle était contrainte…. ou peut-être pas ! On la retrouve dans l’armée enrôlée alors qu’elle s’est déguisée en homme…

Son nom incarne la femme libre ! Mais pour savoir si cela a été un choix ou une « fatalité » c’est plus difficile car sa biographie n’est pas une tâche facile entre l’autobiographie distribuée lors de ses spectacles, l’abondance littérature que sa légende a suscitée et enfin une série de lettres de correspondance nommées « Lettres à sa fille » qui ont été reconnues comme un canular !...

La présence régulière de Lucky Luke dans le journal Pilote ne dure que cinq ans. Morris et Goscinny vont considérer que le journal changeant de visage et de public, la série n’y a plus sa place et y fait sa dernière apparition dans le n° 736 avec la fin de l’histoire « L’Héritage de Rantanplan ». La série va tantôt être éditée dans Pif Gadget, Le Nouvel Observateur, Paris Match. Mais les éditions Dargaud qui pensaient que la série avait de l’envergure pour être la vedette d’un journal va lancer, en 1974, au début d’une crise des journaux, le journal Lucky Luke. Il vivra l’espace de 12 numéros.

En 1971 avec l’aide de Pierre Tchernia Lucky Luke devient le héros d’un dessin animé avec le film « Lucky Luke », renommé plus tard « Daisy Town »  puis un second film, « La Ballade des Dalton » sortira en 1978.

Goscinny disparaît en 1977, Morris fait alors appel à divers scénaristes et d’ailleurs la collaboration avec Jean Léturgie et Xavier Fauche vont tourner mal (procès). En 1984 les studios américains Hanna-Barbera Productions produisent la série animée qui n’a aucun succès aux Etats-Unis contrairement à l’Europe. C’est en 1991 qu’une production française prend la suite et Morris cède les droits de la série à la Société Beechroyd qui lui redistribue les sommes en fonction des ventes.

La même année la série quitte les éditions Dargaud pour les éditions Lucky productions qui ne gère que cette série et créée en Suisse par des amis de Morris et de sa femme. Aujourd’hui c’est Lucky Comics qui publie les anciens albums Dargaud et Lucky Production ainsi que les nouveaux albums et ceux de la série Rantanplan. Morris est mort en juillet 2001 est un des rares auteurs à s’être entièrement consacré à un seul héros.

C’est peut-être pour cela qu’à la fin d’une histoire on voit le départ du héros sur son cheval, face au soleil couchant et chantant : « Je suis un pauvre cow-boy solitaire et bien loin de ma maison »….

Solitaire Lucky Luke ? Certainement pas. Et Joly Jumper ! Joly Jumper est un appaloosa blanc à la robe pommelée de tâches claires. C’est « Jolly Jocker » qui surgit toujours pour sauver la mise. Dans la première aventure il libère Lucky Luke avec ses dents, mais ensuite il apparaît au premier coup de sifflet de son maître, il sait par quelle fenêtre il faut le réceptionner pour le sortir du guêpier dans lequel il s’est fourré ! Il va aussi se refaire une beauté « j’ai aperçu une mare, pas loin. Je vais y faire un brin de toilette » (Canyon Apache). On l’a vu jouer aux échecs, pêcher, cuisiner, monter aux arbres, faire un numéro d’équilibriste, compter, sauver son maître du supplice des fourmis rouges, se balader sur une corde avec un piano, crocheter des serrures, et même lire dans le train ! Mais sa qualité première est qu’il parle avec Lucky Luke. Ce n’est qu’au 14ème album qu’il prend la parole, auparavant il s’exprimait par la pensée « Je ne te laisserai pas tomber, cow-boy ». C’est l’apparition de Rantanplan qui le rend bavard : « Un chien, je n’ai jamais aimé ces oiseaux-là » ! Jolly Jumper est un cheval de caractère mais attaché à Lucky Luke. Il est attaché à sa tranquillité mais « C’est bien ma veine, moi qui suis sédentaire, de tomber sur un cow-boy nomade » (Les Daltons dans le Blizzard). Il est assez pessimiste « On a beau avoir un fer dans chaque sabot, on se demande si cette chance va durer » (Les Rivaux). Il n’est pas toujours tendre avec ses congénères « Quels chevaux antipathiques et sans personnalité ! Ce ne sont que des véhicules ! » (Jessie James) les vaches « Ces animaux à cornes, c’est d’un bête »  (La ville fantôme) et surtout Rantanplan lui sont le plus hostile, le cabot n’a d’ailleurs pas intérêt à se mettre « à portée de sabot » - « Il ne manquait plus que cette erreur de la nature » (Les Dalton se rachètent)

Il faut quand même connaître les habitudes de la série pour en comprendre les subtilités du mal représenté par les héros de la Conquête de L’Ouest où leur méchanceté est poussée par la nature. La codification est poussée aussi pour qu’un lecteur voie de la sournoiserie chez un petit ou la bêtise chez un gros. Si les bandits de l’Ouest et leurs stéréotypes sont les méchants les plus représentés dans la série, elle aborde aussi d’autres couches sociales : les notables, les fermiers, les hommes politiques où les bourgeois. Les faire-valoir des méchants sont toujours représentés de manière totalement stupide et manipulés par l’intelligence de leur patron. C’est pareil pour les Daltons qui sont des méchants à part dans la série mais qui sont représentés par Joe qui respire toujours la haine et Averell la bêtise….

Il ne faut pas attendre un cours d’histoire avec Lucky Luke… bien que des évènements historiques parsèment les aventures de ses albums il n’y a rien de rigoureux mais depuis sa naissance avec  300 millions d’albums vendus, le cow-boy le plus célèbre de la bande dessiné n’a pas vieilli d’un pouce… Le secret de son éternelle jeunesse ?  Un habile dosage de fiction et d’Histoire qui fait la part belle à la parodie.



[1] - Le Wild Bunch, aussi connu sous le nom de gang Doolin-Dalton, était un groupe de hors la loi  basé en  Territoire indien qui sévit dans le Kansas le Missouri, l’Arkansas et le Territoire de l’Oklahoma durant les années 1890.  Ils ont dévalisé des banques et des magasins, attaqué des trains et tué des hommes de loi. De tous les gangs du Far-West, c'est celui qui a connu la fin la plus violente. Formé à la fin du XIX e siècle,  seuls deux de ses onze membres survivent au XXe siècle.  Tous sont morts par balles dans des affrontements avec les forces de l'ordre.

[2] - a la fin du film « l’Homme qui tua Liberty Valance » 1969 une phrase résume l’essence du western : « Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende ! ».

[3]  -  Joseph Gillain fut formé à l'École d’Art de l'abbaye de Maredsous, à l'École de La Cambre de Bruxelles et à l’école normale provinciale de Charleroi où il fut l'élève en dessin de Léon Van den Houten. Il fut l'initiateur de ce que le monde de la bande dessinée désigne comme l'École de Marcinelle. Celle-ci est au « Journal de Spirou », fondé à Marcinelle par Jean Dupuis en 1938, ce que l'École de Bruxelles est au « Journal de Tintin », lancé par les éditions du Lombard en 1946.

Les dessinateurs de l'École de Marcinelle (Franquin, Morris, Will, Tillieux, Roba, Jidéhem, Gos…) sont adeptes de la bulle arrondie, où fusent des dialogues simples, joyeux et spontanés. Pour leur part, leurs confrères et concurrents bruxellois (Hergé, Edgar P. Jacobs, Jacques Martin…) détaillent des textes plus longs, très documentés et plutôt académiques, dans des phylactères de forme rectangulaire.

 

 
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